« Tant que vous créez les conditions d’équité, d’égalité entre les citoyens, vous renforcez la cohésion nationale et le bien-être général, vous n’aurez pas de coup d’Etat », déclare Maman Sani Malam Maman
Monsieur Maman Sani Malam Maman fut ancien Directeur de cabinet du président Tandja Mamadou, ancien ministre de la santé, ancien Haut-Commissaire à la modernisation de l’État, ancien Secrétaire général de l’Assemblée nationale. Administrateur chevronné, ce fonctionnaire à la retraite est présentement Secrétaire général du MODEN-FA Lumana AFRICA. Dans l’entretien qui suit, l’éminence grise de Lumana se prononce sur le dialogue politique au Niger, l’évacuation sanitaire de Hama Amadou et les coups d’Etat dans l’espace CEDEAO.
Niger Inter Hebdo : Le Président de la République Mohamed Bazoum en rencontrant récemment certains leaders de la société civile avait réaffirmé sa volonté de réactiver le dialogue politique au Niger à travers le Conseil national de dialogue politique (CNDP). En tant que leader politique quelle réaction a suscité en vous cette annonce du Chef de l’Etat.
Monsieur Maman Sani Malam Maman : En agissant ainsi le président de la République, chef de l’Etat est véritablement dans son rôle. C’est à lui qu’échoit de droit et de fait, l’obligation de faire en sorte que les Nigériens puissent vivre en harmonie, dans la paix et en toute liberté. C’est lui le premier responsable et le garant de notre vivre ensemble. Il ne faut donc pas se méprendre par rapport à l’initiative du Chef de l’Etat.
La question de dialogue est une question de fond. Il y a le dialogue qui est un principe cardinal de toute vie en démocratie et il y a le dialogue politique tel que nous l’entendons et nous avons essayé de le formaliser en République du Niger et qui se passait jusqu’à une date récente à travers le Conseil national de dialogue politique (CNDP). C’est une question de fond, c’est-à-dire que du point de vue des principes, la démocratie ne peut pas fonctionner correctement et efficacement s’il n’y a pas un certain nombre de mécanismes de régulation pour qu’à travers des espaces, bien codifiés , les citoyens puissent débattre des affaires publiques. En ce qui concerne le cas particulier du Niger, cet espace a été créé, formalisé à travers un décret. On a appelé ça : Conseil national du dialogue politique avec des missions et des acteurs précis. D’abord c’étaient les acteurs politiques de la majorité et de l’opposition puis dans la recherche de certaines facilités-commodités, on y a ajouté les partis non affiliés, qui n’existent nulle part dans notre Constitution en tant que catégorie politique distincte. C’est un arrangement politique nigérien. Voilà comment la question du dialogue politique se pose et c’est tout à fait normal que le Chef de l’État pose ce principe et qu’il puisse le rappeler. Mais je constate que ce n’est pas aux acteurs politiques qu’il l’a dit mais aux acteurs de la société civile. Au départ, lorsque le CNDP avait été créé, parallèlement, a été créé le Conseil national du dialogue social parce que des grands espaces doivent être créés de manière à ce que qu’il s’agisse des questions politiques ou sociales, l’on trouve un dispositif qui permet ce dialogue. Ces organes ont été « tués ». Le dialogue politique lui, a disparu depuis 2014, pour ainsi dire . Depuis que la question de la biométrie en matière électorale a été posée, le dialogue a d’abord continué cahin-caha mais a fini par s’arrêter dans l’impossibilité de traiter la question électorale de façon consensuelle et complète, du respect d’un certain nombre de principes et valeurs que sont les questions de liberté, du délit d’opinion, de l’égalité des citoyens , d’une justice égale pour tous , de manifestations… Toutes ces questions devraient être discutées au niveau du CNDP. face à la profondeur des divergences qui opposent majorité et opposition sur ces points un blocage a fini par s’installer.
