Attractivité : l’impérieuse nécessité de redorer l’image du Niger

Jadis très convoité par les investisseurs internationaux pour ses ressources naturelles et sa relative stabilité politique grâce, entre autres, à la vie démocratique qui l’a caractérisé pendant plus d’une décennie, le Niger aurait depuis les événements du 26 juillet 2023 perdude son attractivité. S’il est très tôt pour mesurer l’ampleur du « désintérêt » manifeste de la part des investisseurs, l’impasse politique qu’il connait actuellement continue de nuire à l’économie du pays. Signe de cette nuisance, voire decrise de confiance, les dernières émissions destitres de dette n’ont suscité que très peu d’intérêt auprèsdes investisseurs.

Et parmi ces derniers, les rares qui se sont manifestés ont, selon Sika Finance, exigé de rendementsmirobolants.En effet, « après sa dernière sortie réussie le 18 juillet dernier, soldée par une levée de 22 milliards FCFA contre 20 milliards FCFA recherchés initialement, le Niger est revenu à la charge ce 1er août, pour solliciter une enveloppe identique. Pour ce faire, le pays a opéré une double émission de Bons assimilables du Trésor (BAT) de maturité 182 jours et 364 jours.

L’opération a recueilli une offre globale de soumission de 12,54 milliards FCFA, en deçà du montant mis en adjudication, à savoir 20 milliards FCFA. Niamey a finalement fait le choix de retenir la totalité des offres proposées.Dans le détail, le BAT [Bon Assimilable du Trésor] de maturité 182 joursa retenu 11,15 milliards FCFA pour un taux marginal de 9% et un rendement moyen pondéré de 9,13%. L’autre de maturité 364 jours a admis 1,39 milliard FCFA pour un taux marginal de 10,57% et un rendement moyen pondéré de 10,4%. C’est la toute première fois qu’une émission souveraine offre un tel niveau de rendement sur le marché des titres publiques, ce qui traduit que le marché est plus prudent sur le Niger ».

Autre tentative, autre déception. Le 5 septembre dernier, l’émission simultanée d’un BAT de maturité de 182 jours, ainsi qu’une Obligation assimilable du Trésor(OAT) de 3 ans de maturité, n’a également pas emballé le marché régional des titres de dette. Ainsi, sur unmontant de 20 milliards de FCFA sollicités, « seulement » 11,11 milliards ont été obtenus, soit un taux de couverture de 57,1%. Sur ce carnet d’ordres, le pays a finalement fait le choix de ne mobiliser « que »10,12 milliards de FCFA.

Loin d’être anodins, la prudence des investisseurs régionaux sur les titres de dette nigériens témoigne d’une certaine fébrilité vis-à-vis de la politique menée par les nouvelles autorités.L’absence de cap clair, voire souvent d’incohérence dans les choix politiques continue de susciter la défiance des investisseurs,préférant ainsi de faire preuve d’attentisme dans un contexte de crise aigue et de solutions sérieuses et crédibles peinant à émerger. Résultat, l’attractivité de marque « Niger » semble en pâtir. Cela risque également de faire ressentir au niveau des finances publiques, déjà exsangues, et potentiellement compromettre le financement de certaines actions gouvernementales. Et si rien n’est fait pour faire évoluer favorablement les choses, cette situation pourrait produire des effets néfastes pendant longtemps.

Vers un reflux des investissements directs étrangers ?

On peut, certes, se réjouir du fait que la confiance puisse se rétablir progressivement avec les partenaires techniques et financiers, qui ont repris depuis quelques mois le versement de leurs aides financières afin de contribuer à la concrétisationde divers projets« dits de développement ». Toutefois, il convient de soulignerqu’un pays ne peut se développer avec de telles aides.Diverses études pointent de doigt son caractère controversé en matière de contribution au développement. En dépit des signes d’un effet positif de l’aide sur des indicateurs sociaux tels que la mortalité infantile et la scolarisation primaire, son effet sur la croissance reste mitigé au Niger. Le caractère nuancé de cette situation serait imputable aux facteurs propres au pays, comme la réaction des responsables de la politique macroéconomique, l’usage de l’aide, l’efficience de l’investissement public et diverses caractéristiques structurelles de l’économie. A cela s’ajoute le fait que l’aide être utilisée pour manipuler ou contrôler la politique du pays bénéficiaire, limiter son autonomie et affaiblir sa souveraineté. De plus, l’aide étrangère peut créer une dépendance à l’égard du pays donateur, ce qui peut entraîner des problèmes économiques et sociaux à long terme pour le pays bénéficiaire

L’exploitation des nombreuses potentialités que regorge le pays nécessite plutôt des investissements importants provenant des investisseurs sérieux et « patients », c’est-à-dire des investisseurs à même d’accompagner le pays dans son redressement, sa quête d’émergence de manière « rigoureuse » et « bienveillante », aux antipodes donc des fonds vautourscherchant à prédater les maigres ressources dont dispose le Niger. Or, ces investissements ne peuvent être réalisés par des nationaux, déjà peu enclins à investir, préférant les activités d’importation et donc de sortie massive de devises. Contrairement à ce que l’on observe au Nigeria.

