Les militaires ont pris le pouvoir au Niger et des sanctions ont été imposées au pays afin de les contraindre à renoncer à cette entreprise. Hélas, trois mois après, ce sont les populations qui paient le prix fort. L’inflation a atteint un niveau record. Pire, les produits de premières nécessités commencent à se raréfier. Le riz est une denrée quasiment introuvable. La tension est telle qu’une émeute du riz n’est pas à exclure.
Une émeute du riz ? Oui, une émeute du riz. Cette céréale est la plus consommée dans les centres urbains. Elle est donc vitale. Son prix vient de connaitre une hausse de plus de 40%, voire 50%. Mais le plus dur est d’en trouver. Aux alentours du grand marché de Niamey, le riz se « deale » tel un produit prohibé du fait de sa rareté. Les acheteurs ne se soucient point de la qualité comme jadis. L’essentiel étant de rentrer à la maison avec les précieux grains.
Ces grains risquent de plonger le pays dans une autre crise. Une crise qui risque d’être plus dangereuse que celle actuellement en cours car elle impliquerait non seulement l’élite, mais également toute la masse qui y joue sa survie. Et le danger n’est pas loin. C’est pourquoi le CNSP se doit d’agir en vrai dirigeant. Diriger un pays, c’est aussi lui éviter de sombrer.
Comment s’y prendre ?
L’urgence, c’est d’obtenir la levée du blocus sur notre pays. Cette levée s’obtiendra en engageant des discussions avec les organisations sous régionales auxquelles il faudra offrir des garanties. En effet, cette situation dans laquelle végète la population ne permet pas aux dirigeants de demeurer inflexibles. Il faut sauver le peuple qu’on aspire diriger. Pour ce, il faut être disposé à transiger. Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, dit-on en milieu judiciaire. Cette boutade peut être adaptée au niveau politique et doit être désormais l’état d’esprit des autorités nigériennes.
Lomé, un signe encourageant
La semaine dernière, le général Mahamadou Toumba, ministre de l’intérieur dans le gouvernement du CNSP a tenu un discours qui laisse présager d’une ouverture dans les rangs de la junte. En effet, à l’occasion d’un sommet sur la paix qu’a abrité la capitale togolaise, le général a appelé les amis du Niger à « accompagner le Niger ». Une déclaration qui sonne comme une ouverture à des discussions qui déboucheront sur la levée des sanctions qui asphyxient le peuple nigérien.
C’est certes peu, mais une avancée tout de même, car ce discours tranche d’avec l’intransigeance dont a fait montre la junte qui a pris le pouvoir le 26 juillet 2023.
Il reste à espérer trouver une oreille attentive auprès de l’organisation sous régionale pour qu’enfin démarrent des vraies discussions pouvant aboutir à des compromis au grand bonheur des populations nigériennes et des autres pays frontaliers.
La CEDEAO et le pouvoir militaire y jouent gros. Ils ont tous les deux, l’occasion de montrer à la face du monde combien le sort des populations les préoccupent. Les institutions démocratiques, que défend l’organisation sous régionale, ont beau avoir de la valeur, elles ne vaudraient guère le bonheur des millions de personnes.
Dans le même ordre d’idée, le pouvoir militaire joue sa survie, car comme indiquée ci-haut, le risque de voir se généraliser un mécontentement des populations est grand, tant que les sanctions se prolongent. De la hauteur que prendront les deux parties dépendra la survenue ou non des émeutes du riz à Niamey.
Mourtala Issa
Niger inter hebdo – N° 123 du 24 octobre 2023