La suspension pour escroquerie d’une aide-soignante à l’hôpital de district de Gaweye, décision prise par le ministre de la santé, et qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux durant le mois de juillet dernier, occulte une réalité autre que celle qui fait verser plus d’encre et de salive à propos de cet hôpital. Après notre visite au sein de cet établissement, nous disons simplement qu’il faudrait sauver cet hôpital.
Tel un petit arbre qui cache la grande forêt, l’insuffisance réelle du personnel soignant ajoutée au manque criard d’intrants médicaux et des prestations au rabais sont souvent mis sous éteignoir et nul n’ose lever le rideau là-dessus pour en parler et y remédier. Pourtant, d’après les informations recueillies, ces manquements pèsent lourdement sur les prestations des soins dans ce centre hospitalier de la commune 5 de Niamey au gand dam de la population.
Après vérification des faits et suite aux sanctions prises par le Ministre de la santé, presque tous ont unanimement apprécié la décision de suspension de l’agent incriminé, pour escroquerie et entorse à la déontologie médicale. Décision la renvoyant ipso facto des murs de l’hôpital de district Gaweye.
Toutefois, il importe de préciser que l’infirmière en question fait partie d’un groupe d’aides-soignantes dénommées ‘’bénévoles’’, à ne pas confondre avec un autre groupe communément appelé ‹‹ les suivica ›› qui n’ont qu’un contrat de deux ans avec l’hôpital, mais en appoint aux agents de santé titulaires qui eux relèvent du budget de l’État, donc permanents.
À l’épreuve des faits, il s’est avéré qu’en suspendant l’infirmière, le ministre de la santé Dr Idi Illiassou Mainassara a en même temps renvoyé tous les autres agents qui ont été recrutés sous le couvert du bénévolat. Ce qui est disproportionné et de nature à perturber les prestations de cet hôpital. Du coup, cela n’a fait qu’accentuer davantage le manque de personnel soignant, déjà criard au sein de l’hôpital de district Gaweye. De façon explicite, les bénévoles qui sont aussi des femmes, n’ont droit à aucun traitement salarial. Cependant, elles exercent plusieurs tâches au sein de l’hôpital. Elles sont donc en appoint aux agents titulaires au niveau des quatre services que compte l’hôpital de district Gaweye, à savoir la médecine générale, la maternité, la chirurgie et le laboratoire, en plus de la perception et bien sûr l’administration.
Il faut déplorer que même avec l’apport des bénévoles, l’hôpital de Gaweye souffrait déjà du manque en personnel. Après la mesure du ministre, aujourd’hui la situation va de mal en pis.
Un personnel soignant insuffisant
Tout porte à croire qu’en voulant remédier à un manquement, le ministre en a rajouté, en renvoyant purement et simplement tous les autres bénévoles.
À titre d’illustration, au service de la médecine générale, l’on dispose seulement de 4 sages-femmes y compris les ‘’suivicas’’ et titulaires. Idem au service de la maternité, et en chirurgie où l’on a seulement 2 titulaires secondés d’un ‘’suivica’’. Bref, l’insuffisance de personnel soignant se fait ressentir sur les prestations des soins. Avec l’arrivée des saisons pluvieuses qui riment avec des crises de paludisme, on imagine comment l’administration de l’hôpital de district Gaweye va s’y prendre pour répondre efficacement aux besoins des patients. Ces bénévoles qui ont été renvoyées ne désirent que servir leur pays. D’ailleurs elles exercent le bénévolat sous forme de service civique et être utiles à la population.
Pour avoir été sur les lieux, nous témoignons qu’il n’existe plus de filles de salles, filles de ménage et d’entretien au sein de l’hôpital de district Gaweye. Celles dont la présence est non moins importante, pour exécuter des tâches de soins, d’hygiène et bien d’autres.
En général, l’apport de ces bénévoles rend la tâche beaucoup plus facile aux agents titulaires, en termes d’efficacité et de diligence.
C’est ainsi que le rythme du tour de garde pendant les nuits a subi de modification, au détriment des agents de santé titulaires, qui sont aussi en majorité des femmes, à l’hôpital de district de Gaweye.
