Les Ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères d’Allemagne, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, de l’Espagne, de la Guinée, de la France, de l’Italie, de la Libye, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, du Sénégal, du Tchad, ainsi que l’Union européenne, l’Organisation des Nations unies, la Commission de l’Union africaine, les Secrétariats du G5 Sahel et de la CENSAD, se sont réunis à Niamey le 16 mars 2018, à l’invitation du Niger assurant la Présidence du G5 Sahel, pour améliorer la coordination de la lutte contre le trafic illicite de migrants et la traite des êtres humains entre les Etats d’origine, de transit et d’arrivée de migrants. Ont participé à cette réunion l’Organisation Internationale des Migrations et le Haut- Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies et l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.
2. Rappelant que le Niger, le Tchad, la Libye, l’Union européenne, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont affirmé, dans une déclaration conjointe adoptée à Paris le 28 août 2017, leur volonté de lutter contre les réseaux de passeurs afin de limiter les migrations irrégulières vers l’Europe et de protéger les migrants contre les atteintes aux droits de l’Homme et les conditions dégradantes qu’ils subissent. Ils sont également convenus à cette fin de renforcer leur soutien opérationnel aux efforts des pays de transit des migrations.
3. Soulignant que ces objectifs ont été réaffirmés lors du Sommet Union européenne-Union africaine d’Abidjan le 29 novembre 2017 qui a permis l’adoption d’un plan en neuf points pour renforcer la coopération entre les services de police et de renseignement pour lutter contre les réseaux de trafiquants et des passeurs et mettre ainsi un terme à leurs activités, y compris les circuits financiers et leurs avoirs, et aux crimes subis par les migrants.
4. Reconnaissant les efforts en vue de la réinstallation des réfugiés identifiés et évacués de la Libye, en coopération étroite avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et ce conformément aux priorités de l’UE, de l’Allemagne, de l’Espagne, de la France et de l’Italie qui avaient convenu de mener des missions de protection au Niger et au Tchad, en étroite concertation et en accord avec leurs gouvernements.
5. Se basant sur les engagements pris dans le cadre du Plan d’action conjoint de la Valette, des Processus de Rabat et de Khartoum, de la Déclaration de Malte et se félicitant des résultats atteints dans ces cadres ;
6. Soulignant la nécessité d’une approche globale et solidaire pour la gestion intégrée de la migration et ce, à travers notamment le partage équitable des responsabilités entre les pays d’origine, de transit et de destination, et selon leurs capacités nationales, en l’occurrence par le financement de projets d’investissement, en particulier dans les zones d’origine et de transit des migrants ;
7. Rappelant la volonté de poursuivre une approche coordonnée au développement durable dans le but de s’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et des déplacements forcés dans les pays d’origine ;
8. Relevant les efforts consentis par les différents pays se trouvant sur la route de la Méditerranée centrale, en particulier par les communautés locales dans les pays de transit, pour lutter contre les passeurs, prévenir la migration irrégulière, assister et rapatrier les migrants bloqués et coopérer à l’identification et à la protection des demandeurs d’asile et réfugiés ;
9. Mettant en exergue la nécessité de développer les conditions d’émergence d’une économie alternative à l’économie souterraine du trafic illicite des migrants et de la traite des êtres humains par la création de nouvelles sources de revenus au profit des communautés affectées par le trafic ou en passe de l’être dans les pays de transit.
10. Saluant les efforts déjà fournis dans la gestion et la gouvernance de la migration par les pays africains, l’UE et ses Etats membres à travers la mise en œuvre du Plan de la Valette et les dialogues politiques migratoires nationaux et régionaux.
11. Rappelant le soutien continu offert par l’UE et ses Etats membres qui ont déjà permis, entre autres, en partenariat avec l’Organisation Internationale pour les Migrations et le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, le retour volontaire et la réintégration de 15 000 migrants et l’évacuation de plus de 1000 réfugiés de Libye en accord avec les engagements pris lors du Sommet Union Africaine – Union Européenne d’Abidjan.
12. Les participants ont convenu d’engager ensemble les actions suivantes :
1) Renforcer les cadres législatifs nationaux en matière de lutte contre le trafic illicite et la traite d’êtres humains
13. Continuer de soutenir l’élaboration de stratégies migratoires nationales cohérentes visant à garantir les droits des migrants et permettant de judiciariser l’ensemble des formes de criminalité associées au trafic illicite de migrants et à la traite des êtres humains, de lutter contre le blanchiment d’argent et de saisir les avoirs criminels.
