L’affaire des sommes d’argent impressionnantes tombées dans l’escarcelle des milieux d’affaires de l’entourage familial de l’ancien président de la République, Bazoum Mohamed, est sur toutes les langues. Une affaire portée au grand public par la plupart des tirages de la presse locale.
On pourrait presque parler d’une affaire de clans familiaux. Y figurent des parents directs de Bazoum Mohamed et leur connexion libyenne et la famille de son épouse. Difficile de ne pas être tenté par la comparaison avec les Trabelsi que certains milieux n’ont point hésité à faire le lien avec le patronyme de l’ancienne Première dame tunisienne sous le régime Ben Ali et le cartel du milieu d’affaires de ses parents qui ont mis à mal les finances de ce pays.
Tout pour la famille, rien que pour la famille !
Ce sont, en effet, plusieurs centaines de milliards de francs CFA qui se seraient passés de l’autre côté de la frontière du Niger dans cette vaste ambiance d’affairisme dans la procédure de passations de grosses commandes et qui ont toutes bénéficié aux proches parents de Bazoum et ceux de son épouse.
Rien qu’à partir du mois de juin de l’année 2023, c’est entre 250 à 300 milliards de francs de marchés qui sont passés entre les mains de l’entreprise des travaux publics libyenne MBC dont le patron n’est autre qu’Abdallah Mansour, un parent libyen du Président déchu Bazoum Mohamed.
Un volume de marchés qui concerne plusieurs tronçons de route sur l’axe Tahoua-Agadez-Arlit. Des révélations faites par la presse et qui donnent un aperçu sur une autre facette insoupçonnée de la gestion Bazoum. Celui qui a passé toutes ses deux années de gouvernement à réciter avec une certaine frénésie son honnêteté, sa vertu et sa probité n’est en réalité pas aussi propre qu’il le laisse croire, loin s’en faut.
Mais il faut dire qu’il est un champion dans la maîtrise de la rhétorique, et par l’emploi de son grand talent de rhéteur pour dissimuler ses tares. Bazoum Mohamed a bien caché son jeu pour conduire sa barque dans les sables d’Agadem où il a enlevé d’importants marchés de commandes qu’il a donné d’abord à sa propre famille et une partie à celle de son épouse.
Et dans le même temps, Bazoum multipliait les déclarations où ils annoncent son grand programme de lutte contre la corruption. Il a séduit le public et l’opinion internationale lorsque par moment, il n’hésite pas à sabrer les responsables de son propre gouvernement sur qui il laisse planer des soupçons de malversations. Et il annonce lui, « le monsieur propre », sa détermination à sévir même dans son entourage politique. Quelle habilité et quel tour de talentueux prestidigitateur il a fait montre pour vendre son discours à la société civile et à l’opinion ! Mais dans le salon familial, voilà ce qui se passe. Toute la rente liée au projet pétrolier du Bloc d’Agadem est raflée par deux familles : celle du Président Bazoum et la famille Ben Mabrouk de la première dame Khadija.
Les contours du business familial autour des sociétés VICOM et PETROCOO
Ibrahim Saad, neveu du Président Bazoum Mohamed arrache un important contrat de 86 milliards de francs CFA dans le cadre de la mise en œuvre de la Phase II du Bloc d’Agadem. Il s’agit des travaux d’ingénierie et de construction d’ouvrages liés à l’exploitation du brut d’Agadem.
Ibrahim Saad se retrouve encore avec un marché de 8 milliards de francs pour des travaux de retraitement de la boue issue des forages des puits de pétrole. Il enlève aussi le marché de maintenance du Bloc d’Agadem pour une somme de 28 milliards de francs CFA. C’est encore lui le neveu de Bazoum, Ibrahim Saad qui est en discussion sur un autre montant de 6 milliards de francs CFA pour la fourniture de certains intrants chimiques pour le pipeline Niger-Bénin. On le retrouve encore sur un autre montant non négligeable de 1 milliard de francs pour la fourniture de certains services.
