Le président français, Emmanuel Macron a choisi le mercredi 9 novembre 2022 et la ville de Toulon pour annoncer la fin de l’opération Barkhane. « J’ai pris la décision, en coordination avec d’autres acteurs, de mettre fin à l’opération Barkhane », a-t-il déclaré, mettant ainsi fin à une expédition qui a duré plus de 8 ans. « Nos interventions doivent être mieux limitées dans le temps, et ce dès le début, nous n’avons pas à rester engagés sans limite de temps dans des opérations extérieures. C’est aussi pour cette raison que j’ai décidé, en concertation avec nos partenaires, d’officialiser aujourd’hui la fin de l’opération », s’est-il expliqué.
Intervenue en 2012 sous le vocable de l’opération Serval pour porter secours à l’Etat malien menacé d’effondrement avec l’avancée des groupes terroristes vers Bamako, l’armée française a transmué ladite opération en opération Barkhane en 2014 avec pour objectif de stopper la propagation du terrorisme au Sahel.
Malheureusement, force est de constater que le terrorisme contre lequel elle a pris partie s’étend de plus en plus dans la région et a commencé même à prendre pied dans les pays du Golfe de Guinée.
D’autre part, le partenariat que l’armée française entendait nouer avec les forces armées maliennes (FAMA), grâce à cette opération, s’est désagrégé avec la montée du sentiment antifrançais au sein de la population malienne et africaine en général.
Des manifestations contre la présence militaire française en Afrique sont organisées, ses convois de ravitaillement sont conspués et leur progression est mise en difficulté par des manifestants dans certaines localités traversées.
Un autre aspect non des moindre qui a précipité le départ de Barkhane c’est, sans doute l’arrivée au pouvoir suite à un double putsch au Mali en 2020 d’une junte militaire hostile à la France et très proche de la Russie.
L’un des premiers actes posés par ladite junte a été de mettre fin aux accords militaires avec la France et faire venir Wagner et ses mercenaires russes pour combattre les terroristes.
Les relations entre Paris et Bamako se sont tellement détériorées que les militaires ont même chassé du Mali l’ambassadeur de France pour sa virulence et surtout pour les avoir taxés d’autorités « illégitimes » sur certains médias.
Le point culminant de cette détérioration des relations entre les deux pays s’est manifesté en septembre 2022 quand à la tribune de l’ONU, le Premier Ministre par intérim du Mali, Abdoulaye Maiga, a parlé « d’obscurantisme de la junte française nostalgique de pratique néocoloniale, condescendante, paternaliste et revancharde » et accusé la France d’avoir « commandité et prémédité des sanctions inédites, illégales, illégitimes et inhumaines de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) et de l’UEMOA, Union économique et monétaire ouest-africaine contre le Mali ».
En réalité les militaires au pouvoir à Bamako sont très remontés contre la France qui a retiré entièrement les soldats de la force Barkhane en août 2022 du Mali pour les redéployer au Niger. Abdoulaye Maiga a estimé à la tribune des Nations Unies que son pays a, par cet acte, été « poignardé dans le dos » par la France.
Le Gouvernement de Transition Malien a fait, encore, monter un peu plus les enchères en déposant une plainte à l’ONU contre la France qu’il accuse de soutenir les terroristes en leur fournissant armes et renseignements.
Par ailleurs, les résultats de la Force Barkhane sur le terrain que certains considèrent mitigés en sont aussi pour quelque chose dans le développement du sentiment antifrançais au sein de l’opinion africaine.
Pourtant, c’est grâce à cette force que plus de 2800 terroristes dans le Sahel ont été décimés et certains de leurs chefs mis aux arrêts ou neutralisés.
Maintenant qu’elle est enterrée par le Président Macron, est-ce pour autant que la France se désengage de l’Afrique ?
Au contraire ! Près de 3.000 militaires resteront déployés au Niger, au Mali et au Tchad, apprend-on près des sources autorisées.
Pour le président Emmanuel Macron, une nouvelle stratégie de la France en Afrique après l’opération Barkhane sera mise en œuvre et celle-ci « sera finalisée d’ici 6 mois » après les consultations avec les partenaires présents sur le continent.
Selon le président Macron l’engagement de la France « avec les pays africains doit être centré sur une logique d’appui et de coopération, c’est pourquoi nous lancerons une phase d’échanges avec nos partenaires africains, pour faire évoluer le statut et les missions des bases françaises en Afrique ».
En rappel, l’opération Barkhane avait débuté en août 2014 avec un effectif de 3.000 militaires auxquels se sont ajoutés au fil des années des centaines d’autres pour atteindre 4.500 en 2018, 5.100 en février 2020 et jusqu’à 5.500 soldats déployés au Sahel.
Par contre, la viabilité de l’opération a commencé à être mise en doute avec l’expansion des groupes terroristes et le nombre croissant de morts parmi les soldats français. 58 morts et cette liste risquerait de s’allonger si le dispositif continue d’être laissé en l’état sans prévoir une nouvelle stratégie.
Le président français, Emmanuel Macron, a, par ailleurs, précisé que le soutien militaire de la France aux pays africains du Sahel « se poursuivra, mais selon les nouveaux principes que nous avons définis avec eux. Il se déclinera à l’échelle de chaque pays selon les besoins qui seront exprimés par nos partenaires, équipements, formations, partenariats opérationnels, accompagnements dans la durée et intimité stratégique ».
Le nouveau partenariat de la France avec les pays africains ne se fera pas sous forme d’une « opération extérieure » comme l’était Barkhane, mais un partenariat qui « n’a de sens que s’il répond à des besoins explicites exprimés par les forces armées et s’il est complémentaire des partenariats économiques, politiques et administratifs de ces pays », a fait savoir le président Macron.
Bassirou Baki
Niger Inter Hebdo N°88 du mardi 15 Novembre 2022