Depuis les événements du 26 juillet 2023, la souveraineté est érigée en mot d’ordre par les nouvelles autorités. Une revendication en apparence légitime, au regard des échecs de certaines politiques passées. Toutefois, la méthode adoptée soulève bien des questions. À cela s’ajoutent des dysfonctionnements à plusieurs niveaux, compromettant la concrétisation d’objectifs ambitieux, pourtant porteurs d’espoir pour des populations durement éprouvées par une succession de crises.
Reprendre le contrôle national sur des leviers économique stratégiques comme nouvelle doctrine économique du CNSP
Le souverainisme économique, tel que prôné par le Niger, via le CNSP, et plus globalement par les pays de l’AES (l’Alliance des États du Sahel : Mali, Burkina Faso et Niger), fait référence à une volonté politique de reprendre le contrôle national sur les leviers économiques stratégiques, souvent dans une logique de rupture avec les influences étrangères jugées néocoloniales ou défavorables.
Concrètement, cela implique plusieurs orientations clés. Premièrement, la reprise du contrôle sur les ressources naturelles. Le Niger insiste sur la maîtrise nationale de ses richesses (or, uranium, pétrole, etc.), souvent exploitées par des multinationales étrangères. Cela passe par la renégociation ou l’annulation de contrats jugés désavantageux, la nationalisation partielle ou totale de certaines entreprises stratégiques, et la valorisation locale des ressources avant exportation (transformation sur place, création de chaînes de valeur locales).
Deuxièmement, l’indépendance monétaire et financière. Le souverainisme économique va souvent de pair avec une remise en cause du franc CFA qui reste l’un des derniers vestiges coloniaux et perçu comme un outil de dépendance vis-à-vis de la France. Des idées avancées incluent la création d’une monnaie nationale ou régionale, la maîtrise de la politique monétaire pour soutenir l’investissement productif local, et la réduction de la dépendance vis-à-vis des institutions financières occidentales.
Troisièmement, le développement d’une économie endogène. Il s’agit de miser sur les ressources et les capacités locales pour construire un modèle de développement moins dépendant des importations. Cela inclut le soutien aux PME et aux entrepreneurs locaux, la promotion de l’agriculture et de l’industrie locales, et la mise en place de politiques de substitution aux importations.
Quatrièmement, la réorientation des partenariats économiques. Le Niger avec le Burkina Faso ainsi que le Mali cherchent à diversifier leurs partenaires internationaux, notamment vers la Russie, la Chine, la Turquie ou d’autres pays africains, pour sortir du cercle d’influence occidental et défendre leurs intérêts économiques.
Enfin, la réforme des institutions économiques. Le souverainisme tant prôné s’accompagne souvent d’une volonté de repenser les institutions économiques nationales, en les rendant plus souveraines, moins corrompues, et plus tournées vers les besoins des populations.
En résumé, le souverainisme économique de l’AES vise à libérer les économies sahéliennes de la domination étrangère, à renforcer leur autonomie de décision, et à recentrer les politiques économiques sur le développement national et régional, dans une logique de rupture et de refondation.
Accueillir l’investisseur avec intelligence : un impératif pour renforcer l’attractivité du Niger
Si la quête de souveraineté évoquée précédemment semble légitime, elle doit, néanmoins, intervenir dans un cadre approprié, responsable. De surcroit dans un monde globalisé, où les flux d’investissement suivent les opportunités, la concurrence entre les pays pour attirer les capitaux étrangers et nationaux est de plus en plus vive. Pour les pays en développement comme le Niger, cette compétition est à la fois une chance et un défi. Elle exige une stratégie cohérente, une volonté politique affirmée et une culture économique tournée vers l’efficacité, la transparence et la collaboration. Au cœur de cette stratégie, un principe fondamental doit guider toutes les actions : bien traiter l’investisseur, c’est investir dans l’avenir du pays.
Le rôle clé de l’investisseur dans l’économie nigérienne
Un investisseur ne vient jamais les mains vides. Il apporte des ressources financières, mais aussi des compétences, des innovations, des réseaux et souvent une ouverture vers de nouveaux marchés. Dans un pays comme le Niger, où les besoins en infrastructures, en services de base et en transformation économique sont considérables, chaque investissement est une opportunité précieuse pour accélérer le développement.