Un autre neveu de Bazoum Mohamed, le Sieur Moumen Salem gagne un marché de 7 milliards de francs CFA pour des tâches de maintenance sur le pipeline. Dans ce juteux business autour du pétrole, le clan Mabrouk, c’est-à-dire la belle-famille de Bazoum, est représenté à travers deux sociétés LARDU et MANGO à la tête desquelles trônent les trabelsi du Niger que sont les frères de la Première dame, à savoir Mohamed Ben Mabrouk dit Chankou, homme d’affaires et député national, Ali Ben Mabrouk et Charafadine Ben Mabrouk.
Ils sont dans le négoce des affaires du pétrole et c’est à travers leurs deux sociétés qu’ils vont obtenir un marché de 11 milliards de francs CFA pour la fourniture de différents services liés aux activités pétrolières du Bloc d’Agadem.
Les affaires en lien avec le pétrole sont définitivement devenues des affaires du couple présidentiel. À la Soraz, la société du raffinage du brut, c’est encore un neveu du président Bazoum qui officie comme directeur des achats. La même société de raffinage où le député national Mohamed Ben Mabrouk (frère de la première dame) est président du conseil d’administration (PCA), cela en violation flagrante de la Constitution. Mais les cartels familiaux n’ont point le temps pour les subtilités conditionnelles. Ils sont pressés dans les affaires. Et l’on ne manquerait pas de trouver des traces de collusions entre le PCA et le directeur des achats dans certains trafics de ventes des chargements des citernes de pétrole de la Soraz. Les belles familles…
Le coup de génie
Pendant ce temps, lui Bazoum continuait de nourrir d’illusions les populations du Niger. Sur les ondes des médias, il a annoncé qu’il sera intraitable dans la lutte contre la corruption. Ensuite, il braque les projecteurs de la presse sur d’autres acteurs. Même les responsables de son parti politique et les partis de sa majorité gouvernementale « ne trouveront pas refuge », a-t-il assez souvent martelé.
Bazoum, un génie politique ? Peut-être, mais ce qui est sûr, c’est un talentueux comédien, un vrai homme de théâtre qui a parfaitement joué la scène pour emballer tout le monde.
Et jusqu’après le putsch du 26 juillet dernier, il a joué et il a gagné par l’entremise de sa cellule Com. Il a planté le décor de la polémique sur l’implication des proches du président Issoufou Mahamadou dans les affaires du pétrole et qui serait la raison profonde de son renversement.
« Bazoum est transparent », martèle son entourage. Il a juré de mener la guerre contre la corruption, c’est pourquoi il a refusé de céder à la pression de ceux qui veulent contrôler le pétrole nigérien, allusion à une prétendue polémique avec l’ancien ministre du pétrole, Abba et fils de l’ancien président Issoufou.
Et cette théâtralisation a fait effet. Bazoum Mohamed a été cru. Mais quand les rideaux tombent, l’opinion nationale et internationale découvre une autre facette du régime Bazoum Mohamed. Une situation qui n’est pas sans poser d’autres interrogations. Pourquoi Bazoum a-t-il fait ça ? Pourquoi a-t-il voulu desservir les nigériens dans l’attribution de ces contrats ? Pourquoi il a préféré tourner le dos à tous ceux qui ont trimé, ceux qui ont consenti des sacrifices pour le porter au pouvoir ? Pourquoi Bazoum s’est-il mieux occupé à passer ces gros marchés à coup de milliards dans des milieux qui ont le moins contribué à son avènement au pouvoir ? Accorder des avantages à sa famille à lui et à la famille de la première dame serait peut-être une explication mais cela n’expliquerait pas tout. Certaines de ces sociétés ne seraient que des officines, des sociétés écrans. Et qu’une large proportion de ces milliards pourrait par exemple constituer le nerf de guerre dans le cadre du futur projet politique de Bazoum.
Un projet politique qui passe par la création de son nouveau parti politique Hamzari qui lui permettrait de s’émanciper de la tutelle du PNDS Tarayya. La constitution de la finance nécessaire pour le projet du parti politique Hamzari et de l’action politique autour serait aussi en ligne de compte dans les éléments explicatifs à ce business pétrolier.
Ibrahim Elhadj dit Hima