Rien ne semble avoir évolué dans la lutte politique de l’ancien président Bazoum Mohamed. Renversé le 26 juillet 2023, voilà déjà un an que Bazoum Mohamed est gardé en détention par les autorités militaires du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) qui l’ont cueilli sous l’égide du commandant de sa garde présidentielle, le Général Abdourahmane Tiani.
Depuis, sa situation reste dans l’impasse, sa libération réclamée par beaucoup de ses soutiens s’éloigne chaque jour un peu plus. Le 7 juin dernier, la Cour d’État qui a statué sur une requête du procureur de la République a prononcé la levée de son immunité et l’a mis à la disposition de la justice. L’ancien président attend aujourd’hui son procès pour des lourdes accusations d’atteinte à la sûreté de l’État dont il fait l’objet, aggravées de complicité d’actes terroristes.
En fin de semaine dernière, son avocat qui s’exprimait sur les ondes d’une radio internationale a dit qu’il encourt la peine capitale, la pleine de mort en vigueur encore dans le Code pénal nigérien. Sur la scène internationale, l’élan de solidarité en faveur de Bazoum est comme peau de chagrin. La CEDEAO, l’UEMOA, l’Union africaine, tous sont en désarmement. Les notables du régime déchu, Ouhoumoudou Mahamadou, ancien Premier ministre, l’ancien ministre des affaires étrangères Hassoumi Massoudou, ou encore Rhissa AG Boula, ministre d’Etat à la présidence deviennent inaudibles. Ils ne disent plus rien.
L’impasse semble être totale, aggravée là aussi par la posture des jeunes membres de la cellule Communication de Bazoum qui basculent de plus en plus dans un discours radical, proche du terrorisme. Tous ces responsables politiques, membres de l’ancien gouvernement Bazoum en exil font aujourd’hui figure d’otage d’une communication qui ne laisse aucune issue pour une sortie négociée. Comment en est-on arrivé là ? Le putsch était-il condamné à déboucher dans une situation sans issue pour l’ancienne équipe au pouvoir ?
L’erreur de base
Le 27 juillet 2023 pourtant, Bazoum Mohamed dans un tweet qu’il a publié sur son compte, disait clairement : « Les acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés. Tous les nigériens épris de démocratie et de liberté y veilleront ». Entendez par là que Bazoum comptait sur la réaction prompte des nigériens pour défendre l’ordre démocratique auquel ils ont souscrit.
En effet, les nigériens n’ont pas attendu l’appel de pied du président déchu. Le 26 juillet, le jour même du putsch, on pouvait lire sur le compte tweeter de Bana Ibrahim, un activiste politique notoire de Niamey, ce message plein d’engagement : « En tant que démocrate et républicain, je condamne avec véhémence la prise en otage dont le Président Bazoum Mohamed et sa famille font l’objet depuis ce matin de la part de sa garde présidentielle « . Avec le recul, un an après les événements du 26 juillet 2023, et au vu de la position de Bana aujourd’hui, un ultra activiste soutien du coup d’État du CNSP, l’on pourrait dire que son compte a dû être piraté en cette journée du putsch du 26 juillet 2023. Mais il n’en est rien. Cette position était la position de la majorité des nigériens qui soutenaient la démocratie ou qui soutenaient Bazoum et qui étaient prêts à se lancer dans la lutte pour la sauvegarde des acquis comme l’a dit Bazoum Mohamed. Hélas, il y a eu par la suite l’erreur de base : la France.
Bazoum a vite quitté la logique d’une lutte politique nationale pour confier son destin à la France. Est-ce Bazoum qui est allé vers la France ou est-ce que c’est la France qui est venue à Bazoum ? Toujours est-il que quand la France s’est mêlée du dossier, la situation de Bazoum avait été perdue à jamais.
La France a soufflé le feu de la menace sur le Niger. Elle a mobilisé les organisations sous régionales (CEDEAO et UEMOA) pour obtenir les sanctions les plus sévères sur le Niger. Elle était en train de mettre sur pieds une riposte militaire par des forces conjointes pour chasser les autorités militaires et rétablir Bazoum Mohamed. Cette tournure, cette position de base de la France a fini par effaroucher les nigériens qui ont abandonné Bazoum pour se positionner massivement autour des autorités de la transition pour sauvegarder la patrie menacée par les amis de Bazoum. Cet échec, la France n’a jamais su l’évaluer pour rectifier le tir et recadrer sa position dans le dossier.
Mue par son orgueil de grande puissance ou par son arrogance colonialiste, elle continua à maintenir le même discours scellant chaque jour un peu plus la perte de Bazoum. Cette position d’arrogance inconsidérée, on la voit chaque jour dans les publications françaises proches de Bazoum, à l’image de cette égérie du secteur de la communication des médias français en faveur de leurs amis africains Geneviève Goetzinger, ancienne Directrice générale de RFI qui publiait le 27 juillet 2024, sur son compte tweeter:
« Depuis hier, Excellence Mohamed Bazoum, vous avez entamé une 2ème année de calvaire. Je vous le dis solennellement, nous sommes nombreux, bien décidés à ne pas vous lâcher et à ne pas les lâcher. Et puisqu’ils ne comprennent pas, on va passer à la vitesse supérieure ». La vitesse supérieure, ça veut dire quoi ici ? Toujours est-il que c’est avec des publications comme celles-là que la situation politique de Bazoum s’est envenimée.
Bazoum n’est plus une affaire nigérienne, c’est une affaire française. Qui pouvait deviner une imbrication totale entre la France et le président Bazoum ? En tout cas, les nigériens étaient loin de la soupçonner et c’est cette tournure des choses avec l’implication excessive de la France que certains aspects se sont faits jours. Bazoum aujourd’hui, dans cette crise politique, n’a plus une dimension nigérienne seulement, c’est aussi un Bazoum libyen mais le pire, c’est le Bazoum associé à toutes les intrigues militaro-terroristes de la France. Et c’est ce dernier aspect des choses qui fait aujourd’hui le mur de l’impasse dans le sort de Mohamed Bazoum.
Ibrahim Elhadji dit Hima