Après le revers judiciaire à la Cour de justice de la CEDEAO, il est attendu que l’opposition tire les conséquences politiques de sa posture. Le 31 mars 2021, Mahamane Ousmane confia à Christophe Boisbouvier de RFI : « Si d’aventure ce n’est pas ainsi (NDLR : s’il perdait le procès), comme on a l’habitude de dire chez nous, on s’en remet à Dieu ». L’on se souvient, dans une déclaration à Niamey, après la proclamation des résultats provisoires du second tour de la présidentielle qui le donnent victorieux avec 55,75%, Mohamed Bazoum a rendu hommage au peuple nigérien avant de tendre la main à son adversaire politique et frère Mahamane Ousmane, pour faire face ensemble aux défis que vit le pays.
Après avoir apprécié le ‘’score remarquable’’ réalisé par Mahamane Ousmane, le président fraichement élu avait déclaré devant ses partisans et alliés au siège national du PNDS Tarayya qu’il comptait sur Mahamane Ousmane ‘’pour créer un nouveau climat entre le pouvoir et l’opposition, mettre fin aux tensions inutiles et nous donner la main sur l’essentiel par ces temps de grands défis terroristes ».
Cette main tendue ou appel au bon sens a été également réitéré le 02 avril 2021 par le président Mohamed Bazoum, à l’occasion de son discours d’investiture. « J’ai déjà, à deux reprises, loué la sagesse de mon adversaire du second tour, le Président Mahamane Ousmane. Je suis disposé à entretenir avec lui ainsi qu’avec les autres leaders des partis politiques de l’opposition le dialogue constructif qu’il faut pour favoriser un climat politique apaisé, propice aux intérêts de notre pays », a martelé de façon solennelle le président élu.
Le mérite de Mahamane Ousmane
Jusqu’à l’investiture du Président Bazoum, le 2 avril 2021, l’opposition explorait, à travers divers subterfuges, les voies et moyens devant conduire à la remise en cause du processus ayant permis au Niger de réussir sa première alternance démocratique.
De nombreux recours auprès de la Cour constitutionnelle ont également été formulés par l’avocat du candidat malheureux à la présidentielle du 21 février 2021, le président du RDR Tchanji, Mahamane Ousmane. Mais aucun des recours ainsi exercés n’a pu prospérer devant le juge constitutionnel. Ce n’est qu’après tous ces épisodes internes que l’opposition avait annoncé qu’elle portera son contentieux devant la Cour de justice de la CEDEAO. Le 31 Mai dernier, la Cour de justice de la CEDEAO débouta Mahamane Ousmane sur toute la ligne.
A l’épreuve des faits, et devant les multiples échecs de ses plans machiavéliques visant, au fond, à semer la chienlit dans le pays et le rendre ingouvernable, l’opposition a intérêt, finalement, à saisir la main tendue du président Bazoum.
Au bilan, il faut reconnaitre à Mahamane Ousmane le mérite d’avoir entendu préserver le climat de paix en optant pour la voie juridictionnelle c’est-à-dire le recours à la justice comme mode de règlement des conflits. Les Nigériens sont témoins que le recours à la justice n’était pas l’option de certains alliés de Mahamane Ousmane qui auraient préféré la rue, l’épreuve de force ou la chienlit comme mode d’expression politique. Imperturbable et constant, face à l’appel à la violence de son camp, Mahamane Ousmane a toujours privilégié la légalité, le respect de l’Etat de droit.
Après avoir épuisé ses recours, Mahamane Ousmane doit logiquement tirer les conséquences en saisissant la main tendue du président Bazoum. Il doit même le féliciter à l’image d’un autre opposant, Hamma Hammadou pour ne pas le citer qui vient de le faire à travers une publication. « Maintenant, en républicain, j’en profite également pour féliciter le président Mohamed Bazoum », a écrit le Secrétaire général du parti Doubara.
Qui plus est, l’approche dialogique du président Bazoum est loin d’être une vue de l’esprit. On l’a vu, tour à tour, recevoir tous les acteurs et forces vives de la nation sans exclusive. Si l’opposition fait exception, cela s’expliquerait certainement par le fait que le contentieux électoral n’était pas épuisé. Mais aujourd’hui que la messe est dite, rien ne justifie le refus du dialogue par les leaders de l’opposition. Mahamane Ousmane pourrait reprendre sa place de député à l’Assemblée nationale, reconnaitre les institutions au nom du même principe républicain qu’il a invoqué pour faire tous ses recours possibles en revendiquant ses droits.
