Le coup d’État du 26 juillet 2023 qui a renversé le régime dirigé par une coalition des partis politiques, menée par le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya), n’a pas renversé le régime du PNDS comme beaucoup d’observateurs veulent le faire croire. Il s’agit là d’une démarche simpliste et très réductrice du problème. Une lecture que les analystes politiques et surtout les cadres dirigeants du PNDS doivent dépasser pour aller à la tâche redoutable de la lutte pour le retour à l’ordre constitutionnel qui passe par la relance de cette « Machine » de reconquête du pouvoir qu’est le parti PNDS Tarayya.
Le renversement de l’ordre légal
Le putsch du 26 juillet dernier a renversé un régime politique qui était celui d’une large coalition des Partis politiques avec le PNDS Tarayya en tête certes, mais où l’on retrouve aussi le MNSD Nassara de Seini Oumarou, le MPR Jamhuria d’Albadé Abouba, le MPN kishin kassa d’Ibrahim Yacouba ou encore le CPR Ingantchi de Moctar Kassoum et bien d’autres formations politiques encore. C’est en réalité cette coalition qui a été renversée par les généraux du CNSP.
Et au-delà de la considération des partis politiques, le putsch du 26 juillet dernier est un coup d’État contre la légitimité populaire et contre la légalité constitutionnelle, prononcée par la Cour constitutionnelle qui a validé les consultations électorales du 21 février 2021. C’est cette légitimité et cette légalité qui ont été interrompues par la junte militaire.
Et dans cette logique, la vraie bataille de la restauration de Mohamed Bazoum dans ses fonctions ne saurait être forcément une préoccupation exclusive du PNDS Tarayya. Mais c’est un devoir de l’ensemble des nigériens qui, dans cette option, pourraient ainsi démontrer leur attachement à la volonté populaire qui n’est rien d’autre que le suffrage qu’ils ont exprimé à travers leur vote.
Et le peuple peut rester longtemps en lutte selon son degré d’attachement à la démocratie. Il peut rester aussi longtemps en lutte pour défendre et restaurer sa volonté quand elle est confisquée. Tout comme il peut y renoncer ou changer de volonté.
En l’occurrence, ici, dès le lendemain du 26 juillet 2023, ce même peuple a choisi de concéder la légitimité à la junte militaire et d’abandonner toute prétention à défendre son suffrage. Et les mouvements progressifs des populations des villes et des campagnes qui, dans des réactions spontanées, ont apporté leur soutien aux autorités de la transition militaire qui devaient être perçues comme un changement de camp ou un transfert de légitimité.
Le peuple s’est retiré de son vote du 21 février pour aller avec l’armée, réunie autour du général Aboulrahamane Tiani qui a repris le pouvoir des mains du Président Mohamed Bazoum, l’ancien président du PNDS Tarayya, avant qu’il ne passe la main depuis son élection à la présidence de la République à Foumakoye Gado. Si le putsch du 26 juillet transcende la question du PNDS, si le retour de Bazoum dans ses fonctions n’est plus du ressort du seul parti PNDS Tarayya, que peut faire désormais le parti dans cette conjoncture de crise politique ?
Le putsch contre le PNDS Tarayya
Lorsque le PNDS Tarayya est coincé dans une position qui n’est pas la sienne, c’est là que surgit l’idée d’un autre coup, un autre putsch contre le PNDS.
Et dans ce contexte, il y a une idée qui coulisse, c’est-à-dire qui va dans un sens et dans un autre. Dans l’entourage du Président Bazoum, on parle de séquestration ou de prise d’otages pour désigner le putsch du général Tiani qui garde encore Bazoum et sa famille dans les sous-sols du palais de la présidence. Cette même expression de séquestration et de prise d’otages peut être utilisée dans la situation du PNDS Tarayya à qui l’entourage de Bazoum veut imposer une ligne ou une position qui n’est pas forcément celle du parti.
Comme relevé plus haut, si la défense d’un président de la République n’est plus du ressort du PNDS mais plutôt le devoir de l’ensemble des nigériens et si l’ensemble des nigériens, et dans une large majorité, les électeurs du PNDS, ont choisi de transférer cette légitimer populaire aux autorités du CNSP, le PNDS Tarayya n’a plus une autre lutte plus urgente que celle de sa libération et de la relance de son organisation comme machine de reconquête du pouvoir d’Etat.
