Le président de la République, Mohamed Bazoum, a accordé, en marge du 18ème Sommet des chefs d’Etat et du Gouvernement de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), tenue à Djerba en Tunisie, une interview au journal Le Monde. Au micro de notre confrère Cyril BENSIMON, le président de la République, Chef de l’Etat a abordé plusieurs sujets de l’heure, notamment la question sécuritaire et économique.
De prime abord, le président de la République s’est prononcé sur le redéploiement de l’armée française du Mali vers le Niger. Sans langue de bois, Mohamed Bazoum a déclaré que la coopération entre l’armée française et nigérienne se passe « dans d’excellentes conditions », soulignant que « nous ne sommes pas dans un contexte de belligérance très forte, mais le service est assuré de façon tout à fait satisfaisante ».
Toutefois, il a reconnu que l’efficacité de cette collaboration est limitée du fait que les opérations transfrontalières au Mali où peuvent se replier les djihadistes ne sont plus menées. « L’idéal aurait été que nous soyons dans des conditions de coopération opérationnelle avec tous nos voisins », a-t-il relevé. « C’est d’ailleurs ce que le Niger fait avec le Burkina Faso. « Ce n’est malheureusement pas le cas pour le moment avec le Mali, avec lequel nous n’avons plus de relations militaires », a regretté le président de la République.
Pas de sentiment antifrançais d’envergure au Niger
Répondant à la question relative à l’exacerbation d’un sentiment antifrançais au Niger, le président de la République a reconnu qu’il y a « une petite opinion à Niamey qui s’exprime par moments mais qui ne mobilise guère les foules ». En ce qui concerne l’ensemble du Niger, « je n’ai pas l’impression d’avoir affaire à un sentiment antifrançais d’envergure », a dit le Chef de l’Etat. « Si c’était le cas, j’aurais été bien plus prudent », a-t-il ajouté. En effet, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Taraya) « fait face à des élections tous les cinq ans, et nous ne ferons jamais rien qui soit de nature à nous mettre en porte-à-faux avec notre opinion », a-t-il précisé.
Agir pour ne pas subir les effets de ce qui se passe ailleurs
Abordant la question économique, en rapport avec le sommet de l’Union africaine sur l’industrialisation et la diversification économique que le Niger accueille, il a d’abord expliqué que l’Afrique doit ouvrir les yeux sur ce qui s’est passé avec le Covid-19 et ce qui est en train de se passer avec la guerre en Ukraine. « Nous avons compris que nous sommes dépendants pour trop de choses, même pour notre alimentation alors même que nous avons un potentiel particulièrement important, notamment dans le domaine agricole », a dit le Chef de l’Etat. Cela doit interpeller l’Afrique à bien d’égards. « Il est urgent que nous réfléchissions ensemble et que nous mettions en œuvre des politiques qui nous permettent justement de ne plus subir les effets de ce qui peut se passer ailleurs », a indiqué Mohamed Bazoum.
L’inexorable recours aux énergies fossiles
Relativement au volet hydrocarbures dont l’Afrique regorge d’énormes potentialités, mais à qui les pays du Nord exercent des pressions pour réduire le réchauffement climatique, le président de la République a déclaré ceci : « Sur ce débat, nos partenaires des pays développés n’ont pas conscience qu’ils nous font des propositions qui ne sauraient nous convenir. Nous aurions pu les écouter si et seulement si le capital nécessaire pour la promotion des énergies renouvelables était à notre portée ».
Aussi, si investir dans les énergies fossiles ne sera pas rentable d’ici à quelques années « parce qu’elles vont produire une électricité qui ne sera pas vendable », le président de la République estime qu’il faut convaincre le secteur privé des pays industrialisés, les Etats, les banques internationales de développement « de s’entendre pour faire en sorte que nous disposions de capitaux nous permettant d’investir dans les renouvelables. « Puisque ce n’est pas le cas, nous ne pouvons que recourir aux énergies fossiles », a prévenu le Chef de l’Etat.
« J’ai de grandes ambitions pour mon pays. Je veux investir dans l’éducation, l’agriculture, mais comment le ferais-je si je ne dispose pas du minimum de ressources nécessaires, que je ne peux avoir que si je vends du pétrole », s’est-il interrogé. « Je vais vendre du pétrole en 2023 et je vais accroitre les quantités de pétrole que je dois vendre », a martelé le président de la République. « Tant que c’est la seule ressource que j’ai pour promouvoir le développement de mon pays, j’y aurai recours. Après, Dieu reconnaitra les siens », a-t-il conclu.
Almoustapha ABOUBACAR