Six mois seulement après le putsch du 26 juillet 2023, la pression se fait de plus en plus pesante sur l’appareil de la transition militaire du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). Et les jours qui viennent verront une situation de débat résolument centré sur la position du Général Abdourahamane Tiani, notamment sur ses intentions aux termes de la durée de la transition.
Une pression politique qui n’est pas sans lien avec les calculs électoralistes du parti Moden FA Lumana dont l’Autorité Morale, Hama Amadou, serait déjà en précampagne. Ce qui préfigure une situation de déchirure du Front patriotique pour la souveraineté, animé majoritairement par des acteurs qui lui sont très proches. Le Général Abdourahamane Tiani ou Hama Amadou? Voilà l’interrogation lancinante qui va rythmer la vie de la transition dans les jours à venir.
La manipulation Lumana
Depuis le départ, l’emprise de Lumana sur l’agenda des activistes de la société civile ne faisait aucun mystère. La plupart des activistes du Front patriotique pour la souveraineté ont déjà joué des rôles clés dans la campagne électorale du parti Lumana, lors des derniers scrutins politiques de 2020-2021. La proximité des dirigeants de Front avec Hama Amadou est déjà très bien connue des nigériens. C’est d’ailleurs sans surprise que dès les premières heures du putsch, tous les actes et toutes les postures de ce Front dit de la société civile ont consisté dans une sorte de prolongement du discours politique de l’opposition de la période d’avant le coup d’État du 26 juillet : une hostilité ouverte envers le parti PNDS Tarayya, la principale force politique de la majorité gouvernementale qui a été renversée par le Général Tiani et un climat d’inquisition qui s’est s’installé contre les responsables politiques du PNDS.
Et le premier acte de cette hostilité politique à l’endroit du PNDS Tarayya va être donné grandeur nature dans cette mise à sac du siège du PNDS qui a suivi le renversement du régime du président Bazoum Mohamed. Un président dont l’élection à la présidence de la République a fortement été contesté par le parti Lumana avec un fort relent d’ethnicisme. Le motif : Bazoum Mohamed ne serait pas nigérien et qu’il serait un citoyen libyen.
Hama Amadou est allé même jusqu’à invoquer de considération de couleur de peau pour dissuader les nigériens à donner leur suffrage au candidat Bazoum Mohamed.
C’est toute cette charge émotionnelle portée par le Moden FA Lumana qui a refait surface et qui continue encore de trahir les liens intimes entre Hama Amadou et les acteurs du Front patriotique pour la souveraineté. Les jeux sont intimement liés entre les deux, Hama Amadou et les activistes du Front. Et la question récente de la candidature ou non du Général Tiani aux prochaines élections de sortie de la transition, il faut aussi la souscrire toujours dans ce cadre là. Hama Amadou étant déjà entrain de mettre sur pied son arrimage électoral voulait mettre la pression sur Tiani. Toutes ces publications sur les réseaux sociaux et émanant des activistes de la société civile sur la spéculation relative à une candidature ou non du Général Abdourahamane Tiani peuvent être interprétées comme une mise en garde claire envoyée par Hama Amadou pour dire au Général Tiani que « ça ne se passera pas comme ça ».
La tentation «cosimbiste»
Mais les choses pourraient glisser. Hama Amadou pourrait aussi perdre le contrôle de sa machine. Le Moden Lumana qui a été ravagé depuis sa création par des récurrents remous, peut redouter que ces foyers de tension ne se soient jamais totalement éteints. Et que d’autres factions de jeunes militants, à l’image de la révolte de Noma Oumarou pourraient défier l’Autorité Morale. En effet, de plus en plus, des voix s’élèvent même si c’est encore sous cape, pour dire que Hama Amadou n’est pas un bon leader, un bon leader est celui qui songe à ses troupes, à l’intérêt général. Or, Hama ne pense jamais encore à sa succession. « Il ne pense qu’à lui-même », indique-t-on dans les milieux de la jeunesse pour qui, cette transition est une opportunité d’affirmation.
Cette jeunesse du Front de la société civile qui se recrute surtout dans l’entourage de Lumana pèse sur la transition par l’appel aux nominations dans ses différents organes. Elle continue encore à peser sur les projets en cours. Si assez souvent la société civile monte au créneau pour demander la dissolution des conseils municipaux, des conseils régionaux, si de temps en temps, ses animateurs appellent au limogeage des secrétaires généraux des communes, des préfectures et des régions, ce n’est pas seulement pour faire la chasse au PNDS Tarayya. Plus tôt, c’est pour ouvrir la foire aux opportunités. L’activisme débridé des dirigeants du Front patriotique va prendre toute sa consistance autour de ces questions de nominations attendues.
Et là, il faut craindre l’effet « cosimba » pour Hama Amadou et le parti Lumana qui pourraient voir un départ sans retour de beaucoup des cadres du parti. De la même manière que le Comité de soutien à Ibrahim Mainassara Baré (Cosimba) suite au coup d’État de 1996 a fini par se transformer en parti politique autour de l’auteur du putsch, de la même manière, Hama Amadou pourrait redouter que ses militants au sein du Front patriotique ne finissent par s’émanciper et tourner la page Lumana.
Ibrahim Elhadji dit Hima