La posture dans laquelle l’entourage du président Bazoum voudrait maintenir le PNDS devient la plus grande menace, la plus grande séquestration du parti et pourrait à court ou moyen terme, compromettre toute possibilité de son relèvement. Une option de lutte intégrale pour restaurer Bazoum pouvait conduire vers une radicalisation et un isolement du PNDS de l’échiquier politique national.
D’autre part, qu’est ce qu’il y a dans le package des mesures pour la restauration de Bazoum dans ses fonctions ? Il n’y a rien d’autre que l’option la plus redoutable et la plus effroyable qui passe par une intervention militaire des troupes étrangères (CEDEAO, appuyée par l’armée française).
Voilà le montage affreux que l’entourage du président Bazoum voudrait faire porter au PNDS Tarayya, alors même que tous les nigériens avec bien sûr tous les militants PNDS ont déjà rejoint les remparts pour dénoncer la CEDEAO qui, associée à l’attaque militaire projetée, a déjà mis en route un régime de sanctions qui n’ont nulle part au monde été infligées à un pays.
Autour de la présidence renversée, certains responsables usent de toutes les pressions et chantages pour amener le PNDS Tarayya à endosser cette feuille de route de la CEDEAO. Et il a fallu, il y a que l’ancien Président de la République et ancien président du PNDS Tarayya, Issoufou Mahamadou libère le parti par un message publié sur son compte Twitter où il exprime sa totale opposition à une intervention militaire au Niger.
Et ce message du président Issoufou a donné le ton sur ce qui doit être la priorité du PNDS Tarayya et aussi sa libération de la séquestration dans laquelle il était tenu depuis le 26 juillet dernier.
Les grandes priorités de lutte
Le Niger n’est plus dans l’idée du putsch du 26 juillet. En tout cas, pas tel qu’il est perçu par les autorités du régime de la 7ème République. Le coup d’État du général Tiani n’est plus un putsch contre le régime de Bazoum, c’est un putsch contre un ordre ancien, c’est un putsch contre un système mariné dans l’esprit du néocolonialisme qui établit une implication profonde de la France dans les affaires internes du Niger.
Le putsch du général Tiani est aussi contre le pouvoir de la France que les nigériens sont en train de démanteler. C’est une indépendance réelle qui est en jeu. Qui parle de Bazoum ? Il n’y a que les caciques du cabinet Bazoum qui parlent encore du coup d’État ou plus précisément de séquestration comme ils disent. Mais les nigériens dans leur ensemble parlent depuis longtemps de révolution. Il y a aujourd’hui un travail intense très important qui est en train d’être fait par les nigériens, celui de la libération du Niger. Et le PNDS Tarayya ne peut pas être en dehors de cette grande lutte, c’est un combat de génération. C’est une lutte qui aura dans l’avenir le même retentissement comme, lorsque là-bas, les français évoquent la « Libération ». C’est dans cette lutte que sont engagés tous les vrais et authentiques militants du PNDS Tarayya. Et le parti ne peut pas s’isoler de ces grands chantiers de refondation ou de reconstruction d’un idéal national pour lier son sort aux frappes militaires des troupes françaises et CEDEAO qui ne peuvent que jeter le pays dans l’effondrement général comme l’a rappelé l’ancien Président de la République Issoufou Mahamadou.
Aujourd’hui, le PNDS Tarayya joue sa cohésion ou plus grave encore sa survie. Et la réconciliation ou la cohésion n’est pas dans un compromis entre la CEDEAO et le Niger. Le sauvetage et la cohésion du PNDS, c’est d’abord une bonne lecture des luttes prioritaires. Ce qui est sûr, ce que la première frappe CEDEAO, c’est le PNDS Tarayya qu’elle va enterrer et la deuxième, c’est pour plonger le Niger dans le chaos. Il n’y a pas de compromis parce qu’il n’y a aucun déchirement. Il y aura le PNDS Tarayya ou il n’y aura plus de PNDS Tarayya.
Ibrahim Elhadji dit Hima
Niger inter hebdo – N° 121 du 10 octobre 2023