Depuis le 10 février dernier, et en particulier à partir du 15, une série de publications sur les réseaux sociaux laissent penser à l’émergence d’un mouvement coordonné pour fragiliser la position des autorités nigériennes. Dans le contexte du procès du coup d’Etat manqué du 31 mars 2021, une véritable guérilla informationnelle s’est déployée contre notre pays. La récente interview accordée par le Président de la République à Jeune Afrique a été exploitée à dessein pour légitimer la posture populiste des pourfendeurs extérieurs et locaux du régime en place à Niamey.
Il suffit de lire intégralement l’interview dans les colonnes de Jeune Afrique ou en ligne pour comprendre le procédé des prestidigitateurs qui a consisté a isolé le propos du Président Bazoum de son contexte. On l’aura compris, il fallait opposer le Chef suprême des armées aux soldats en l’accusant de crime de lèse-majesté de démoralisation des troupes. Pourtant le Président répond à la question précise des volontaires pour la défense de la patrie (DVP) au Burkina Faso. C’est également au Burkina Faso qu’il considère que les terroristes sont plus puissants que l’armée loyaliste. Pour Mohamed Bazoum, le Niger s’en sort relativement bien.
Les faits sont sacrés
François Soudan (Directeur de la Rédaction de Jeune Afrique) a posé la question suivante au Président Bazoum : « Face à un ennemi qui vous est commun, vos voisins burkinabè ont choisi la solution de la levée en masse de volontaires civils, les VDP (volontaires pour la défense de la patrie), pour épauler l’armée. Cette stratégie vous parait-elle fonctionnelle ? »
La réponse du Président Bazoum ne concerne que la situation au Burkina Faso notamment le recours aux VDP. Consulté par l’actuel Président de la transition au Burkina, le Président Bazoum a plutôt tenté de le dissuader comme cela a été fait du reste avec ses prédécesseurs Kaboré et Damiba. « Le Président Issoufou avait déjà mis en garde son homologue, Roch Marc Christian Kaboré, et je l’ai redit au successeur de ce dernier, le lieutenant-colonel Damiba : si les terroristes sont plus forts et plus aguerris que l’armée, comment des civils pourraient-ils leur résister ? ». Et le Président Bazoum de préciser : « Distribuer des armes à des civils est une erreur tragique, qui expose à deux types de risques : celui d’en faire des proies faciles pour les terroristes, de la chair à canon en quelque sorte, et celui de voir se multiplier les abus et exactions, car nul ne contrôle la moralité et le comportement de gens recrutés à la hâte et lâchés dans la nature. C’est hélas exactement ce qui se passe » (sic).
C’est ce qui est écrit noir sur blanc dans Jeune Afrique N°3125-juin 2023. Le Président Bazoum répond précisément à la question des VDP au Burkina Faso. Mais quelques-uns sont allés vite en besogne en extrapolant ses propos hors de leur contexte. D’aucuns ont proféré de véritables procès d’intention au Chef suprême des armées en insinuant que le chef de l’Etat a capitulé en démoralisant le moral des troupes. Ce qui est franchement inexact. En lisant la suite de l’interview, le président Bazoum a décliné sa stratégie de lutte contre le terrorisme et pourquoi il engrange plus de succès que ses voisins qui ont plutôt affaibli leurs moyens de défense en affaiblissant le leadership politique et militaire. Qui plus est, le Président Bazoum a mis en évidence l’investissement que l’Etat du Niger a fait tant au niveau des hommes que des moyens matériels et logistiques. Il l’a dit sans ambages : « Chacun peut constater que notre situation sécuritaire est préférable à celle de nos voisins. Autant nous avons banni l’armement des civils pour laisser à l’Etat le monopole de la violence légitime, autant nous n’avons jamais cédé à la tentation de dresser une communauté à une autre ». Le Président Bazoum a dit en substance que si l’armée du Niger s’en sort bien, ce n’est pas un hasard. Cela constitue la somme de l’investissement et des sacrifices consentis par l’Etat mais aussi de l’expertise des hommes et des femmes aux commandes, militaires comme civils à la différence des novices qui ont tendance à jeter en pâture leurs concitoyens sur la base des mesures inopérantes et impensées.
Le putsch comme vœu pieux des manipulateurs
On notera qu’en plus des coupeurs de cheveux locaux, les principaux agitateurs dans cette campagne de désinformation viennent du Mali et du Burkina Faso. Des activistes dans ces deux pays ont franchi le Rubicon. Ils ont jubilé comme ils ont pris des vessies pour des lanternes. A partir du 15 Février, les publications appelant aux manifestations le 16/17/18/19 et 20 février contre le président Bazoum et pour demander le départ de l’armée française sont visibles, mais uniquement sur Facebook. De même, le 15 Février, les premières publications annonçant un bilan de 67 ou 71 morts et une vingtaine de portés disparus commencent à se diffuser sur Facebook. Les publications sont pour la majorité des copier-coller et annoncent donc le même bilan.