Désormais, celles-ci font 24 heures de garde avec 48 heures de repos, soit deux jours de pause pour trois équipes, alors qu’auparavant c’était plutôt quatre équipes qui se relayaient pour les 24 heures de garde avec 72 heures de repos.
Un rythme de travail qui crée du coup, pour ces agents, de la fatigue tout en impactant sérieusement sur l’efficacité et la qualité des services à l’endroit des malades. Et c’est sans compter les nombreux cas d’insécurité et de vols souvent signalés dans l’enceinte de l’hôpital, faute de la présence d’éléments des forces de sécurité ou d’agents de sécurité pouvant assurer la sécurité tous les jours et 24h sur 24h.
Cet hôpital qui existe depuis 1998 dans la commune 5 de Niamey, représente une référence en matière de santé pour les riverains en particulier, et les habitants de Niamey en général. Aujourd’hui, ce centre hospitalier dont les derniers travaux de réhabilitation et d’extension se sont effectués en 2015 grâce à la coopération belge, semble tomber dans une négligence qui ne dit pas son nom. Si ce n’est pas les agents de santé qui crient au manque de stagiaires, donc d’aides-soignantes, c’est les patients qui se plaignent du fait qu’on ne s’occupe pas d’eux du fait du personnel insuffisant. De toute façon, la réalité crève l’œil. Il est urgent de parer au plus pressé en ce moment de paludisme. L ‘on a même ouï dire que l’actuel ministre de la santé, en la personne de Dr Illiassou Idi Mainassara avait exercé au sein de ce centre hospitalier avant d’occuper le poste du ministère de la santé publique. Raison de plus pour que les choses bougent positivement. Mais disons-le tout net, un centre hospitalier à l’instar de l’hôpital de district Gaweye, requiert plus d’attention et de moyens de la part de l’Etat.
Défaut d’intrants médicaux
De la condition difficile de travail des agents de santé, c’est malheureusement les malades qui en font les frais. Pas plus tard que la semaine dernière, c’est un parent qui avait perdu son enfant au sein de l’hôpital, parce qu’il n’y avait pas de ‹‹ Diazepan ›› dans la pharmacie. Or l’enfant souffrait d’épilepsie et en raison de la crise de convulsions qu’il a déclenchée, cela nécessite normalement une intervention d’urgence avec pour prescription l’application du ‹‹ Diazepan ››. En l’espace de deux heures de temps, le temps qu’il a fallu au père d’aller chercher une pharmacie de garde cette nuit-là, à son retour, l’enfant avait déjà rendu l’âme. C’était trop tard. Ce n’est pas le seul cas. D’autres produits pharmaceutiques et de matériels médicaux faisant également défaut, c’est des prestations au rabais avec des conséquences parfois dramatiques.
Au laboratoire, c’est le même constat. La plupart des temps, pour les analyses demandées, par manque de réactifs, les patients sont simplement orientés vers les cliniques privées de Niamey ou au CHU. Là encore, pour le peu d’analyses faisables au laboratoire de l’hôpital de district de Gaweye, comme la Goutte épaisse (GE), le patient doit le faire avant 17h, sinon après cette heure, le laboratoire est fermé. Et si par malheur, en raison d’une urgence sanitaire, l’agent de santé demande une quelconque analyse en pleine nuit, il faut obligatoirement que le patient se tourne vers une clinique privée, mais là à un coup plus onéreux qu’à l’hôpital public.
De tout ce qui précède, à notre humble avis, il urge que l’Etat réponde aux besoins en personnel soignant ainsi qu’en matériels médicaux y compris en produits pharmaceutiques au sein de l’hôpital de district de Gaweye. Les autorités à commencer par le ministre de la santé Dr Illiassou Idi Mainassara ainsi que la directrice de l’hôpital de district de Gaweye Dr Hadiza Ali, sont donc interpellées afin de rehausser le plateau médico-technique de ce centre hospitalier communal, pour en faire un véritable centre de référence pour les riverains de la commune 5 de Niamey… en matière de santé publique.
Koami Agbetiafa
Niger Inter Hebdo N°32