C’est dans la nuit du 23 au 24 octobre dernier que Hama Amadou a tiré sa révérence. Un véritable choc sur le paysage politique nigérien où Hama Amadou avait pesé de tout son poids, où il avait usé et abusé de toute sa notoriété pour se hisser au sommet du pouvoir, en vain. La mort l’a emporté. Depuis son décès, ils sont nombreux, cadres politiques ou acteurs associatifs à témoigner sur ce qu’ils auraient retenu de l’homme. Une figure politique controversée, ou en tout cas, diversement appréciée. « Avec Hama Amadou disparaît un acteur de la conférence nationale de 1991, mais aussi et surtout un protagoniste de toutes les bifurcations de la vie politique au pays, depuis la conférence nationale. Il opposera, avec virulence, la réalité cruelle de la pauvreté de notre pays aux utopies d’étudiants révolutionnaires et au calcul d’intellectuels impatients de s’accaparer du pouvoir. Il sauva ainsi la face du régime militaire en déconfiture et leurs supplétifs civils « , dira Liman Tinguiri, ancien ambassadeur du Niger en poste à Washington.
L’acteur de la société civile nigérien, Nouhou Arzika, y voit « un grand leader adulé par ses fans ». « Un homme politique majeur s’est éteint « , dira en toute sobriété, l’ancien ministre des affaires étrangères du régime déchu, Hassoumi Massaoudou, depuis son exil parisien.
Moins protocolaire et moins diplomatique, l’ancien chef rebelle et ancien ministre d’État et conseiller en sécurité du président Bazoum, Rhissa AG Boulla sera plus acerbe. « Hama n’est pas l’homme saint et majestueux que les acteurs de la classe politique nous présentent aujourd’hui. Hama c’est le symbole nigérien de Machiavel, c’est l’homme de l’énergie de l’ouest, c’est l’enfant de Seyni kountché et du CMS. Aujourd’hui, des nigériens soi-disant démocrates présentent Hama comme un grand démocrate nigérien. Alors que quand tu as bu le lait du CMS, tu ne peux jamais être un démocrate. Lors des dernières élections, au discours de Tillabery, Hama appelait les nigériens à ne jamais élire un nigérien clair (…) », témoigne Rhissa AG Boulla qui a côtoyé Hama Amadou pendant près de quatre ans dans son gouvernement.
Avec plus d’élégance, l’ancien président de la République, Issoufou Mahamadou est sous le choc. « Je pleure l’un de mes meilleurs alliés. Je pleure la perte d’un de mes meilleurs adversaires », dira-t-il.
Ainsi était dépeint l’homme aux multiples facettes. L’animal politique comme le présentent les nigériens, Hama Amadou ne fait pas dans la demi-teinte. Il est toujours entier. Quand il est au pouvoir, il l’exerce de façon totale, de manière presque autocratique. Premier ministre en 1995 dans le gouvernement de cohabitation avec Mahamane Ousmane, il va livrer une chasse aux sorcières aux cadres de la CDS. Il mettra Mahamane Ousmane sous forte pression et finit par le renverser par un putsch perpétré par Baré Mainassara, proche de Hama Amadou.
Premier ministre sous Tanja Mamadou, il va s’accaparer de la réalité du pouvoir tout au long du premier mandat de Tandja et la première moitié du second mandat. Il va emprisonner à tour de bras, hommes politiques de l’opposition, journalistes indépendants, syndicalistes. Sanoussi Tambari Jackou, leader de l’opposition, Mamane Abou, journaliste indépendant seront presque des pensionnaires assidus de ses prions. Il y a aussi les autres, Sidibé Issoufou (SG CDTN), Lalo Keita (journaliste), Ibrahim Manzo (journaliste)… Il va régner avec une poigne de fer avant que les députés de sa majorité ne se rangent du côté de l’opposition de l’époque PNDS Tarayya pour le renverser par une motion de censure.
Président de l’Assemblée nationale sous le premier mandat du président Issoufou Mahamadou, Hama Amadou va exercer une emprise totale sur les députés de l’Assemblée nationale et sur les ministres du gouvernement, pas seulement les ministres de son parti, y compris les ministres du PNDS Tarayya.
À l’opposition, il s’y met de façon entière dans l’action d’agitation de déstabilisation qui n’hésite à faire recours au renversement. Sous le régime de la transition militaire de Baré, pourtant proche de lui, le pouvoir va lui échapper. Baré était déterminé à rester au pouvoir, alors qu’il devait le rendre à ses mentors. Le climat s’envenime et l’on en vient à l’affaire du « Commando K » ou l’affaire « Intarou Hassan », un très proche de Hama Amadou qui a été arrêté en possession d’armes à feu. Il était soupçonné de préparer une subversion contre le régime de Baré pour le compte de Hama Amadou.
Sous le régime d’Issoufou Mahamadou, Hama qui a quitté l’alliance avec le PNDS rejoint l’opposition. Ce sera le début d’un tumultueux rapport avec le pouvoir qui va dénoncer plusieurs tentatives de coups d’État qui seront repoussées par le régime. Hyperactif en politique, son caractère remuant, Hama Amadou ne l’a pas exercé seulement contre les régimes adverses. On est avec lui ou on est contre lui semble être sa philosophie politique. Quand en 2007, il sera débarqué du gouvernement par une motion de censure, il va se retourner en adversité contre son ancien parrain, le Président Tandja Mamadou qui n’hésitera pas à le jeter en prison, poursuivi pour certaines affaires de malversations.
Ami intime de Seini Omarou, et d’aucun disent que c’est lui Hama Amadou qui a initié Seini à la politique. Quand Seini se rapprochera de Tandja qui le nommera Premier ministre pour remplacer Hama Amadou, Seini Omarou sera l’homme à abattre, surtout lorsque appuyé par Tandja, Seini fini par lui reprendre la présidence du MNSD au congrès de Zinder.
C’est toute cette figure complexe et marquante qui vient de s’éteindre. Des suites d’une courte maladie, le paludisme, avait annoncé son entourage. La veille, le mardi 22 octobre, comme un signe prémonitoire, il rendait visite aux amis. Il a été aperçu notamment à la résidence du secrétaire général de son parti, le Moden Fa Lumana, Abdourahmane Seydou. Avec lui, Hama Amadou avait causé du pardon et de la tolérance avec tous les amis et les adversaires.
Ibrahim Elhadji dit Hima