Qu’est-ce qui peut sortir de cette procédure de levée de l’immunité de l’ancien Président de la République Bazoum Mohamed introduite devant la Cour d’État du Niger ? La question est sur toutes les lèvres au niveau de l’opinion nationale qui suit cette affaire avec intérêt. Depuis le 10 mai dernier avec le petit sursis obtenu par les avocats de Bazoum auprès de la Cour d’État qui a rabattu sa décision pour le 7 juin prochain, aucun élément nouveau n’est venu orienter dans un sens ou dans un autre, la perception des choses pour les observateurs. Aucune déclaration non plus du côté du conseil des avocats ou du procureur Général, près la Cour d’État.
L’opinion est pour l’instant suspendue à scruter les moindres petits indices dans les éléments nouveaux qui seraient versés au dossier. La Cour d’État devait annoncer un délibéré sur la requête de levée de l’immunité de Bazoum introduite par le procureur quand est intervenue la demande des avocats pour un report de la décision de la Cour.
Faut-il s’attendre à une reprise des débats en audience ou est-ce que la Cour, à la lumière de la demande des avocats va faire droit à leur exigence ou tout simplement elle va maintenir inchangé son verdict initialement formé ?
La logique de l’enlisement
Pour les avocats, il s’agit ni plus ni moins d’une reprise de l’audience. « La juridiction a renvoyé l’affaire au 7 juin 2024 avec reprise des débats », indique le communiqué du Conseil des avocats de Bazoum en date du 10 mai dernier. Mais selon des indiscrétions, les avocats de Bazoum n’ont aucun élément nouveau à verser au dossier, mais voudraient plaider contre la levée de l’immunité de Bazoum qui selon eux, n’a pas le statut de l’ancien président de la République.
Pour les avocats de la défense, Bazoum reste encore le président de la République du Niger, mais qu’il est séquestré par une poignée d’officiers militaires. Une situation inédite encore dans toute l’histoire politique moderne, pas seulement du Niger mais dans le monde entier. Bazoum n’a pas été renversé parce qu’il n’a pas démissionné, parce qu’il a refusé de démissionner. Bazoum Mohamed reste alors le président de la République du Niger en détention. Depuis le putsch du 26 juillet, Bazoum Mohamed est gardé dans les locaux de la présidence de la République avec sa femme Hadiza Mabrouk et son fils Salem Bazoum, jeune étudiant de 22 ans, avant que ce dernier ne bénéficie d’une mise en liberté pour poursuivre ses études à Dubaï.
Quelle peut désormais être la marge de manœuvre des avocats de Bazoum ?
Dans cette configuration des choses, si Bazoum a refusé de démissionner et que par conséquent les avocats et l’entourage de Bazoum ne parlent plus de coup d’État mais de prise d’otage ou de séquestration, quelle qualification les avocats veulent donner aux membres du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) ? De toute évidence, si les avocats de Bazoum veulent obtenir le rejet de la levée de l’immunité, s’ils veulent obtenir la libération de Bazoum de son lieu de ‘’séquestration’’, ils sont obligés de dire devant la Cour d’État que les membres du CNSP ne sont pas des auteurs de coup d’État parce qu’il n’y a pas de coup d’État mais de prise d’otage, donc que le Général Tiani et ses compagnons ne sont que des ravisseurs et preneurs d’otages. C’est la seule logique qui reste entre les mains des avocats. Puisqu’ils sont d’accord d’aller dans la logique de Bazoum qui a refusé de démissionner.
Abandon du procès pour des négociations
Le 7 juin prochain, il n’y aura pas trois ou quatre verdicts possibles, il n’y aura que deux verdicts possibles. C’est oui le coup d’État est consommé, la Cour d’État n’a plus besoin que Bazoum signe sa démission et qu’elle peut prononcer la levée de son immunité pour le remettre à la disposition de la justice. Bazoum est poursuivi pour des actes graves, notamment la haute trahison, l’atteinte à la sécurité d’Etat, association des malfaiteurs, apologie du terrorisme, entre autres. Ou bien non, la Cour ne peut lever son immunité.
Dans cette deuxième possibilité, la Cour d’État accède à la demande des avocats et dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer la levée de l’immunité parce que Bazoum n’a pas donné sa démission et qu’il reste alors président de la République. Et dans ce deuxième cas de figure, qui est le schéma le plus invraisemblable, il n’y aura plus de procès Bazoum. Et la sortie de crise doit passer par une négociation pour que les membres du CNSP obtiennent des garanties suffisantes d’amnistie, qu’ils ne seront pas poursuivis en justice pour séquestration et prise d’otages sur la personne de Bazoum et sa famille. Et enfin, obtenir le retour de Bazoum aux affaires. Tel semble être la logique la plus irréalisable et la plus invraisemblable des avocats de Bazoum.
Pour l’instant, les avocats font tout pour attirer l’attention de la communauté internationale sur le sort de Bazoum. Et tout cela suivant un schéma calqué sur le mot d’ordre de la France: il ne faut jamais qualifier le putsch de Niamey de coup d’État mais de séquestration et de prise d’otage. Et Bazoum ne doit jamais signer sa démission. Et la France et son réseau sont à la manœuvre pour la communication internationale. Tous les médias français sont mis à contribution, RFI, jeune Afrique, monde Afrique, les quotidiens français le Figaro, le Monde, les éditorialistes, Sedik Abba de Jeune Afrique, Francis Laloupo de Jeune Afrique également…
Et ces derniers temps, on tente même de jouer sur la sensibilité de l’opinion internationale avec certains clichés sur les conditions de détention de Bazoum et de sa femme. Ils sont dans un réduit, une petite dépendance du palais présidentiel. D’après un proche de Mohamed Bazoum, la pièce est rapidement devenue un gigantesque four, avec des températures dépassant les 40⁰ qui ont fait peler la peau des « captifs » indique Francis Laloupo, dans une récente publication de Jeune Afrique. Qu’est-ce que la France et ses relais ne verseront pas dans ce dossier plus cocasse de Bazoum, l’ami de Macron.
Tiendra ou ne tiendra pas, ce qui est sûr, c’est que c’est le pari le plus fou de toute l’histoire des plaidoiries que les avocats de Bazoum vont tenter devant la Cour d’État, le 7 juin prochain.
Ibrahim Elhadji dit Hima