Promu Premier ministre, sans être le chef du Gouvernement, Ali Mahamane Lamine Zeine y a vu un signe du ciel. Celui-ci lui offrait l’occasion de prendre sa revanche sur l’histoire qui a stoppé net, l’aventure du système Tazartché dans lequel il occupait un rang élevé et pourquoi pas, solder ses comptes avec ceux qu’il estime être les responsables de leur chute. Puis, il s’est mis à rêver la recomposition de sa famille politique avec tous les « enfants » du chantre du Tazartché autour de lui, « l’héritier ». Ensuite, il lorgne du côté de Lumana, traversé par une crise de leadership depuis la déchéance de Hama Amadou. Entre Soumana Sanda et Tahirou Seydou, Lamine Zeine se rêve en troisième voie pour le parti de Hama Amadou. Et ce rêve quasi messianique de Zeine le conduit à s’éloigner de plus en plus de sa mission qui est celle d’un Premier ministre de transition.
Dans les milieux politiques, cela se chuchote sous cape. L’actuel Premier ministre, Ali Lamine Zeine pourrait être le futur Jockey du parti Moden Fa Lumana. Aussi curieux que cela puisse paraître, l’ancien protégé de Tandja Mamadou est en train de virer carrément dans le sillage de Hama Amadou, l’Autorité Morale du Moden Fa Lumana. Hama Amadou pourrait-il valider l’intronisation de LamineZeine ? Cette opération pourrait-elle se réaliser sans difficulté ? Les factions Lumana vont-elles valider sans contestation ? Autant de questions auxquelles Lumana ne manquera pas de faire face.
Pour l’instant, l’homme creuse bien son trou dans ce qui pourrait être sa nouvelle famille politique. Avec un entourage bien étoffé des caïds de Lumana, Lamine Zeine aura-t-il le courage d’annoncer tout de suite, les couleurs de son orientation politique ? La question reste posée.
Pour l’heure, il est connu de tous que l’entourage d’Ali Lamine Zeine se compose pour l’essentiel des gens très proches de l’Autorité Morale du Moden Fa Lumana parmi lesquels le ministre du pétrole, Mahaman Moustapha Barké qui, en plus, est l’ami intime du Premier ministre. L’on compte également Ibrahim Hamidou, l’actuel Conseiller en communication du Premier ministre. Il était aussi conseiller dans le cabinet de Hama Amadou dans les années 2000 avant de glisser du côté de Tandja Mahamadou. Il s’est d’ailleurs lié amitié avec l’enfant Tandja, et ensemble, ils avaient monté une entreprise du business dans le secteur de l’uranium. Malgré cette parenthèse, Ibrahim Hamidou garde encore l’âme dans Lumana.
L’homonyme de l’ancien Premier ministre Hama Amadou est aussi là dans l’entourage. Ancien Directeur général des Impôts (DGI), Hama Hammadou a été un très proche de Hama Amadou avant de passer lui aussi chez Salou Djibo avec qui ils ont créé le parti PJP Dubara. Il occupe le poste clé du Secrétaire général du parti. La déroute électorale qu’a connue le PJP Dubara aux élections de 2021 pourrait pousser l’ancien Directeur des impôts Hama Hammadou à opérer un come-back pour quitter Dubara et renouer avec l’entourage Lumana.
Pour l’instant, il est encore en poste et trône tranquillement aux côtés de Lamine Zeine où il occupe les fonctions de conseiller spécial. Mais c’est surtout un très proche ami de Lamine Zeine lui aussi. Il y a aussi toute une nébuleuse des acteurs de la société civile très actifs dans le parti Lumana qui sont aussi très présents dans le sillage de Lamine Zeine. Tous, d’une manière ou d’une autre, travailleraient vraisemblablement à conforter l’encrage de Lamine Zeine au sein de Lumana. Cela se joue peut-être en finesse pour ne pas compromettre le principe de neutralité, très nécessaire, pour permettre au Premier ministre de conduire sa mission dans la gestion de la transition. Ce qui est sûr, l’avenir du Moden Fa Lumanapourrait bien s’écrire avec Lamine Zeine.