Concernant les annonces d’un probable coup d’État au Niger, les premières publications évoquant le renversement du régime en place par un groupe des militaires apparaissent sur Facebook aux alentours le 17 Février. Le premier diffuseur pourrait être la page « Faso Hebdo » (médias traitant de l’actualité politique, sécuritaire du BFA). Sur Twitter, le premier diffuseur serait « Issa Sissoko Elvis (troll russe).
Si la publication Facebook annonce clairement un probable coup d’État orchestré par des « jeunes officiers », sur Twitter, Issa Sissoko Elvis se demande si « un coup d’État serait en préparation ». Dans les deux cas, les internautes annoncent que les détails vont suivre. Suite à ces publications sur Facebook, d’autres commentaires commencent à apparaitre, mais très vite, des internautes démentent en parlant de Fake News. Par la suite, se sont les publications annonçant que l’information est fausse qui se diffusent en masse sur les réseaux sociaux.
Trois vidéos sont régulièrement postées avec des publications essayant d’étayer les propos. De la même manière que les précédentes annonces, ces dernières sont démenties et les internautes les replacent dans leur contexte. L’une d’entre elles datent du coup d’État ayant démit Mahamadou Tandja en 2010 et les deux autres dont l’une est issue d’un reportage de France 24 concernent des évènements s’étant déroulés en mars 2021, lors d’une tentative de coup d’État dont le procès des commanditaires a commencé le 15 février de cette année.
Sur Facebook, des publications publiées par des internautes nigériens sont critiques envers les pages maliennes et burkinabè, diffusant l’information selon laquelle un coup d’État serait en cours au Niger.
Et pour boucler la boucle, les faussaires ont même eu l’ingéniosité de concocter un démenti du gouvernement nigérien avec la signature du ministre porte-parole du gouvernement !
Sauf que les pourfendeurs de l’ordre en place au Niger ignorent que la gestion d’un Etat ne rime pas avec le populisme. C’est une triste vérité à laquelle ont été confrontés tous les pays qui ont cédé aux sirènes populistes et tous ceux-là qui mettent en avant leurs fantasmes au détriment de la réalité. Ces démagogues qui fondent désormais tout leur espoir sur Wagner (les mercenaires russes) font croire à l’opinion que tout est facile, tout est simple à obtenir.
Si la vie coûte chère, si le peuple n’est pas dans le bonheur, si la situation sécuritaire se dégrade, c’est exclusivement la faute de la France et l’absence d’un régime militaire au Niger. Leur dernière trouvaille, c’est la désinformation sur la base d’un prétendu coup d’Etat au Niger avec leur mode opératoire décrit plus haut.
Ces populistes en mal d’inspiration dont certains brillent par leur nihilisme ont tendance à discréditer la démocratie et les valeurs essentielles. C‘est un truisme de dire que la montée du populisme va crescendo au Mali et au Burkina Faso avec la montée en puissance des juntes inopportunes et anachroniques. A entendre certains donneurs de leçons issus du nouvel ordre, les maliens et les burkinabè risquent d’être menés en bateau, si on n’y prend garde.
L’on comprend bien que l’impuissance des armées malienne et burkinabè face aux terroristes génère le ressentiment. Mais est-ce que le coup d’Etat serait la panacée ? A la vérité, le Mali et le Burkina Faso sont des pays très fragiles face à l’hydre terroriste. La situation sécuritaire est très dégradée dans ces pays : leurs pans entiers sont entre les mains des terroristes. Et depuis leur avènement, les putschistes se complaisent dans le populisme et la pensée unique qu’ils ont instaurée au nom d’une utopie pompeusement dénommée « Refondation ».
Après la mise entre parenthèses des institutions au Mali et au Burkina Faso, peut-on dire aujourd’hui que les objectifs pompeusement annoncés par ces régimes militaires sont atteints ?
Très malheureusement, les citoyens de ces pays qui ont cédé au populisme sont en train de déchanter : ils ont sacrifié leur liberté pour se retrouver dans l’impasse. Les promesses sécuritaires s’avèrent être un mirage et les libertés publiques sont de plus en plus menacées. En réponse, les maitres de Koulouba et de Kossyam s’emmurent dans une posture iconoclaste avec comme armes : le populisme et la propagande. Roulés dans la farine, les citoyens de ces pays qui ont tout sacrifié ne savent plus à quel saint se vouer.
Abdoul Aziz Moussa
Niger Inter Hebdo N°113 du mardi 6 juin 2023