L’ancien président Bazoum est fatigué et voudrait peut-être trouver une issue de sortie à cette épineuse question de la crise politique qui le cloue sur place dans les salons de la présidence sous bonne surveillance de la Garde présidentielle qui l’a renversé le 26 juillet dernier.
Dès les premiers instants, le putsch perpétré par la Garde présidentielle sous la conduite du Général Tiani a suscité une avalanche de réactions, principalement de la France qui a activé tous ses réseaux, notamment de la CEDEAO et de l’Union africaine pour obtenir les condamnations fermes et surtout les sanctions les plus corsées qui n’ont jamais été infligées nulle part ailleurs à un autre pays. Pour la France, il s’agissait d’une option totale ou une option de rupture pour obtenir la reddition des putschistes. Aux sanctions économiques draconiennes avec la fermeture de toutes les frontières s’est additionné un plan d’intervention militaire qui sera mis en étude au niveau de l’état-major des armées de la CEDEAO avec l’appui tactique de l’armée française.
Interviendra ou n’interviendra pas, un peu plus de deux mois depuis le putsch, le Président déchu s’impatiente et semble aujourd’hui plus tourné à trouver une porte de sortie moins risquée pour pouvoir envisager une carrière politique future. Le téméraire et courageux démocrate debout dans ses bottes et qui attendait les frappes militaires pour le rétablir dans ses fonctions, y croit de moins en moins. En perte de tout espoir d’une hypothétique intervention militaire de la France et de la CEDEAO, celui-là qui a appelé à une intervention militaire au Niger en dépit de toutes les lourdes conséquences qu’elles pouvaient comporter semble désormais amorcer une inflexion à son option militaire.
Ainsi, on pouvait lire dans la dernière livraison datée du 5 octobre du magazine Jeune Afrique, dont on connait la proximité avec la France qui soutient Bazoum, des propos selon lesquels dès les premières heures du putsch du 26 juillet Bazoum s’était opposé à une intervention militaire alors que le détachement français de la base militaire 101 de Niamey était déjà en mouvement aux alentours de Mahatma Gandhi, proche de la présidence, attendant le feu vert de Macron pour lancer l’opération de libération de Bazoum, placée sous le nom de code » il faut sauver le soldat Bazoum ». Mais le président Bazoum avait répondu à Macron que pour rien au Monde, il ne voudrait qu’on verse le sang d’un seul nigérien. Très beau justement cette marque d’attachement et d’amour de sa population. Avec cette note parue dans le magazine jeune Afrique, l’ancien président met un pied dans le champ affectif hors de l’option militaire. Retour à la lucidité ou stratégie de grand écart, Bazoum semble avoir mesuré l’énormité d’une intervention militaire des forces étrangères au Niger.
C’est en effet une coalition estimée autour de 20. 000 à 30.000 hommes qui était en préparation pour attaquer le Niger, sous le couvert d’une intervention dite « opération chirurgicale ». Le plan de l’opération était prévu pour se dérouler sur une période de deux mois. Le scénario de cette intervention militaire conjointe entre la France et la CEDEAO visait à détruire toute l’architecture de défense du Niger et à garder un dispositif constitué des troupes étrangères en place pour aider Bazoum à gouverner. Les bataillons étrangers auront par la suite une mission de maintien de la paix pour permettre à Bazoum de procéder à des restructurations et la mise sur pieds d’un commandement de l’armée favorable. Visiblement avec le temps et surtout l’éloignement de toute perspective de l’opération CEDEAO, Bazoum découvre toute la monstruosité de l’opération si jamais elle devait avoir lieu. Et c’est peut-être pour cela qu’il tente ce grand repli. Bazoum découvre en effet que sa carrière politique ne pourrait jamais survivre à une intervention militaire de la CEDEAO et de la France au Niger. Les nigériens en tout cas ne pourront jamais lui pardonner cet affront.
Dans l’entourage de Bazoum on souffle alors le chaud et le froid
Jouer au démocrate courageux qui défend à tout prix son mandat constitutionnel ou encore donner l’impression qu’il ne voudrait point qu’on verse le sang des nigériens, si Bazoum est dans cette posture, c’est aussi parce que dès le départ, il n’est pas maître de son choix. Sur toute la ligne, Bazoum a été un instrument de manœuvre entre les mains de la France qui voudrait en faire un prétexte pour sanctionner le Niger qui a osé demander son départ. Du coup, Bazoum ne sait plus sur quel pied danser entre la volonté de la France de l’instrumentaliser et aussi cette crainte qu’il a de compromettre définitivement sa carrière politique. C’est dire que la complexité de la situation dans laquelle se trouve Bazoum est intimement liée à la posture de la France. Et que sa sortie de cette tutelle pourrait fortement favoriser un début de retour à la normale. Et ça, c’est une toute autre affaire. Car la France ne lâchera pas de sitôt l’homme qu’elle destine à jouer le rôle malgré lui de chef d’un front politique avec une branche armée à l’extérieur du pays.
Ibrahim Elhadji dit Hima