Nous, organisations de la société civile, réunies à l’effet d’examiner les conclusions issues de la session budgétaire de l’Assemblée nationale, en particulier de la séance consacrée aux débats et au vote du projet de loi des finances 2018, tenons à faire la déclaration suivante :
A l’instar de tous les citoyen(ne)s, nous avons constaté qu’en dépit de la vague d’indignation et de contestation qu’il a suscité au sein de l’opinion nationale, le projet de loi de finances 2018 a été adopté, sans aucune modification, au cours de la plénière de l’Assemblée Nationale consacrée à son examen; et nous avons été particulièrement surpris de constater que les débats parlementaires sur un sujet d’une telle importance ont été, pour la 1ère fois dans l’histoire de notre jeune démocratie, censurés sur les médias publics, en particulier la télévision nationale qui, habituellement, les transmet en direct.
Jusqu’à la date du 26 novembre 2017, nous avons gardé l’espoir que les députés nationaux useront de leurs prérogatives constitutionnelles pour au moins retoquer certaines des mesures à caractère fiscal préconisées par le gouvernement et rehausser significativement les allocations budgétaires aux secteurs sociaux de base (santé, éducation, agriculture, élevage, eau potable), notamment en réduisant le train de vie de l’État et en annulant certaines dépenses superflues. C’est dire donc combien nous avons été indignés de constater que les parlementaires ont fait le choix de s’aligner sur le gouvernement et les consignes de leurs partis, plutôt que de prendre en compte les critiques et les propositions formulées par la société civile; critiques et propositions dont la pertinence a été admise par nombre d’entre eux lors des rencontres que nous avons eues avec la Commission des affaires économiques et du plan, et la Commission des finances et du budget.
En votant le projet de loi de finances sans aucune modification, les parlementaires ont apporté leur soutien au gouvernement dans sa volonté d’accentuer la pression fiscale sur les couches défavorisées de la population, tout en accordant des cadeaux fiscaux inacceptables à certaines catégories de contribuables, notamment les compagnies de téléphonie et les marketteurs et promoteurs indépendants du secteur des hydrocarbures. Ce faisant, ils ont autorisé le gouvernement à supprimer la taxe sur la terminaison du trafic international entrant (TATTIE) et à réviser les taux et modalités de calcul de l’impôt sur le minimum forfaitaire, avec comme conséquence un manque à gagner de l’ordre de 45 milliards que l’on cherche à compenser à travers une batterie de mesures ciblant les contribuables les moins nantis. Ces mesures sont notamment :
1-la création d’une taxe d’habitation que devront désormais payer toutes les personnes disposant d’un compteur relié au réseau d’électricité ou d’un système autonome d’énergie électrique, qu’elles soient propriétaires des maisons, simples locataires ou de personnes y habitant à titre gratuit;
2- le rehaussement du taux de l’Impôt Synthétique de 2 à 5% pour les activités commerciales et de 3 à 7% pour les prestations de service, assorti de la fixation de minima de 60 000F pour le commerce et 80 000F pour les prestations de service ;
3- l’extension de l’assiette de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) qui sera appliquée désormais au transport routier des marchandises et des voyageurs, aux affaires faites par les commerçants qui se livrent à la commercialisation des produits agricoles après acquisition auprès des producteurs ruraux, à divers produits, notamment des denrées alimentaires, des intrants agricoles, des fournitures scolaires jusque là exonérés;
4-la réévaluation du prix de base de cession des terrains relevant du domaine privé de l’État;
5-l’institution du prélèvement d’un acompte constituant un minimum de perception de l’impôt sur les plus-values de cession immobilières;
6- l’institution de l’apposition d’un droit de timbre de 200F sur tout document légalisé sous peine de nullité ;
7-la réactualisation et la diminution de certains taux de droits de mutation par décès pour la part nette recueillie par chaque ayant droit.
En votant le projet de loi de finances sans aucune modification, les parlementaires ont cautionné également la façon scandaleuse dont les ressources du budget de l’État pour l’exercice 2018 ont été réparties entre différents secteurs et différentes institutions. Ce faisant, ils ont accepté que la part des secteurs sociaux de base, notamment l’éducation, la santé, l’agriculture et l’élevage, qui sont érigés en priorité par la Constitution du 25 novembre 2010, reste encore très faible et largement en deçà des engagements internationaux de l’État du Niger et des promesses faites par les autorités elles-mêmes. Ils ont refusé de réduire le train de vie de l’État, de faire des économies sur les dépenses consacrées à la défense, et surtout celles allouées à certaines institutions telles que la Présidence de la République, l’Assemblée nationale, les Ministères des finances et de l’intérieur; alors même qu’il était possible de gagner au moins 55 milliards de francs CFA, initialement affectés à des dépenses superflues, parfois de pur prestige, et qui pourraient être affectés utilement aux secteurs sociaux de base.
Nous constatons également que les parlementaires ont ignoré les propositions concrètes faites par la société civile, propositions relatives notamment à la lutte contre la corruption à travers des mesures visant à combattre les surfacturations, le détournement des deniers publics, l’enrichissement illicite, les fraudes diverses, les rétro-commissions, et autres pratiques dont les princes qui nous dirigent aujourd’hui sont devenus les champions.
Aussi, constatant que les autorités en place ont préféré ignorer royalement toutes les critiques et propositions de la société civile et d’autres catégories socioprofessionnelles consultées, y compris les amendements des commissions parlementaires saisies pour avis, convaincues que toute absence de réaction face à une telle désinvolture ouvrirait un boulevard à la remise en cause des acquis sociaux, nous, organisations de la société civile, soucieuses des conséquences néfastes que la loi de finances 2018 pourrait avoir sur les conditions de vie des ménages nigériens, lançons un mot d’ordre de mobilisation citoyenne générale pour des marches suivies de meetings dans toutes les localités de notre pays le jeudi 21 décembre 2017, pour contraindre le gouvernement et les parlementaires à revoir leur copie de la loi de finances 2018.
Enfin, conscientes de la propension des autorités en place à faire obstacle à la jouissance par les citoyens des libertés publiques consacrées par la Constitution de notre pays, en particulier la liberté de manifestation, nous appelons tous les citoyens à observer partout où les manifestations viendraient à être interdites des journées ville morte. Les manifestations prévues étant pacifiques, nous tiendrons les autorités en place, mais aussi tous ceux qui obéiront à leurs ordres d’entraver l’exercice d’une liberté constitutionnelle, pour responsables de tout dérapage qu’occasionnerait une décision contraire à l’esprit de notre Constitution.
La lutte continue !!!