Le CNSP n’est pas un parti politique en quête de militants. Les membres de la junte sont des Généraux de l’armée et non des candidats à un suffrage populaire. On peut aussi relativiser les vertus profondes ou la neutralité d’un Bana Ibrahim ou d’un Maikoul Zodi à la pointe de l’animation de ce printemps social. Pour tout cela, on peut ne pas les aimer et ils n’en ont point besoin. Cependant, personne ne peut contester l’enjeu de la lutte qui est là entre leurs mains.
La sauvegarde de la patrie est peut-être, pour beaucoup, juste une expression. Mais le départ de la France, la sortie du Niger de la France, cette puissance coloniale qui à toujours étranglé toute perspective de développement, cela c’est du concret, c’est un évènement majeur porteur de beaucoup d’espérance pour tous les nigériens.
Par le passé, si les tentatives d’indépendance véritables affichées par le gouvernement de Diori Hamani ont vite été réprimées par le coup d’État de 15 avril 1974 qui a sonné comme une restauration du pouvoir de la France sur le Niger, donc un retour du Niger dans le giron néocolonial, si donc depuis cette époque un gouvernement politique a su dire NON et s’émanciper de la tutelle de la France, il serait tout de suite le champion de la scène politique nationale. Pourquoi ? Parce que pour tous les nigériens des villes jusqu’aux campagnes, tous avaient longtemps compris que la présence de la France dans les affaires du Niger était surtout vécue comme un cas de force majeure mais jamais une présence voulue et désirée.
Et aujourd’hui, c’est cette prière secrète dans les cœurs de tous les nigériens qui est en train de se réaliser, c’est le démantèlement de la France qui est en train de s’opérer sous l’impulsion de la junte militaire avec l’accompagnement de ces mouvements populaires animés par des acteurs de la société civile.
Une révolution ou presque, diront certains. Mais ce qui est sûr, c’est que cela va constituer un tournant dans l’histoire du Niger. Ici au Niger, on a l’habitude de dire que le Niger est le berceau de la francophonie, oui mais c’était surtout pour obtenir une certaine clémence de la part de la France, en vain. C’est ce berceau historique qui est en train de vaciller, de s’effondrer. Et cette entreprise historique, est-ce qu’il y a un nationaliste nigérien pour refuser de l’accompagner ? Non. Et bien si, l’entourage de l’ancien Président Bazoum Mohamed.
C’est peut-être une maladresse politique par l’inexpérience du principal concerné, à savoir Bazoum ou une immaturité par la jeunesse ou l’innocence de son équipe de communication politique.
Éparpillés dans différents coins du monde, d’autres à Paris, certains au Sénégal, à Abuja au Nigeria ou encore à Accra au Ghana, ils sont tous à l’extérieur du pays et ils ont fait le choix d’une communication dangereuse ou agressive contre le Niger.
Dans leurs communications, ils ont tous fait le choix de rejoindre les actions terroristes. Les frappes ou supposées frappes des groupes terroristes sévissant dans la région de Tillabery, de Tahoua ou des éléments Boko Haram dans l’extrême Est du Niger constituent la partie la plus substantielle de leurs publications et où ils mettent en relief les chiffres des victimes au sein de forces armées nationales sans aucune mention des pertes causées à l’ennemi.
C’est à se demander ici qui est le véritable ennemi pour l’entourage de Bazoum. Après toutes leurs agitations incantatoires pour appeler à des interventions militaires de la France et de la CEDEAO, on a un peu comme l’impression que les acteurs du camp Bazoum sont passés à l’ennemi, c’est-à-dire de l’autre côté, dans le maquis pour attendre que les actions terroristes se réalisent, ce que les interventions militaires devaient faire au Niger, c’est-à-dire provoquer l’effondrement du régime de la transition.
Et c’est là toute l’erreur politique du camp politique regroupé autour de l’ancien Président Bazoum. Dans la situation actuelle du Niger, et surtout dans la perspective de cet enjeu politique que constitue le démantèlement de la France, est-ce que ce choix de Bazoum n’est pas suicidaire pour son projet politique ?
L’équipe de Bazoum pourrait bien mener un combat politique contre la junte militaire qui a renversé son pouvoir. Elle pouvait pour cela se focaliser sur les choix des mesures de gouvernance. L’entourage de Bazoum Mohamed pourrait également agir plus en mettant l’accent sur l’urgence pour la transition d’ouvrir des consultations nationales devant préparer à un retour à la normale.
S’y ajoutent les mesures administratives prises par la transition militaire pour répondre aux préoccupations sociales des populations. En somme, autant de sujets que l’entourage de Bazoum pouvait exploiter sans aller dans un conflit violent avec la population.
La question sécuritaire ou la cohésion nationale restant bien sûr des questions sur lesquelles Bazoum devait se montrer plus attentif. Mais ici, on a comme l’impression que le choix opéré est de se mettre du côté de tout ce qui se présente comme un péril pour le Niger.
Il y a d’abord cette attente frénétique des actions militaires de la CEDEAO et de la France. Il y a aussi ce fort enthousiasme des gens de Bazoum par rapport aux sanctions économiques et fermetures des frontières qui visent à étranger la population, mais il y a surtout cette entente tacite avec les mouvements terroristes dont l’entourage de Bazoum se fait un fervent porte-parole.
Tout se passe comme si Bazoum et son entourage misent sur l’effondrement du régime de la transition. Ou dans une autre perspective pour une rupture définitive avec le Niger. Autrement, comment après s’être passé par toutes ces monstrueuses compromissions, les hommes de Bazoum envisagent-ils leur retour au Niger ? Ou peut-être qu’ils n’y songent jamais ? Erreur dans l’action politique ou choix de la rupture définitive, c’est là toute la question que beaucoup se posent au regard de cette posture d’une rare indélicatesse de l’entourage politique de Bazoum
Ibrahim Elhadji dit Hima
Niger inter hebdo – N° 122 du 17 octobre 2023