‘’Mohamed Bazoum à cœur ouvert’’, c’est le titre d’une vidéo à travers laquelle Mohamed Bazoum s’est confié à son équipe de communication à Tesker pendant les vacances 2019. Dans cette vidéo, qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux, Mohamed Bazoum parle en exclusivité de son enfance, ses goûts, ses lectures, ses références idéologiques et politiques. Les lecteurs de tous bords retiendront du profil de Bazoum, un destin exceptionnel, une sorte de ‘’self-made man’’ forgé grâce à l’école et à la rencontre avec les valeurs universelles.
Dans cette grande interview-portrait, c’est à bâtons rompus que Mohamed Bazoum a bien voulu répondre aux questions touchant son enfance, sa formation intellectuelle, politique, bref sa vie d’homme, tout simplement. L’on découvre avec plaisir différentes facettes du profil de celui que les reporteurs de l’équipe de Communication 2.0 BM2021 ont simplement appelé ‘’l’enfant du terroir’’ tant le mariage entre la vie pastorale, faite de simplicité, et la modernité a forgé le destin atypique de Mohamed Bazoum, le porte flambeau aujourd’hui du PNDS-Tarayya.
Un moment d’enfance de Bazoum…
« Moi je suis né en brousse, pour ainsi dire (rires), en campagne on va dire. Mon rapport à la campagne est un rapport naturel en ce sens que je suis né sous une tente jusqu’à ce que j’aille à l’école primaire à l’âge de 6 ans à peu près. Je n’ai jamais vu une construction même en paillotes car nous n’utilisons que des tentes dans mon environnement natal. Et la première fois que j’ai vu une maison en banco, ou en dur, c’est quand je suis allé passer son certificat de fin d’études primaires à Gouré. »
Grandi dans un milieu pastoral, celui qui a vécu ‘’ dans une relation de fusion totale avec les animaux’’ s’est nourri essentiellement du lait de chamelle : « (…) avant d’être allé à l’école, moi je n’ai jamais dîné autrement qu’avec du lait de chamelle, je n’ai jamais pris un autre petit déjeuner que le lait de chamelle. Il n’y a que le repas de midi qui était fait d’autre chose que du lait mais le petit déjeuner et le dîner c’était du lait. C’était cela aussi la réalité du pastoralisme des années 60 au Niger. C’était vrai pour ma communauté à moi, c’était vrai aussi pour toutes les autres communautés. Et je pense qu’un tel mode de vie laisse vraiment des traces », a confié Mohamed Bazoum. Et justement ces traces de l’enfance c’est un attachement à la nature et aux animaux. « Moi j’ai vécu avec le chameau en particulier et subsidiairement avec la vache dans une relation quasi familiale. Nos vaches, nos chameaux, nous avons une affection pour eux comme nous pouvons en avoir pour des humains. Lorsqu’un animal mourait c’était des sentiments du genre qu’on éprouverait quand une personne meurt. Et en cela par conséquent c’est plus qu’une passion », a-t-il déclaré. Cet attachement à la nature est on ne peut plus toujours vivace chez Bazoum : « Notre environnement pastoral doit pouvoir être préservé et tout le défi c’est de pouvoir améliorer les conditions de la production pastorale tout en préservant certaines caractéristiques du cadre pastoral. C’est cela les enjeux d’aujourd’hui qui sont des enjeux de la modernité, des enjeux du bien-être de la population et il faut y travailler. »
Lecture, formation intellectuelle et politique
Si les élèves du brillant professeur de philosophie au Lycée étaient bien renseignés sur le matérialisme historique, cela avait un rapport avec l’influence que les auteurs russes ont eue sur ce jeune esprit en formation. « Ce sont des livres des classiques russes qui m’ont fortement impressionné. Je pense que pour ce que moi j’ai pu lire ce sont des auteurs que je trouve des plus talentueux. Je sais qu’il y a des auteurs français aussi qui nous ont marqué en classe de Première comme Emile Zola dont le livre Germinal m’a également impressionné… », confessait Mohamed Bazoum. Par la suite, des auteurs africains comme Cheikh Hamidou Kane, Mongo Béti, Chinua Achébé ont également marqué Bazoum en classe de Première. C’est justement au Lycée qu’il a eu un éveil intellectuel