Niger Inter Hebdo : Oui mais en l’état le président Bazoum pourrait vous reprocher de ne l’avoir pas reconnu comme président de la République et par conséquent considérer que vous n’êtes pas dans une posture dialogique. Il a d’ailleurs dit à l’occasion d’une interview à Jeune Afrique que l’opposition lui a facilité la tâche en ne le reconnaissant pas…
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Dans ce cas, je réponds en disant qu’il a oublié 1998. Lorsqu’en 1998, en face d’une situation de quasi impasse, il y a eu un dialogue politique au Niger par l’entremise de la fondation Jean Jaurès à travers Guy Labertit, le PNDS Tarayya ne reconnaissait pas le président Baré (paix à son âme) et pourtant le dialogue a eu lieu. La délégation de l’opposition était conduite, pour la circonstance, par Monsieur Issoufou Mahamadou. C’est juste un rappel.
Niger Inter Hebdo : Dans ces conditions, supposons que le président de la République puisse convaincre toutes les parties prenantes pour le dialogue. Selon vous quelles sont les conditions du dialogue politique au Niger aujourd’hui ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Vous avez vécu avec nous , l’évolution de l’idée de dialogue, les tentatives internes et externes, quelquefois encouragées par un certain nombre de partenaires, qui ont échouées. La dernière date de 2019-2020. Nous, nous avons depuis 2017 demandé un dialogue, mais un dialogue de fond parce qu’on voyait le pays s’acheminer vers un certain nombre de difficultés et nous avons, à travers le chef de file de l’opposition demandé un dialogue politique. Mais nous avons dit que cette fois-ci ça doit déborder le simple cadre du CNDP, pas uniquement avec les acteurs politiques, pour que le dialogue soit un dialogue national inclusif qui concernerait également les acteurs sociaux. Et nous en avons défini les contours. Difficilement, quasiment deux ans après les démarches de l’opposition, pour faire plaisir à l’international, le Premier ministre, Président du CNDP de l’époque, avait donné l’impression qu’enfin le pouvoir était partant. C’était à l’approche des élections. Dès la phase préparatoire, le dialogue fut saboté par le pouvoir lui-même. La suite on l’a connaît…
Niger Inter Hebdo : Justement l’on se souvient tout de même des initiatives de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) à travers Me Robert Dossou, du NDI pour ne citer que ceux-là. L’espoir a pu renaitre avec la mise en place du Comité ad hoc pour la révision du code électoral mais contre toute attente l’opposition s’était retirée au moment où il restait à adopter que 3 à 4 articles. N’est-ce pas l’opposition qui aurait sabordé le dialogue comme l’a soutenu la majorité en son temps ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Je voudrais repréciser deux choses. L’idée de dialogue national inclusif vient de l’Opposition et non de la majorité encore moins du pouvoir. Les preuves existent et personne ne peut le nier ou contester. L’on ne pourrait donc accuser l’Opposition de saborder une initiative venant d’elle. Deuxièmement, la question du code électoral et différente de la question du dialogue national inclusif, qui lui, est plus ouvert en ce qu’il s’étend à d’autres catégories d’acteurs. En réalité, Il y a eu trois tentatives à travers des Comités qui ont eu à réfléchir sur la question de dialogue à travers la redynamisation du CNDP. On a achoppé sur un certain nombre de questions parmi lesquelles la question du code électoral. Ce n’est pas 3 ou 4 articles qui posent problème. Nous ne nous sommes pas accordés également sur le sens qu’il convient de donner à ce dialogue ainsi que sur la portée des conclusions des travaux desdits Comités. Si c’est simplement pour gagner du temps ou une sorte de ruse, l’opposition n’est pas disposée à se prêter à ce jeu.
Nous disons qu’il n’y a pas eu démarrage du dialogue national inclusif. Certes la préparation de celui-ci avait démarré et les choses se sont arrêtées là parce que le Pouvoir n’en voulait pas. Le dialogue est une nécessité est un impératif démocratique et simplement un principe de vie dans une nation. Il est un instrument de paix, de cohésion et donc facteur d’unité nationale. En cela pour nous le dialogue est une question fondamentalement politique.
