In memoriam : Le Maréchal Itno n’est pas mort

 

Naître et mourir en guerrier tel semble le destin tracé par notre Seigneur au Maréchal Idriss Deby Itno. En cela, il n’a pas dérogé à la règle qu’au Tchad, la tradition est établie dans l’Armée, le Maréchal, les généraux comme tous les chefs militaires sont en premières lignes avec leurs troupes au front sous la rampe du feu ennemi. Les galons s’acquièrent à l’aune du mérite et du simple courage humain. Hier, il était dans le lit du lac Tchad avec ses boys pour infliger une des plus cuisantes défaites à Boko Haram et aujourd’hui, toujours avec eux pour faire face à la colonne des rebelles du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT) venue de Libye…

Amis, adversaires ou ennemis, Deby Itno ne laisse pas indifférent ! Son courage, sa témérité, sa bravoure sont inédits. Ce n’est pas le genre de Président à se calfeutrer ou se bunkériser quand la nation est en danger… Qui aurait parié sur le destin extraordinaire de cet homme d’apparence si fragile s’appuyant ces dernières années sur sa canne.

Il me revient l’avoir aperçu en exil à Gounguin à Ouagadougou dans les années 1990 coiffé d’une sorte de Kippa, un petit bonnet tchadien brodé de fil orange sirotant, sous un arbre, son thé vert. Il venait d’échapper à la mort en fuyant la répression du Régime de Habré. Son compagnon de cabale, le général Jamouss, en l’honneur de qui fut baptisé l’Aéroport de Ndjamena, n’eut pas sa Baraka, il fut froidement abattu au cours de leur cabale vers le Soudan.

Il voulut, avec quelques réfugiés et étudiants tchadiens tels Doual Nanassoum, créer un mouvement de défense de droits de l’homme à Ouagadougou pour dénoncer l’impitoyable et sanguinaire régime de Hissène Habré.

Comme on dit, l’homme propose, Dieu dispose, le destin lui traça une autre voie…

Les contingences de la realpolitik internationale l’amenèrent à Tripoli avec le soutien de Blaise Compaoré et son beau père présumé Houphouët Boigny, Mouammar Kadhafi dont l’armée a été humiliée par Habré dans le Sud libyen et de … la France qui a, encore fraichement en mémoire, la scabreuse Affaire Claustre et l’Assassinat du Commandant Galopin dont Habré est le principal instigateur…

Six mois après la fondation en Libye du Mouvement politico-militaire, le Mouvement Patriotique du Salut (MPS), Deby rentra triomphalement à Ndjamena et Habré, du front où il était, il prit la poudre d’escampette et s’échappa par la frontière camerounaise de Kousseri en oubliant pas, au passage, de vider le Trésor National.

Le Tchad en guerre civile larvée, depuis François Tombalbaye, connaitra une légère accalmie.  Deby, très vite, mis fin aux sempiternelles colonnes militaires en provenance du Soudan, de la Centrafrique et de la Libye. Mieux son régime devient un pivot et une des clefs de voûte de la lutte contre le jihadisme et le terrorisme en Afrique Centrale et de l’Ouest. Les Forces Armées Tchadiennes sont sur tous les théâtres de lutte au Cameroun, au Nigéria, au Niger (FMM), au Burkina, au Mali (FATMA) et récemment 2000 hommes viennent de rejoindre la zone dite des 3 frontières.

Pendant que la Centrafrique et le Cameroun s’enfoncent, Bangui la ‘’Coquête’’ devenant l’ombre d’elle-même, N’Ndjamena voit des immeubles ultra modernes, à l’image du siège de la Radio et Télévision tchadienne, d’autres services socio-publics et des d’infrastructures sortis de Terre… La dynamique est étendue à l’ensemble du pays. L’émergence, nonobstant, l’effort sécuritaire considérable pour un pays en guerre, est réelle. Il est vrai, les besoins sont immenses, l’impatience des populations grande et les espoirs incommensurables avec un pétrole dont les cours sont en constante dégringolade sur les marchés mondiaux… Société civile, syndicats de taxi et autres illusionnistes ça existe partout comme au Niger !  Ranger le Niger parmi les pays producteurs de pétrole avec 20 000 barils/jour et espérérer obtenir un litre d’essence c’est de la surenchère. Le Nigéria avec ses 2 000 000 barils par jour où doit-on le classer ?

Le Maréchal Deby n’échappera pas à la critique facile de ces ‘’influenceurs ‘’ d’opinion en évoquant un déficit de Démocratie au Tchad au mépris de l’histoire de ce pays depuis 61 ans. Le Tchad vient de loin ! Pour que la Démocratie existasse, il faut une communauté organisée et un Etat !