par sa rencontre avec ses professeurs de français et de philosophie : « Mes profs de français et de philosophie m’ont marqué définitivement et m’ont initié à la culture. J’ai rattrapé mon retard relativement un tout petit peu seulement à mon avis », a-t-il avoué. La classe de Première a offert à Bazoum, comme qui dirait, l’arme spirituelle pour son combat politique futur. La littérature et des professeurs engagés en classe de première ont précipité le jeune lycéen vers les idées politiques. « J’ai rencontré des auteurs qui m’ont orienté vers la politique. Je dois mon engagement politique non pas à un encadrement dans le cadre des structures qui n’existaient même pas à un niveau primaire mais je le dois surtout à Franz Fanon. J’ai lu Les damnés de la terre avec une passion qui m’a littéralement transformé tout simplement et m’a rendu homme responsable. Et ça c’est dans le cadre des cours qui nous été assurés par des professeurs eux-mêmes engagés, marqués par Mai 68. Nous avons eu accès à une certaine lecture du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire, qui lui aussi nous a bouleversés. En classe de Terminale, nous avons accédé à la littérature marxiste, Marx lui-même, Lénine. Moi j’ai lu Anti Dühring de Engels en classe de Terminale. J’ai commencé même à lire Louis Althusser en classe de Terminale », renchérit le socialiste Bazoum. Nul doute que c’est la lecture de ces livres politiquement engagés qui a conduit Mohamed Bazoum en politique : « …pour tout vous dire je n’ai pas été marqué par un homme si ce n’était peut-être Marx lui-même par la lecture de ses livres, ceux de Lénine et la lecture de tous les livres de la littérature marxiste. Et à l’université nous avons commencé à suivre les débats politiques mais notre ‘’provincionalisme’’ français a fait beaucoup de choses : les hommes politiques que nous pouvions admirer c’étaient des hommes politiques français et il y en avait eu en effet dans les années 80 avec l’arrivée de la gauche au pouvoir qui m’ont particulièrement marqué pour qui j’ai eu beaucoup d’admiration pour leur culture, pour le caractère brillant de leurs paroles, de leurs analyses », a martelé le porte-flambeau du PNDS-Tarayya.
A la question de savoir s’il y a un modèle d’homme politique qui l’a marqué, la réponse de Bazoum en dit long : « Le président Issoufou a des qualités qu’on ne rencontre pas souvent. Il a des qualités que je n’ai pas en termes de gouvernance, pour ainsi dire, la gestion du parti et la gestion des hommes. Je crois que l’avoir eu avec moi, devant moi, m’a appris à éviter certaines choses, des erreurs que j’aurais pu commettre mais je me les suis évitées parce que je l’ai vu lui ne pas les commettre ». Et comme pour se démarquer de ceux qui voient en ses propos un certain opportunisme, Mohamed Bazoum de préciser : « Très honnêtement ce n’est pas parce qu’il a été le président de notre parti ou qu’il est le chef de l’Etat que je l’ai dit mais je le dis avec beaucoup plus de recul, beaucoup de détachement ».
Cette vidéo (‘’Le fils du terroir ‘’ à visionner absolument sur YouTube) regorge des détails croustillants sur la vie de ce leader qui a su forger une carrière politique exceptionnelle grâce à l’école et son intelligence. Son parcours illustre bien l’idée que l’école est un ascenseur social par excellence.
L’école, c’est comme qui dirait, l’invention humaine la plus géniale pour le développement personnel. Grâce à l’école, il est admis par les esprits les plus chauvins et rétrogrades que dans les mêmes conditions d’éducation, les hommes font montre de vitalité et de génie, pour paraphraser Sékou Touré. La valeur d’un Homme n’est plus déterminée par son sang, sa naissance ou d’autres considérations négatives. Il importe alors que nos hommes politiques de tous bords considèrent comme un devoir de sortir de l’ornière l’école nigérienne notamment publique. Il est permis d’espérer avec Mohamed Bazoum, candidat du PNDS-Tarayya pour les élections de 2021… en ce sens que son programme politique met un accent particulier sur l’éducation !
Elh. Mahamadou Souleymane