Niger Inter Hebdo : Finalement si l’opposition a des conditions pour le dialogue politique au Niger se seraient lesquelles ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Nous avons décliné cela par écrit et nous l’avons suffisamment dit de manière à ce que les gens ne se trompent pas là-dessus. On a parlé du dialogue national inclusif où participeraient des acteurs sociaux et des acteurs politiques. Il y a aujourd’hui des questions qui divisent la classe politique nigérienne mais aussi qui divisent l’opinion publique par rapport auxquelles les citoyens sont mal à l’aise. On les a résumé en quatre. Le premier domaine c’est la question électorale, la deuxième c’est le respect des droits et des libertés, la troisième c’est la question de la du développement national et de la sécurité. Il faut qu’un certain de questions nationales fasse l’objet d’un consensus national fort. C’est l’éducation, la santé, l’hydraulique, la sécurité. Autour de ces questions nous devons pouvoir nous entendre. Et enfin nous avons dit qu’il faut créer un environnement politique et social » décrispé » de sorte qu’on rende notre vie ensemble paisible et intéressante moins conflictuelle…. On ne peut aller au dialogue pendant que certains de nos camarades sont embastillés ou chassés du pays ; alors que nombreux nigériens ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière. J’évoque ici toutes les questions de discrimination au sein de l’administration publique, d’exclusion, les questions de citoyenneté…. Aujourd’hui on n’est pas considéré comme des citoyens, la preuve, le chef de l’Etat a reçu tous les groupes socio-culturels et autres sauf la classe politique. Et j’ai rappelé que si l’argument est de dire qu’on ne l’a pas reconnu, en 1998 ils n’ont pas également reconnu le Général Baré.
Niger Inter Hebdo : le contentieux électoral n’est pas encore vidé puisque l’opposition attend le délibéré du 31 mai prochain pour se fixer. N’est-ce pas un argument pour le président Bazoum d’attendre encore voir l’issue de ce recours de son challenger à la Cour de justice de la CEDEAO ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Pourquoi alors n’a-t-il pas attendu de monter sur le fauteuil ?
Il y a un contentieux qui est devant les juridictions, on attend qu’il soit vidé. Mais pendant ce temps, le Niger vit, les nigériens vivent et c’est avec tous qu’il faut travailler.
Niger Inter Hebdo : Récemment nous nous demandions à la manchette de Niger Inter Hebdo à propos de Hama Amadou : « Evacuation sanitaire ou exil volontaire ». Avez-vous à une réponse à cette interrogation en tant que SG de Lumana FA ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Les journalistes sont autorisés à poser toute sorte de question mais quelqu’un d’autre m’aurait posé la question, j’allais répondre brutalement parce que c’est comme si vous doutez de la base sur laquelle Hama Amadou a été évacué. C’est-à-dire que l’expertise médicale qui a conduit à son évacuation, vous la trouvez contestable. Douteuse. Non. Nous avons en 2014 décidé souverainement de mettre Hama Amadou à l’abri. C’est nous qui lui avions dit de partir, la réunion a eu lieu ici et ailleurs. C’est nous qui l’avions envoyé en exil. Les élections s’approchant, c’est nous qui lui avions dit également de revenir et il a été jeté en prison. Il n’était pas en vacances à Filingué tout de même !!! Et ceux qui sont au pouvoir savent mieux que nous le fond de ce dossier, qui du reste, est géré par la justice. Hama est en train de suivre normalement son traitement et le moment venu il reviendra.
Niger Inter Hebdo : D’aucuns ont l’impression que Hama Amadou est en porte à faux avec l’attitude des grands leaders comme Nelson Mandela, Laurent Gbagbo qui ont assumé stoïquement la prison pour leurs convictions. Que répondez-vous ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Mais il l’a faite la prison. Sauf à vouloir qu’il y reste pour le restant de sa vie. Mandela était sous l’apartheid, emprisonné pour la couleur de sa peau. Laurent Gbagbo a fait la prison sous Houphouët Boigny et il est sorti.
