Le vendredi 8 janvier 2022, l’Association Alternative Espaces Citoyens (AEC) a organisé en collaboration avec l’Institut néerlandais pour la Démocratie Multipartite (NIMD) une table ronde sur le Thème : « Violence et politique : les transformations politiques et sociales empruntent-elles nécessairement le chemin de la violence ? » Un débat fructueux de très haut niveau.
Cette conférence a été animée par trois panélistes notamment Pr Mahamane Tidjani Alou, politologue, enseignant-chercheur à l’Université Abdou Moumouni de Niamey, Pr Salim Mokaddem, philosophe, Conseiller en éducation du Président de la République et Dr Souley Adji, sociologue, enseignant-chercheur à l’Université Abdou Moumouni de Niamey à l’Espace Frantz Fanon d’AEC.
Pour les organisateurs de cette rencontre, la violence caractérise le processus démocratique en Afrique en général et en Afrique de l’ouest en particulier. Cette violence se manifeste sous forme de conflits de toutes sortes. On observe des interruptions du processus démocratique par des coups d’Etat. Le Sahel est marqué par l’insécurité, une autre forme de violence qui s’impose aux Etats.
A travers des questions réponses, les panélistes ont mis en évidence le caractère omniprésent, immanent de la violence à la vie sociale et politique. Ils renseignent également sur la nature conflictuelle du système démocratique.
« La société civile n’est pas une société de concorde par nature », dira Pr Salim Mokaddem en ce sens qu’il y a forcément des conflits d’intérêts divergents. Mais pour Salim Mokaddem tout en admettant que ‘’Nous sommes dans un monde conflictuel et que la violence fait partie de l’histoire’’, il préconise de distinguer la violence positive et la violence négative. « Il y a des violences nécessaires et des violences destructrices, inutiles, tyranniques et apolitiques », a-t-il déclaré.
Pour Pr Tidjani Alou : « L’ordre social comme l’ordre politique repose sur la violence ». Et selon lui, parlant de coups d’Etat : « Les compromis obtenus par la force ne résolvent pas forcément la violence ». Tout en dénonçant les coups d’Etat comme voie de règlement des désaccords politiques par la force, Pr Tidjani Alou a aussi mis en évidence le risque de voir le système démocratique détourné par des hommes providentiels’’.
Evoquant le processus démocratique en Afrique, Dr Souley Adji a mis en exergue son caractère embryonnaire qu’il faudrait ‘’améliorer et bonifier par la qualité des acteurs pour asseoir une culture démocratique très forte’’. Dr Souley Adji a également rappelé la non-violence de Gandhi face à la colonisation anglaise Inde comme une autre voie d’expression.
En parlant de perspectives, Pr Salim Mokaddem a dit que ‘’tout grand homme politique se pose la question de la violence et de la fin de la violence’’. Et pour lui : « La seule chose qui tienne c’est l’éducation ». En d’autres termes, il faut se démarquer de l’inculture comme source de la violence. Il faudrait éduquer la société civile, la former, il faudrait éduquer les citoyens, a soutenu en substance Pr Mokaddem.
S’agissant du contexte nigérien, Pr Tidjani Alou a touché du doigt un problème réel sur la façon de faire la politique au Niger à savoir le déficit de la médiation. En effet, selon lui, la lutte politique se fait sans merci alors que le règlement de conflits politiques se fait par des compromis, renseigne Pr Tidjani Alou. Toutefois, « Pour bâtir une démocratie, les coups d’Etat ne sont pas les bienvenus », a déclaré Pr Tidjani Alou. C’est pourquoi la culture du compromis est nécessaire, recommande-t-il.
Les panélistes ont également abordé la question des intellectuels et la politique. Pr Tidjani a même donné à l’assistance en référence le livre ‘’Le Niger, les intellectuels et la société’’. Dr Souley Adji, pour sa part, a dénoncé le fait que beaucoup d’intellectuels sont venus en politique pour vivre des ‘’prébendes’’ au détriment de l’intérêt général, ‘’la plupart fait la politique pour s’enrichir, très peu sont portés sur les valeurs’’, a martelé le socio politologue.
A ce sujet, Pr Salim Mokaddem après avoir fait observer qu’il y a un rapport dialectique entre pouvoir et savoir, a rétorqué : « c’est parce qu’on manque d’ intellectuels que nous avons des populistes ».
En plus des interventions de très haute facture des panélistes, il y a eu des contributions et questions intéressantes du Pr Albert Wright, Pr Mamadou Dagra et bien d’autres participants.
Prenant la parole à la fin de cette rencontre, le Secrétaire général d’Alternative espaces citoyens, Moussa Tchangari a félicité les panélistes pour la qualité de leurs prestations. Il a fini en informant l’assistance que très bientôt Frantz Fanon sera célébré à l’espace dédié à son nom à AEC.
Elh. M. Souleymane