Nous avions déjà évoqué la question de l’opportunité pour notre pays des solutions solaires pour des applications comme le pompage d’eau. Les valeurs de l’insolation pour lesquelles des installations solaires sont recommandées vont des valeurs moyennes aux valeurs considérées comme élevées, notamment la gamme des valeurs allant de 4 KWh/m2 à 8 KWh/m2. Dans presque toutes les régions du Niger, les valeurs de l’insolation sont situées au-dessus de 5 KWh/m2 pour les mois les moins favorables et au-dessus de 7 KWh/m2 pour les mois les plus favorables. Plus de radiation solaire, c’est plus de puissance et plus de puissance c’est plus d’eau, ce qui fait du rapport entre le soleil et l’eau un rapport cohérent.
Il se trouve toutefois que dans beaucoup de localités du Niger, les installations solaires destinées au pompage d’eau présentent des difficultés de fonctionnement au plus une à deux années après leur mise en service, le plus souvent pour des raisons d’ordre technique, socioéconomique et institutionnel.
Au plan technique, les difficultés s’expliquent par la rareté des pièces de rechange, surtout en milieu rural, à la qualité des installations, aux erreurs de dimensionnement, au manque de compétences de base pour la mise en œuvre des réparations mineures et de potentiel pour la formation des personnes censées entreprendre ces réparations.
Au plan socioéconomique, c’est surtout dû à l’incertitude sur la volonté ou non des populations à honorer les supposés engagements pour les services de l’eau. En effet, dans beaucoup de cas, la décision de mettre en place des systèmes de pompage d’eau solaire ne s’appuie pas sur une évaluation préalable qui témoigne d’une demande réelle des services d’eau et de la volonté des parties prenantes en faveur de cette technologie. Cette évaluation de nature participative permet d’identifier les facteurs pouvant potentiellement impacter la durabilité du système, sa mise à l’échelle et sa performance globale. Elle permet aussi d’identifier les domaines dans lesquels une action collective est nécessaire pour rehausser les chances de réussite du projet d’eau solaire.
Au plan institutionnel, il y a lieu de noter que l’appui nécessaire aux communautés pour maintenir les services en fonctionnement n’a pas toujours été clairement défini, que ce soit en rapport avec la gestion du système ou la provision d’un espace approprié pour les installations pour toute la vie du projet. En d’autres termes, il s’agit de convenir de façon compréhensive du rôle des parties prenantes, donc de la question de la gouvernance du système. Si par exemple des subventions sont nécessaires pour maintenir le système en fonctionnement, il doit être clairement défini si celles-ci doivent venir de l’Etat, des ONG, ou même du secteur privé, mais il est essentiel que les populations bénéficiaires comprennent que les services d’eau solaire, quoiqu’assez moins chers, restent payants pour assurer la disponibilité des ressources nécessaires à un service continu.
A part les domaines ci-dessus, les installations de pompage d’eau solaire peuvent connaitre des difficultés de fonctionnement liées surtout aux mauvaises pratiques ou conditions. Il s’agit des difficultés plus ou moins contrôlables, selon qu’elles soient liées à des facteurs sur lesquels les usagers peuvent agir ou non. Nous en proposons au lecteur quelques-unes qui semblent être des plus fréquentes.
La première de ces difficultés est la température du milieu ambiant dans lequel se situe l’installation. Toute température ambiante qui porte la température des panneaux solaires à plus de 25oC est le siège d’une contreperformance du système et donc des pertes d’énergie du champ solaire. Ces pertes d’énergie augmentent au fur et à mesure que la température des panneaux s’écarte de 25oC et elles sont estimées à des valeurs allant de 8 à 15%. Cela confirme encore une fois que l’énergie solaire ce n’est pas pour autant la chaleur rayonnée par le soleil, mais plutôt la lumière qu’il rayonne sur les modules solaires. Evidemment, notre marge de manœuvre sur la température ambiante est limitée, voire nulle.
Le mauvais câblage, autrement dit si les câbles utilisés ne sont pas conformes au type de champ solaire, peut aussi être le siège de pertes d’énergie par effet Joule, estimées entre 1 et 3% de la valeur totale produite. Lorsque la conception du système est faite au moyen d’un logiciel, il est possible d’éviter le problème de câblage au moyen du choix du type de câble et de la section qui convient, à travers des options offertes.
La poussière et les impuretés sont une autre cause de pertes estimées entre 2 et 15%. Il s’agit ici de facteurs liées aux conditions environnementales et aussi à l’exposition des panneaux. Il importe donc de s’assurer que les modules sont régulièrement nettoyés et lavés pour rehausser la performance du système.
L’ombrage dû surtout à la présence d’arbres ou de grands bâtiments qui projettent de l’ombre sur les panneaux réduit l’intensité de la lumière solaire sur ces derniers et donc le courant qu’ils pourraient générer. On estime entre 0 et 2% l’étendue de ces pertes.
De même, la mauvaise orientation et inclinaison des modules provoque des pertes d’énergie estimées entre 0 et 2%. Les modules sont généralement inclinés de 15 degrés par rapport au plan horizontal si la latitude du lieu est inférieure ou égale à 15o. Ils sont inclinés à la latitude du lieu lorsque celle-ci dépasse 15o. Ils sont orientés vers le Sud dans les régions du monde situées dans l’hémisphère Nord et vers le Nord dans les régions situées dans l’hémisphère Sud. Toute l’idée derrière l’orientation est que les panneaux doivent faire face à l’Equateur. Le Niger étant dans l’hémisphère Nord, les panneaux solaires doivent dont être orientés vers le Sud.
Les pertes estimées ci-dessus pourraient être plus importantes lorsque des modules de puissances crêtes différentes sont utilisés dans une même installation, ou dans un contexte où la poussière ou l’ombre sont plus régulières. En particulier, lorsqu’un module de puissance crête inferieure est monté en série avec des modules de capacité supérieure, il impose la valeur de son courant à ceux-ci, limitant ainsi la puissance qu’ils doivent générer.
Asmane Saadou
Niger Inter Hebdo N°71 du mardi 12 juillet 2022