Niger Inter Hebdo : Mais votre slogan c’est de la prison au palais…
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Ce n’est pas notre slogan. Il y a quelques animateurs du parti qui l’ont balancé sur les réseaux sociaux. Notre slogan c’est de la Liberté à la super liberté. c’est-à-dire la liberté pour tous et toujours. J’ai dit que Hama est malade et il est sous le sceau d’une évacuation sanitaire. C’est officiel.
Niger Inter Hebdo : Beaucoup d’analystes pensent que le défi sécuritaire suppose une union sacrée dans notre pays. En tant que Secrétaire général du parti Lumana, chef de file de l’opposition politique êtes-vous favorable à une union sacrée pour faire face à la situation sécuritaire qui assaille notre pays ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : A un certain moment donné, personnellement, j’avais eu à avancer cette idée. Mais plus cette idée avance, plus j’en ai peur parce que j’ai le sentiment que les gens veulent s’en servir comme étant une sorte de slogan. Or, moi, je vois ça dans l’obligation que nous avons, citoyennes, citoyens d’admettre que nous avons des responsabilités auxquelles nous ne pouvons échapper. Trois choses ne peuvent être obtenues que par l’union de tous les nigériens. Vous ne pouvez avoir à construire un pays, en faire une Nation, une, indivisible, forte et prospère si vous ne créez pas les conditions d’une union nationale, sans exclusive. Deuxièmement, vous ne pouvez pas contribuer au développement de votre propre pays, du Continent qui lui-même appartient au reste du monde, si en terme identitaire, vous ne créez pas les conditions d’une unité et d’une union vraie ou vous disparaissez. Troisièmement, vous ne pouvez pas aborder la question de la sécurité dans son acception noble, de la défense nationale, c’est à dire de la patrie, sans une union patriotique où l’ensemble des nigériens comprendront et accepteront qu’ils doivent être
prêts à assumer la même responsabilité. Qui pourrait aller jusqu’au sacrifice ultime.
L’union sacrée ce n’est pas pour uniquement discuter des questions politiques. Ce n’est pas uniquement pour discuter des questions de la sécurité. Y-a-t-il plus grande insécurité que la pauvreté, la maladie, l’ignorance, la guerre civile qui résulteraient d’une désunion ? Tant que vous ne serez pas prêts à prendre vous-même en charge la résolution des questions de fond qui conditionnent votre existence, ne cherchez pas de cosmétiques, de slogans pour croire qu’on peut faire l’union pour vaincre l’insécurité. Mais comment on peut faire la sécurité lorsque d’autres considèrent l’insécurité comme un moyen d’enrichissement ? Il n’y a pas qu’autour de la sécurité où on doit faire l’union ? tous les nigériens sont investis des mêmes droits et devoirs, mais lorsqu’ on fait une discrimination sur des bases erronées pour exclure certains vous pensez qu’on pourrait faire une union sacrée ?
Niger Inter Hebdo : Ce discours sur la dépolitisation de l’administration a traversé tous les régimes de sorte qu’il résonne comme un vœu pieu que l’opposition du moment utilise comme arme de combat de politique…
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Non. Ce n’est pas un vœu pieu. La première manifestation de protestation politique post conférence nationale a eu lieu autour de la discrimination au sein de l’administration et de l’exclusion. C’est ça qui a amené à la désobéissance civile, la première et jusqu’ici la seule. Mais mieux, ce n’est pas un vœu pieu, quoi qu’on dise, le régime du MNSD Nassara a fait beaucoup d’effort pour ne pas faire de la discrimination. Moi je ne voudrais pas rappeler certaines choses, j’ai été responsable dans ce pays. Il y a des gens qui ont animé des institutions de ce pays (ces personnes se reconnaissent) que j’ai nommés à mon cabinet avec leur coloration de la tête au pied. Mais aujourd’hui ce qui se passe au Niger n’est pas de nature à créer les conditions de la cohésion et de l’unité nationale. Ces pratiques sont aux antipodes de l’idée d’une union sacrée. Le 27 novembre 2014, j’ai eu a accordé une interview ici même (NDLR : dans la salle de réunion de Lumana) et j’ai eu à attirer l’attention des nigériens sur les pratiques du PNDS Tarayya pour dire que ça risque de nous amener à la désunion.