Lumana, un parti en crise
Ravagé par une crise interne qui remonterait aux débuts des années 2010, le parti Lumana pourrait, pour sa reconstruction, cheminer vers une troisième voie. Une voie alternative qui devrait réconcilier les parties en belligérance ou en tout cas, arbitrer entre elles. Outre les démêlées judiciaires qu’à connues le fondateur du parti, qui ont d’ailleurs conduit à son incarcération et son évasion pour se placer en exil à l’extérieur du pays, Hama Amadou avait également beaucoup souffert d’une fronde politique à l’intérieur de son parti,l’obligeant à laisser un parti politique sans direction.
Des dauphins ont vite fait irruption sur la scène pour prétendre à la succession ou tout au moins, à l’exercice de l’intérim avec la formation des ailes et l’affrontement des leaders. Soumana Sanda d’un côté, Noma Oumarou de l’autre, Tahirou Seydou encore sur un autre front, le Moden Fa Lumana est totalement déchiré en factions adverses. Et rien ne semble réconcilier les familles politiques livrées dans une véritable guérilla intestine. Même lorsque le véritable patron du parti va rentrer au pays, il y a quelques années, il n’a pas pu réussir à reprendre totalement la direction du parti. Toutefois, une formule avait été trouvée pour sauver la face. Les assises du congrès du parti, incapables de replacer Hama à la présidence de Lumana vont se contenter de créer un poste de l’Autorité Morale qui lui a été confié.
Si les indices se confirment, Lamine Zeine devait basculer du côté Lumana, faut-il s’attendre à ce qu’il fédère les factions en bataille ou se contenter juste d’obtenir l’adoubement des chefs de factions pour être candidat aux futures élections ? Quel que soit le cas de figure considéré, président du parti Lumana ou simple candidat, Lamine Zeine sait qu’il ne pourra pas se contenter de son entourage mais devra surtout chercher le parrainage de Hama Amadou, l’Autorité Morale du parti. Et ainsi, il aura réussi l’opération de reconversion la plus réussie en politique. De l’homme de confiance absolue de l’ancien Président de la République Tandja Mamadou, il serait passé le Jockey politique de Hama Amadou.
Pour rappel, Hama Amadou et le défunt président de la République Tandja Mamadou, les deux figures de proue du MNSD vont se trouver en conflit au cours de leur deuxième mandature, particulièrement avec le départ du gouvernement de Hama Amadou, renversé par une motion de censure. Tandja va alors demander à son dauphin indiqué d’aller à la rencontre des populations de l’intérieur du pays pour se préparer à son ambition à diriger le pays. L’homme refusa et se mettra à animer des meetings des quartiers de Niamey au cours desquels Tandja est littéralement pris à parti. Les tensions entre les deux personnalités du parti vont s’intensifier, les camps vont se former, l’adversité poussée au maximum va déboucher sur la fracture du parti MNSD et la formation du Moden Fa Lumana autour de Hama Amadou, alors que Lamine Zeine fait partie des fidèles parmi les fidèles à Tandja Mamadou.
Cette retrouvaille de Lamine Zeine avec Lumana si elle se confirme pourrait revêtir un aspect logique: avec la disparition du père spirituel Tandja Mamadou, Lamine Zeine se retourne vers l’Autorité Morale Hama Amadou. Même sexagénaire, Ali semble chercher désespérément un parrain. Cette quête l’a conduit à convoquer la mémoire d’un mort pour espérer convaincre ses « frères », eux qui ont chacun fait leurs preuves avec les fortunes que l’on connait, de lui confier les clés de la « maison de leur père » à celui qui tente jusqu’ici de se frayer un chemin. Pathétique ! Mais il y croit; les griots autour de lui ne cessent de l’en convaincre. Et tel un puisatier, il s’enfonce sous terre en clamant qu’il avance.
Maintenant, il faut surtout espérer que cela ne va pas nuire à la crédibilité de la transition du CNSP où il joue un rôle crucial au poste du Premier ministre, chargé de mettre en musique dans l’impartialité, les orientations politiques exprimées par les autorités militaires à la tête de la transition.
Ibrahim Elhadji dit Hima