Il faudrait reconnaitre à Mahamane Ousmane sa posture constante de républicain hors pair et celle de démocrate convaincu. C’est cette double posture qui a permis de préserver la paix et la quiétude sociales, en dépit des chants de sirène contraires dans son propre camp. Cela conforte le dynamisme de notre processus démocratique et c’est, comme qui dirait, le Niger qui gagne. Il est permis d’espérer qu’un dialogue politique ait lieu entre le pouvoir et l’opposition. On peut dire, il y a plus que jamais des conditions favorables : l’épilogue du contentieux électoral, la bonne conduite de l’opposition dans toute sa diversité depuis l’investiture du président élu et la main toujours tendue du président Bazoum.
A notre humble avis, une bonne volonté des acteurs politiques suffirait pour réactiver le Conseil national du dialogue politique (CNDP). Il y a vraiment péril en la demeure. Lorsque la sécurité nationale est menacée, certaines postures politiciennes n’ont pas lieu d’être. Un vrai challenge pour la classe politique nigérienne.
La main tendue du président Bazoum…
Pour d’aucuns, c’était assez proactive comme posture de la part du président Bazoum qui, en dépit des joutes rétrogrades qui ont caractérisé la campagne électorale a préféré mettre en avant l’intérêt général. « Si nos élections ont été bien organisées, la campagne électorale en revanche a été quant à elle entachée par l’usage d’arguments inédits dans notre pays, consistant pour certains à stigmatiser l’origine et le teint de la peau de certains de leurs adversaires. De tels arguments sont fort regrettables, car personne n’est responsable de son origine. Les hommes sont responsables seulement de ce qu’ils font. En attaquant un adversaire sur son appartenance ethnique on forge des essences fictives et on érige des barrières entre elles. On crée des divisions disruptives alors que le projet républicain est de faire émerger des citoyens égaux en droit et en devoir », a déclaré le chef de l’Etat dans son discours d’investiture. C’est un mérite également pour le président Bazoum. Sa posture en dit long sur sa prise de conscience de son rôle de Président de la République. Cette fonction ne rime certainement pas avec l’esprit de revanche, de règlement de comptes et autres ressentiments inhérents à l’égo. C’est conscient de sa lourde responsabilité qu’il a martelé : « En ce qui me concerne, jouissant du privilège de représenter tous les Nigériens par l’unique volonté souveraine de notre peuple, mon devoir est de traiter les Nigériens en toute égalité. Je serai le Président élu pour tous les Nigériens. Je m’engage à agir de façon à les rassurer tous et à conforter l’unité et la fraternité qui doivent présider aux relations entre eux. Notre unité et notre solidarité seront toujours la garantie de notre immunité vis-à-vis de nos deux grands ennemis que sont le terrorisme et la pauvreté. »
Nous l’avons rappelé, c’est une constante, la main du président Bazoum reste toujours tendue. Depuis son investiture, il fait montre d’un style dialogique de gouvernance. On le sait également, le dialogue n’est pas chose aisée en ce sens qu’il suppose une violence sur soi. Une certaine renonciation à quelque chose à laquelle l’on tient tant souvent. Le psychanalyste Jacques Lacan a dit : « Le dialogue parait en lui-même constituer une renonciation à l’agressivité ». En effet, opter pour le dialogue c’est renoncer à la violence ou d’autres voies d’expression non rationnelles.
Invité à Niamey par les chrétiens pour animer une conférence sur le dialogue interreligieux, le sage Amadou Hampathé Bâ a déclaré : « Mon maître Thierno Bokar avait l’habitude de dire : ‘’il y a trois vérités : ma vérité, ta vérité, et la Vérité. Cette dernière se situe à égale distance des deux premières. Pour trouver la vérité dans un échange, il faut donc que chacun des deux partenaires s’avance vers l’autre, ou ‘’s’ouvre’’ à l’autre. Cette démarche exige, au moins momentanément, un oubli de soi et de son propre savoir. Une calebasse pleine ne peut pas recevoir d’eau fraiche… », Amadou Hampathé Bâ, Jésus vu par un musulman.
Pour sauver notre pays en proie à mille et une épreuves dont le terrorisme et corollaires, aucun sacrifice n’est de trop. Pour le Niger, les leaders de l’opposition doivent saisir la main tendue du président Bazoum. Le contexte sécuritaire impose ce dialogue voire cette union sacrée.
Elh. M. Souleymane
Niger Inter Hebdo N°66 du mardi 07 juin 2022