Niger Inter Hebdo : On assiste à un nouveau cycle de coups d’Etat en Afrique de l’Ouest où le Mali, la Guinée et le Burkina Faso sont aux commandes des juntes militaires. Le président de la Guinée Bissau l’a échappé belle. Comment expliquez-vous cette situation ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Mais vous parlez de coup d’Etat militaire ? ce n’est pas le seul type de coup d’Etat. En gros les observateurs catégorisent les coups d’Etat en trois : il y a le coup d’Etat militaire où les hommes armés évoluant aux sein des institutions étatiques prennent le pouvoir, il y a le coup d’Etat constitutionnel et les coups d’Etat électoraux. Nous, en 2016, on a été victimes à la fois d’un coup d’Etat électoral sur fond d’un coup d’Etat constitutionnel ; on a pris notre candidat et on l’a jeté en prison.
Niger Inter Hebdo : En 2016, Hama Amadou était en prison pour une affaire de droit commun….
Monsieur Maman Sani Malam : Non. Cette situation a été créée par un tour de passe-passe juridico politique , avec un habillage de certaines institutions pour qu’il soit en prison. Ça été fait sciemment pour le débarquer du perchoir, pour le pourchasser, pour qu’il ne soit même pas au pays et revenu on l’a mis en prison pour qu’il ne puisse pas se présenter en 2016. C’est quelque chose de préparer, par l’instrumentation de certaines institutions de la République.
Niger Inter Hebdo : Pour revenir aux coups d’Etat, selon vous quelles sont les causes de ces putschs dans l’espace CEDEAO ?
Monsieur Maman Sani Malam : Lorsque vous créez les conditions de l’épanouissement de certains et de l’appauvrissement des autres. Le pouvoir est comme une montagne, quand vous êtes au-dessus de la montagne vous apercevez clairement tous ceux qui empruntent le chemin pour monter. Les coups d’Etat ne viennent pas comme ça en un seul jour. Les coups d’Etat on les voit venir, il s’agit de créer les conditions telles que nous l’avons dit tout à l’heure; à savoir tant que vous créez les conditions d’équité, d’égalité entre les citoyens, de plein épanouissement de chacun, vous renforcez la cohésion nationale , vous n’aurez pas de coup d’Etat. Mais tant que ces conditions ne sont pas réunies, quelqu’un va être tenté, même de façon isolé, comme cela est arrivé récemment dans un pays pas très loin de nous, où, il parait que c’est un groupuscule de narcotrafiquants qui ne seraient pas contents qui a cherché à déstabiliser les institutions établies. Mais ça peut être des éleveurs, des cultivateurs, les travailleurs parce qu’ils ne sont pas contents, victimes d’injustice ou de marginalisation ; un groupe culturel ou autre… Alors créons les conditions d’une démocratie vraie où les principes et les règles de bonne gouvernance et de l’État de droit ainsi que les valeurs de la République seront respectées.
Niger Inter Hebdo : Les élections constituent la voie souveraine de dévolution de pouvoir. Ces putschs ne constituent-ils pas un discrédit pour les démocraties en Afrique de l’Ouest ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Le principe général c’est ce que vous venez d’évoquer. Mais dans les faits, nous avons assisté à des détournements et des triturations des textes. Nous avons assisté à des gouvernances révoltantes à travers des vols, pillages des ressources nationales, le népotisme, le pouvoir personnel y compris à l’aliénation de la souveraineté de certains pays. Mais comment voulez-vous que le peuple ne se soulève pas que ce soient des civils ou des militaires ? Vous n’aurez pas la paix tant que vous n’aurez pas créer les conditions de la paix. C’est un principe simple.
