De longues heures assis à méditer. Il ne s’agit plus de jeter un regard critique de philosophe sur un destin politique brisé, il s’agit ici de faire sa propre introspection. C’est à ce dur exercice sans cesse renouvelé que l’ancien Président renversé, Bazoum Mohamed, a dû se livrer depuis aujourd’hui plus d’une année, loin d’un pouvoir politique qui s’annonçait pourtant fort prometteur. Dans ce genre de situation, Mohamed Bazoum a beau vouloir faire la politique de l’autruche, il a beau essayé de détourner le regard de la triste vérité, elle a fini par s’imposer à lui. Un grand gâchis, un désastre politique, une carrière politique brusquement écourtée… Tout cela pour une course effrénée pour un deuxième mandat, un mandat de trop.
L’enjeu d’un deuxième mandat
Avec le temps, les éléments du puzzle politique se mettent progressivement en place. Les relations au sein de l’establishment du PNDS Tarayya, le parti politique qui a porté la candidature de Bazoum Mohamed aux élections présidentielles de 2021 n’ont pas toujours été des plus roses. Le président élu en 2021 ne faisait pas l’unanimité au sein de l’appareil politique et depuis le départ, c’est au forceps que son mentor Issoufou Mahamadou, le président sortant l’a imposé comme candidat du parti. Issoufou Mahamadou a usé de la diplomatie, il a plaidé auprès des camarades du parti pour obtenir que des candidats en lice se couchent pour laisser passer le candidat de l’improbable.
C’est ainsi que Bazoum est présenté au sein de toute la classe politique, le candidat improbable. Bazoum ne s’est jamais soucié de se frayer un fief électoral, se contentant chaque fois de surfer sur le trop plein des voix des autres circonscriptions. Bazoum n’a jamais travaillé à châtier son égo pour assoir de bons rapports sociaux avec les militants. Au contraire, il va s’enfermer dans un style de discours dur, à la limite de la provocation, qui a toujours heurté la sensibilité des militants, laissant Issoufou Mahamadou faire les bons offices pour recoller les morceaux cassés.
Bazoum a refusé de cultiver des actions sociales en direction de la population. Avec un tel pédigrée, il est loin de faire l’unanimité des militants. Ce qui est tout le contraire de son prédécesseur Issoufou Mahamadou qui mettra son capital relationnel à son service.
Point de deuxième mandat
Il paraît que c’est le mot d’ordre au sein de l’appareil du PNDS Tarayya. C’est cette lame de fond qui courait dans les milieux du parti qui est parvenue au président Mohamed Bazoum et qui, du coup, a entrepris de prendre des mesures de sauvegarde. Les dirigeants cadres du parti qui se sont pliés à la volonté d’Issoufou Mahamadou n’étaient plus prêts à accepter de se plier une seconde fois pour éviter une cassure au sein du parti.
Cette perspective pourrait très justement expliquer cette rupture avec le parti PNDS que Bazoum avait amorcée. Il mettra fin à ses échanges avec le président du PNDS, Foumakoye Gado qui n’est plus reçu en audience à la présidence de la République. Bazoum prend ses distances avec des responsables du Parti. Dans la foulée, des relations politiques nouvelles voient le jour autour du président Bazoum. Un tournant décisif est amorcé dans les relations entre Bazoum et Issoufou Mahamadou ou de manière générale entre Bazoum et sa majorité politique. Pour survivre, le candidat du PNDS va recourir aux théories de Machiavel, notamment la ruse. Pour ne pas dire la trahison.
La mise à mort du PNDS
Bazoum n’a plus de temps, c’est à une sorte de course contre la montre qu’il va se livrer. Détruire le PNDS, le saccager, le désintégrer et des ruines du Parti, construire avec d’autres éléments nouveaux, le futur appareil de conquête de pouvoir. Bazoum n’a plus l’esprit au gouvernement, il est tout hanté par l’idée d’évincer le PNDS, de porter le premier coup. Ses idées sur la lutte contre la corruption, c’est de la ruse, juste un prétexte pour permettre à Bazoum d’écarter de son chemin, les ténors du parti qui ont tous œuvré pour lui donner le pouvoir, deux ans auparavant. Bazoum est résolument sur la piste de la trahison pour servir son appétit du pouvoir. Dans ce jeu de la trahison, des éléments de l’opposition sont intégrés dans le cabinet Bazoum, à la présidence, dans le même temps où les dirigeants du PNDS sont de plus en plus éloignés du pouvoir.
Dans cette dynamique, les nouveaux parrains de Bazoum sont désormais les recrues des forces politiques nouvelles et surtout son adoubement par la France qui lui donne toutes les garanties. Mais dans l’emballement et la précipitation à mettre son dispositif en marche, Bazoum va mélanger les pédales. Grisé par les succès de sa communication politique qui le présente à outrance comme un homme politique parfait, d’une compétence avérée et les soutiens de la France ou de Macron qui en a fait son ami personnel, Bazoum peut se passer de tout le monde: son parti en déconstruction et sa sécurité qu’il maltraite parce que désormais Macron a mis à sa disposition la base française installée à Niamey.
À vouloir tout gagner, Bazoum a tout compromis. Dans la poursuite d’un second mandat, il a compromis son premier mandat. Et même très probablement sa carrière politique. Maintenant, tout ce que ses soutiens français et les autres lui disent sur son intégrité et son respect aux valeurs démocratiques, c’est un pansement. C’est pour lui donner de quoi apaiser sa conscience. Parce que Bazoum par sa naïveté s’est politiquement suicidé.
Ibrahim Elhadji dit Hima