Cette refondation de l’Etat avec tout ce qu’elle comporte de positifs, de charges d’espérances, d’autoritarisme et, peut-être d’excès, a hissé le Tchad avec grand « T » au rang des nations africaines « remparts » du terrorisme, du narcotrafic au plan africain, européen voire mondiale. Deby a éclipsé les plus grandes puissances militaires africaines telles l’Egypte, l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Nigéria pour ne citer que ceux-là, pour faire de la solidarité du peuple Tchadien un des ferments de cette unité, de ce marché commun africain tant attendus.

Deby s’est suicidé en tant que « simple aventurier » de conquête du pouvoir pour le pouvoir tels les Samuel Do, Charles Taylor, Daddys Camara et autres rigolos dirigeants pour s’imposer comme un pion qui compte sur l’échiquier politique international ou plutôt sur l’agenda sécuritaire de ce monde. Le Tchad est devenu grand, non pas pour sa puissance économique mais, pour la grandeur de son âme, de sa solidarité pour venir au secours d’autres.

On peut ne pas être d’accord avec les normes des dernières élections qui le portait à un énième mandat mais, il n’en demeure pas moins que sa disparition subite reste et pose une équation béante du Sénégal et de la Mauritanie au bord de l’Océan Atlantique au Bar el Gazal aux confins Soudanais, de la Méditerranée au Golfe de Guinée en passant par toute l’Europe.

Les logiciels du Président Bazoum, un ami à lui de longue date, de Rock Marc Christian Kaboré du Burkina, de Buhari du Nigéria, de l’indolent Paul Biya du Cameroun, Macky Sall du Sénégal, des Présidents maliens, Mauritaniens et des dirigeants européens tournent à plein régime face à ce drame. Ils espèrent que celui-ci ne bouleversera pas les paramètres des donnes stratégiques du G5, de Barkane et de tout le dispositif mis en œuvre pour assurer la quiétude de nous autres.

Deby, n’est pas seulement tchadien ou de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (CEEAC) ou un fils adoptif de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), il est fils de tous ces Etats membres de ces communautés, un nigérien, un malien, un nigérian, un Burkinabé…. Et tous portent son deuil

Il ne faut pas se tromper, nous comme l’opposition tchadienne, la vague déferlante venue de Libye après avoir semé la merde… dans ce pays, au Mali, dans le Sahel et ayant en perspective le Golfe de Guinée n’est pas porteuse d’espoir… Elle essaime même en Afrique de l’Est, les évènements de la province de Cabo Delgado au Mozambique nous le rappelle.

L’heure est grave, le Président Bazoum et ses paires sauront renvoyer l’ascenseur à ce peuple qui a volé au secours de tous dans la transition qu’il s’est donné et dans la perspective d’un Sahel, d’une Afrique et d’un monde plus sûr.

Maréchal Idriss Deby Itno, vous êtes parti dans des circonstances diversement interprétées par les médias sociaux. La vérité finit toujours par avoir raison sur le mensonge ! Même si l’on se place dans l’hypothèse extrême de Jules César assassiné par son fils adoptif Brutus l’enfant de sa maîtresse Servillia Caepionis. Ce dernier est considéré par la postériorité comme un paria alors que l’histoire n’a retenu que l’Imperator Caius Lilius Caesar Divus traité avec une certaine condescendance même par Goscinny et Albert Uderzo, auteurs de la célèbre bande dessinée Astérix et Obelix qui fait l’Apologie des irréductibles Gaulois opposés à Rome.

Maréchal, ! nous savons que cette cabale n’a d’autre but que de ternir votre mort glorieuse, comme on dit, l’arme à la main. Nous autres sommes lucides et savions que, votre fils adoptif Mahamat Deby, qui connait bien Niamey, n’est pas Brutus et conduira à termes ce qu’ils ont décidé avec ses paires militaires suite au refus du Président du Parlement d’assurer l’intérim. Comme vous, il a fait ses preuves dans le désert malien des Ifoghas où il fut gravement blessé. La transition n’a pas été enfantée dans la douleur comme au Mali sous les auspices de la CEDEAO.

Tu n’as pas disparu Maréchal, tu resteras dans nos cœurs. En attendant qu’on te retrouve dans cette vie éternelle, tu ne t’ennuieras pas, tu trouveras tes camarades Salif Diallo, Jamouss, Kadhafi, tes ainés fondateurs de nos éternels idéaux N’Krumak, Sékou Touré, Mandela et nos héros mythiques Samory, Soundiata, Kaocen et autres. Vous aurez plein de choses à vous raconter.

Adieu Maréchal ! Tu peux dormir tranquille. Comme la Turquie moderne née des cendres de l’Empire Ottoman sous l’impulsion de Mustapha Kemal Atatürk, un Tchad nouveau, émergent, démocratique naîtra, inch Allah, de la solide fondation que tu as posée.

Je suis sûr que ton Peuple peut compter sur tes frères les présidents Muhamadu Buhari, Elhadj Bazoum Mohamed et tant d’autres de tes paires pour qui, tu seras éternel.

Adieu Maréchal !

Par Ali R. Sékou Maïna