Les investisseurs participent à la création d’emplois, à la modernisation des outils de production, à la montée en compétences de la main-d’œuvre locale et au renforcement de la compétitivité nationale. Ils jouent également un rôle dans la structuration des chaînes de valeur locales, dans la promotion des exportations et dans l’amélioration de la balance commerciale.
Mais pour que ces impacts soient durables, encore faut-il que le climat des affaires soit favorable et que les investisseurs soient considérés comme de véritables partenaires de développement.
Un climat de confiance, pilier de l’attractivité
L’un des premiers critères que les investisseurs évaluent avant de s’engager dans un pays, c’est la qualité de l’environnement économique et institutionnel. Ont-ils des garanties juridiques solides ? Les procédures sont-elles simples et rapides ? Le cadre fiscal est-il stable ? Existe-t-il des mécanismes pour résoudre les litiges de manière équitable ? Peuvent-ils compter sur des interlocuteurs compétents et disponibles ? Ces questions sont essentielles. Car la confiance est un capital aussi important que l’argent. Un investisseur mal reçu, mal informé ou mal protégé n’aura qu’un seul réflexe : se retirer et conseiller à d’autres d’éviter le pays. Inversement, un investisseur bien accueilli deviendra souvent un ambassadeur économique, capable d’en attirer d’autres.
Le Niger doit donc veiller à offrir un climat d’affaires prévisible, sécurisé et attrayant. Cela passe par des institutions solides, une justice indépendante, une administration modernisée et des incitations claires, bien définies et respectées.
La qualité de l’accueil, une vitrine du sérieux du pays
L’accueil ne se limite pas aux grandes déclarations. Il se mesure dans les faits. Lorsque les investisseurs rencontrent des lenteurs administratives, des obstacles informels, des incohérences réglementaires ou des pratiques opaques, ils perçoivent cela comme un manque de sérieux ou de fiabilité. Au contraire, un investisseur bien accueilli, accompagné dès les premières démarches, orienté efficacement, mis en contact avec les bons acteurs et écouté dans ses préoccupations, retiendra une image positive du pays. Il est donc essentiel que toutes les parties prenantes – institutions publiques, collectivités locales, chambres de commerce, agences de promotion – travaillent ensemble pour créer un écosystème accueillant, réactif et professionnel. Ce n’est pas un luxe, c’est une nécessité stratégique.
Préserver l’attractivité : un effort de tous les jours
L’attractivité économique d’un pays ne se construit pas en un jour, mais elle peut se perdre en un instant. Un litige mal géré, une mesure imprévisible, une parole déplacée ou une expulsion injustifiée peuvent ruiner des années d’efforts. C’est pourquoi il est essentiel de former les acteurs publics à la diplomatie économique, à l’écoute active et à la gestion des partenariats. Le respect des engagements, la clarté dans les procédures, et la volonté de résoudre les problèmes de manière constructive sont autant de signaux qui rassurent les investisseurs. De plus, il ne s’agit pas seulement d’attirer de nouveaux investissements, mais aussi de fidéliser ceux qui sont déjà présents. Un investisseur qui se sent respecté et valorisé sera plus enclin à réinvestir, à étendre ses activités et à s’engager sur le long terme.
Un partenariat gagnant-gagnant
Il ne s’agit évidemment pas de privilégier les intérêts des investisseurs au détriment de ceux du peuple nigérien. Le but est d’instaurer un partenariat équilibré, dans lequel chaque partie trouve son intérêt. Le Niger doit veiller à ce que les projets d’investissement créent de la valeur localement, respectent les normes sociales et environnementales, et contribuent à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Mais pour parvenir à cet équilibre, il faut d’abord créer un climat de confiance mutuelle. Et cela commence par le respect : respect de la parole donnée, respect des procédures, respect du temps et de l’intelligence de ceux qui croient en notre pays.
En définitive, l’avenir économique du Niger dépend en grande partie de sa capacité à attirer, retenir et valoriser les investisseurs. Cela passe par une transformation profonde de nos pratiques, de notre culture administrative et de notre rapport à l’investissement. Traiter un investisseur avec rigueur et sérieux, c’est plus qu’une exigence économique : c’est un impératif dans le contexte actuel caractérisé par la montée de la menace terroriste, une preuve de maturité, de responsabilité et de vision. Car, chaque investisseur bien traité est un partenaire de développement, un créateur de richesse et un allié pour le progrès. Le CNSP est tenu de veiller à ces aspects !
Adamou Louché Ibrahim
Economiste
@ibrahimlouche