14. Promouvoir notamment la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et en particulier la ratification de ses deux protocoles, l’un visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, l’autre à lutter contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer.
15. Faciliter davantage le partage d’expériences, la conduite de missions techniques d’assistance menées par les Etats déjà parties à ces protocoles et l’établissement d’un mécanisme de suivi de l’élaboration des cadres législatifs nationaux visant à cette ratification.
16. Encourager la ratification par les Etats membres de la CEDEAO impliqués dans la lutte contre le trafic de migrants de tous les protocoles et conventions de cette organisation contre la traite des Personnes et le Trafic illicite de Migrants, afin de disposer d’un arsenal juridique uniforme pour développer la coopération policière entre ces Etats.
2) Renforcer les outils nationaux de lutte opérationnelle contre le trafic illicite de migrants et la traite des êtres humains et mieux coordonner ces outils nationaux au niveau régional
17. Soutenir, dans les pays africains d’origine et de transit des migrants la création d’équipes conjointes d’investigation (ECI), coordonnées étroitement avec les forces de police et de gendarmerie nationales, les forces armées et les gardes nationales, ainsi que la Force Conjointe du G5 Sahel, ayant pour mission d’identifier et d’interpeler les membres de réseaux d’immigration irrégulière et de traite des êtres humains, et assurer un financement pérenne du fonctionnement de ces structures.
18. Soutenir, dans les mêmes pays, la création de groupes d’action rapide – surveillance et intervention (GAR-SI), destinés à stabiliser les zones isolées et les régions transfrontalières pour faire cesser les trafics de migrants et lutter contre la traite des êtres humains. Assurer la durabilité et la bonne intégration de ces dispositifs par les autorités nationales dans le maillage national des forces de défense et de sécurité, ainsi que la coordination régionale de ces dispositifs nationaux, afin de pouvoir lutter efficacement contre les réseaux transnationaux.
19. Appuyer l’évolution des mandats des missions EUCAP SAHEL Niger et EUCAP Mali, ainsi que EUBAM Libye, dans le cadre d’une approche coordonnée aux actions de l’Union Européenne de sécurité et de défense commune dans la région, en vue de renforcer le soutien aux forces de sécurité intérieure contre les réseaux de passeurs.
20. Sur la base d’AFIC (Africa-Frontex Intelligence Community), renforcer la coopération avec l’Agence Européenne de Garde-Frontières et de Garde-Côtes (Frontex) et établir des partenariats opérationnels entre les pays d’origine et de transit des flux migratoires et l’Agence Européenne de Garde-Frontières et de Garde-Côtes, notamment en développant davantage l’échange d’informations et le travail analytique conjoint concernant la gestion des frontières, y compris la lutte contre le trafic illicite de migrants, la traite des êtres humains et d’autres activités illicites affectant la sécurité des frontières..
21. Assurer une coordination régionale entre équipes nationales d’investigation pour assurer le démantèlement effectif des réseaux transnationaux. En particulier, établir une matrice recensant des points de contacts nationaux en charge de la lutte contre les réseaux de trafic de migrants et de traite des êtres humains, pour assurer des échanges réguliers entre services de sécurité intérieure.
22. Assurer la bonne appropriation et le fonctionnement des systèmes d’échanges et de partage d’information- qui pourront être favorisés par la mise en place dans chaque pays d’un système électronique centralisée d’information policière pour assurer la coordination de la lutte contre la criminalité organisée, y compris en matière de trafic de migrants et de traite des êtres humains, qui sont actuellement développés en Afrique de l’Ouest, tels que la plateforme de coopération en matière de sécurité (PCMS) du G5 Sahel et le Système d’Information Policière pour l’Afrique de l’Ouest (SIPAO/WAPIS).
3) Renforcer les capacités technique et matérielle des Forces de défense et de sécurité en charge de la lutte contre le trafic illicite et la traite de personnes dans les pays d’origine et de transit.
23. Développer et intensifier des formations des membres des Forces de Défense et Sécurité chargées de la lutte contre le trafic de migrants dans tous les pays pour qu’elles développent un savoir spécifique dans le domaine. Les activités de formation menées par EUCAP Sahel Niger et Mali peuvent servir de référence pour l’élaboration et la conduite de ces programmes de formation (détection de faux documents, enquêtes sur réseaux, etc.).