Niger Inter Hebdo : En tant que démocrate pensez-vous que les coups d’Etat constituent des alternatives crédibles face au défi sécuritaire au Sahel ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Mais ce n’est pas le choix que nous avons fait. Nous, on était sous le régime militaire sous Ali Chaibou ( que son âme repose en Paix). Nous étions parmi les gens qui ont dit oui, il faut aller à la démocratie et nous avons créé le MNSD Nassara. Mais nous avons cru et nous avons accédé au pouvoir en 1999. Mais aujourd’hui ce qu’on voit, tout celui qui monte, de plus en plus à travers des élections tropicalisées, vide la démocratie de sa substance et il bloque le fonctionnement démocratique ; il Viole allègrement la Constitution et les lois de la République sans se préoccuper des vraies aspirations des populations. Tant que le soubassement économique ne tient pas, vous aurez du mal à asseoir la démocratie. La démocratie ce n’est pas fait pour que puissions-nous nous détester, nous discriminer ou nous exclure, nous diviser. Bien au contraire. La démocratie ce n’est pas pour affaiblir l’Etat. La démocratie ce n’est pas non plus pour que l’Etat soit au service de quelques-uns. Ce n’est pas un ascenseur automatique réservés à quelques-uns, où, des gens venus de nulle part, en un seul jour, ils sont ministres…
Niger Inter Hebdo : Dans les différentes déclarations de l’opposition, on attribue systémiquement la responsabilité de l’insécurité au régime en place alors que le terrorisme ne fait pas de quartier dans la sous-région y compris au Nigeria qui constitue une puissance économique et militaire. N’est-ce pas une posture de l’opposition tendant à occulter la réalité ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : Ce que vous avez dit est vrai mais lorsque vous isolez le cas du terrorisme et même là il faut nuancer. Il y a le terrorisme dû à des facteurs exogènes du point de vue de son origine depuis l’effondrement de la Libye. Mais il y a aussi le fait que des actes de gestion irréfléchis ont été posés qui ont aggravé la situation ou qui ont favorisé l’insécurité. Moi je suis de Bosso (Diffa), c’est vous dire que j’ai vu l’insécurité arriver, grandir et même déborder à travers boko haram sur invitation du président d’alors qui a provoqué des gens armées. Et la gestion de la question sécuritaire pour nous est mal faite. Ce n’est pas la première fois qu’on connait l’insécurité dans ce pays. Il faut faire très attention. La question sécuritaire ne peut être gérée en disant qu’elle est partie d’ailleurs. C’est une question extrêmement délicate dont la résolution a besoin de la cohésion nationale mais aussi d’une bonne entente et d’une bonne coopération avec les pays voisins et avec la communauté internationale. Nous appartenons à un ensemble sous régional en pleine mutation. Ça veut tout dire …
Niger Inter Hebdo : Quel est votre dernier mot ?
Monsieur Maman Sani Malam Maman : mon dernier message c’est celui de dire que nous nous sommes trompés sur la compréhension que nous avons de la démocratie. La démocratie sans développement est vouée à l’échec. C’est un processus cumulatif. Aujourd’hui l’on ne peut imputer l’entière responsabilité de la situation de notre pays au seul régime du PNDS Tarayya. Mais le régime du PNDS a fini par liquider tout et de mettre tout sens dessus-dessous. C’est incontestable et l’histoire nous jugera. Si aujourd’hui on a des hauts parleurs pour nier, l’histoire va juger et elle va juger tout le monde. A mon avis, il est grand temps que les Nigériens se regardent et qu’ils se disent : c’est assez, c’est honteux. Ça fait de la peine qu’on se dise dernier et qu’on se mette à caqueter sur les tribunes internationales. Lorsque votre peuple ne se nourrit pas à sa faim, ne peut accéder à une bonne éducation, ne pas se soigner correctement (la première cause de mortalité au Niger c’est le paludisme) alors la raison voudra que vous puissiez vous asseoir et vous regardez et que vous puissiez dans la fraternité et la solidarité comme le suggère notre devise vous dire : fraternisons et travaillons pour le progrès de tous et de chacun.
Interview réalisée par Elh. M. Souleymane et Abdoul Aziz Moussa
Niger Inter Hebdo N° 54 du mardi 08 février 2022