Quelques années auparavant, selon la BCEAO, les investissements directs étrangers (IDE) ont présenté une tendance haussière entamée depuis 2003, avant leur stabilisation relative entre 2015 et 2018. Après une période de repli en 2020 dû à l’avènement de laCovid-19, les flux des IDE ont repris leur tendance haussière. Pour 2022, par exemple, les flux d’investissements directs étrangers se sont chiffrés à 597,097 milliards contre 308,083 milliards en 2021, du fait notamment de la poursuite des travaux deconstruction du pipeline pour l’exportation du pétrole brut nigérien, la poursuite de laprospection minière et pétrolière ainsi que des forages sur les champs d’Agadem et lapoursuite du projet du Barrage de Kandadji, preuve de l’intensification des activités aurifères ainsi que le regain des investissementsdans les secteurs minier, pétrolier et des transports. Néanmoins, cette dynamique aurait pris un « sacré » coup depuis les événements du 26 juillets, mais aussi le risque de sabotage qui pèse sur les infrastructures pétrolières ainsi que des sites miniers ; des événements de nature à dissuader toutes velléités d’investir dans le pays.

Promouvoir à nouveau la marque « Niger » pour changer la donne

C’est une notion qui semble absente des débats publics, mais qui pourrait être décisive pour l’avenir du pays : le « nation branding ». Selon Patricio T. Murphy, spécialiste de la propriété intellectuelle et chercheur au groupe de réflexion Red Argentina de Profesionales para la PolíticaOutside (Red APPE), Buenos Aires, Argentine,l’idée de « branding » d’un pays ou d’une peut sembler simple. Le nation branding fait généralement référence à la « stratégie d’un pays visant à véhiculer une image particulière de lui-même au-delà de ses frontières pour atteindre certains objectifs bénéfiques ». Cette notion est associée à l’existence d’un « grand marché mondial » où les pays, les villes et les régions se font concurrence pour attirer le plus grand nombre de touristes, d’investisseurs, de consommateurs, d’étudiants, d’événements, etc.

En dépit des difficultés que connaisse le pays, ce dernier doit mobiliser tous les acteurs, toutes énergies pour améliorer la marque « Niger ». L’amélioration souhaitée devrait s’articuler autour de 3 piliers essentiels : définir, communiquer, gérer la « Marque Pays ».Le véritable enjeu ne réside pas dans l’identification de leviers sur lesquels capitaliser, mais plutôt dans la capacité du pays à intégrer une composante économique à son récit national et en faire un facteur de compétitivité.

Sommet Chine – Afrique : une occasion pour marquer à nouveau le retour du pays

La tentation isolationniste prônée par certains de nos concitoyens serait très préjudiciable pour le pays. Conscientes de cela, les nouvelles autorités ont plutôt fait preuve de lucidité en mettant l’accent sur le rétablissement du pont entre le Niger et ses partenaires traditionnels, comme en témoignent les différents accords qui voient progressivement le jour, mais aussi, leurs participations, quoique moins importantes que par le passé, aux différents sommets internationaux, à l’image du dernier sommet Chine – Afrique. Ce dernierest devenu un des rendez-vous phares du mois de septembre depuis des années. 2024 ne déroge pas à la règle.

Plusieurs dizaines de chefs d’État et de gouvernement africains yont participé du 4 au 6 septembre. Il ressort de ce sommet quel’empire du milieu devrait renforcer sa présence sur le continent en signant de nouveaux accords et de nouveaux prêts. La Chine, déjà très présente au Niger, devrait encore renforcer sa présence. Cependant, la voilure de ses investissements risque de se réduire dans les années à venir. En cause, l’économie chinoise connaît actuellement une période de ralentissement depuis le Covid et dans ces conditions, le régime chinois ne peut pas se permettre de prendre des risques financiers inconsidérés.

Face à la nouvelle stratégie chinoise, il incombe aux autorités de diversifier davantage leurs partenaires pour espérer attirer plus de capitaux étrangers. Ce qui suppose en amont d’œuvrer vigoureusement pour restaurer la fiabilité du pays comme partenaire, en créant, entre autres, les conditions de la préservation de la stabilité politique et à l’amélioration du climat des affaires.

Adamou Louché Ibrahim

Economiste

@ibrahimlouche