24. Soutenir la mise en place des infrastructures et l’équipement des Forces de Défense et de Sécurité dans le cadre du contrôle des frontières dans des zones névralgiques sur la route de migration irrégulière de la Méditerranée centrale (Nord Niger et Nord Tchad).
4) Renforcer la coopération judiciaire
25. Soutenir la mise en place et le renforcement de dispositifs de coopération judiciaire à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest. En particulier, assurer la consolidation du réseau d’Autorités Centrales et de Procureurs d’Afrique de l’Ouest (WACAP), établi au sein de la CEDEAO et qui associe la Mauritanie, notamment en appuyant financièrement le développement du dispositif.
26. Travailler à la coordination des réseaux judiciaires avec les mécanismes d’entraide judiciaire qui existent dans les pays de destination des migrants et des victimes de la traite afin de disposer d’un cadre cohérent associant pays d’origine, de transit et de destination des migrations irrégulières. Promouvoir des mécanismes d’entraide judiciaire et d’extradition entre les Etats où de tels mécanismes n’existent pas.
5) Renforcer le contrôle des frontières
27. Renforcer les dispositifs nationaux de contrôle des frontières, associant à la fois les forces de défense et les forces de sécurité intérieure, pour identifier les voies empruntées par les flux migratoires irréguliers et permettre l’interception des moyens de transport utilisés par les réseaux de trafic illicite de migrants et de traite des êtres humains.
28. Renforcer les dispositifs régionaux de surveillance des frontières dont l’action doit contribuer à la lutte contre l’activité des réseaux de trafic de migrants et de traite des êtres humains. A cet égard, appuyer la pleine mise en œuvre du mandat de lutte contre les trafiquants de migrants et la traite des êtres humains au sein du G5 Sahel, en particulier par le développement au sein des PC de fuseau d’une composante police et justice afin d’assurer la continuité de la chaîne pénale et un traitement judiciaire approprié des personnes interpelées.
6) Protéger les migrants irréguliers et les victimes de la traite
29. Appuyer le travail conjoint de la Task Force tripartite UA-UE-ONU mise en place au Sommet d’Abidjan afin de faciliter la protection internationale des demandeurs d’asile actuellement en Libye et au Niger, en vue de leur prise en charge dans les meilleures conditions humaines et matérielles par le HCR et l’OIM et dans ce cadre, soutenir les programmes de retour volontaire assisté des migrants
30. Respecter les termes des engagements pris dans la déclaration conjointe adoptée à Paris le 28 août 2017 et réaffirmés lors du Sommet Union européenne-Union africaine d’Abidjan le 29 novembre 2017 concernant la réinstallation par les pays européens des réfugiés et des demandeurs d’asile évacués hors de Libye.
31. Mettre en place des mécanismes de référencement, d’orientation et de prise en charge des victimes de la traite des êtres humains afin d’éviter qu’elles soient à nouveau la cible de réseaux criminels de traite. Mettre en place des dispositifs d’accompagnement des migrants interpellés avec les passeurs afin d’éviter de nouvelles sollicitations ou tentatives de migration irrégulière.
32. Continuer de soutenir les migrants vulnérables sur le chemin du retour pour faciliter leur intégration économique dans leurs communautés locales;
7) Assurer le développement durable et la promotion d’une économie alternative pour la maitrise des flux migratoires.
33. Continuer la mise en œuvre effective du plan de la Valette par la prise en compte des programmes de développement durable pour s’attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière et des programmes pour la maitrise des flux migratoires et le développement d’une économie alternative.
34. Promouvoir des alternatives économiques au trafic dans la région et développer la résilience des populations locales à travers l’amélioration de l’accès aux services de base et la création d’opportunités d’emploi, notamment pour les jeunes.
35. Renforcer les mécanismes de suivi et d’évaluation des projets FFU et des autres partenaires entrant dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite de migrants et la traite de personnes ;
8) Assurer le suivi des engagements
36. Instituer un mécanisme permanent de suivi des engagements pris pendant la présente réunion.
37. Organiser le 18 juin 2018, à Niamey, un atelier de concertation régionale sur la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains, qui réunira les directeurs généraux des services de défense et de sécurité intérieure, les directeurs généraux chargés de la migration, les points focaux nationaux en charge de la lutte contre les réseaux de trafic et de traite des Etats participants, pour accompagner la mise en œuvre pratique des engagements contenus dans cette déclaration.
38. Informer les pays partenaires des progrès effectués dans la mise en œuvre des engagements contenus dans cette déclaration par le biais des points de contact des participants.
Fait à Niamey le 16 mars 2018