Quelques considérations sur la signature des délégués des partis politiques ou candidats

Le Code électoral, à son article 88 issu de la loi n° 2019-38 du 18 juillet 2019, dispose que  « Le président donne lecture à haute voix des résultats du scrutin qui sont aussitôt affichés par ses soins dans la salle ou à l’entrée du bureau de vote. Mention de ces résultats est portée au procès-verbal rédigé par le président ou le secrétaire et signé par tous les membres du bureau de vote ainsi que tous les délégués des partis politiques ou des candidats présents ». Un peu plus loin, la même disposition ajoute que « Le procès-verbal doit comporter les mentions suivantes : …- le jour, la date du scrutin, les signatures des membres du bureau de vote ainsi que celles des délégués des partis ou groupements de partis politiques et des représentants des candidats indépendants présents ».

Une première lecture de cette disposition pourrait pousser à conclure à l’annulation de tout procès-verbal d’un bureau de vote qui ne comporterait pas la signature du délégué d’un parti politique ou d’un candidat en compétition.

Pourtant, avec un peu de recul, l’on peut essayer de pousser la réflexion et se poser quelques questions pratiques afin de comprendre les raisons de l’absence de cette signature si tel est qu’elle manque effectivement.

  1. Etait-il effectivement présent dans le bureau de vote ? Il s’agit ici d’une simple application de la disposition de l’article 88 qui évoque expressément « les délégués…présents ».  Il appartient aux requérants d’apporter la preuve de la présence ou non du délégué du parti politique ou du candidat au sein du bureau de vote dont les résultats sont contestés. En cas de non présence prouvée du délégué, l’absence de sa signature ne saurait entraîner l’annulation des résultats du bureau puisqu’à l’impossible nul n’est tenu.
  1. Avait-il refusé de signer le procès-verbal ? Dans ce cas, il est indispensable de chercher à connaitre les raisons de ce refus. Deux pistes sont à exploiter dans cette perspective :
  1. Est-ce un refus délibéré pour simplement saboter les résultats non favorables à son candidat ou à son parti ? Il appartient au requérant et à la défense d’en apporter la preuve puisque la mauvaise foi ne se présume pas.
  1. Est-ce un refus motivé par le constat d’un acte ou d’un fait et dont la mention n’a pas pu être portée au procès-verbal par le délégué? La preuve d’un tel fait ou acte à l’origine du refus doit être dûment apportée.
  1. Avait-il été empêché de signer le procès-verbal ? Il appartient au délégué ou à son candidat d’apporter la preuve des moyens utilisés par l’empêcher d’exercer son droit.

En somme, l’absence de signature du délégué d’un candidat ou d’un parti politique n’entraîne pas ipso facto l’annulation des résultats d’un bureau de vote. Il est vrai que l’article précité prévoit que les signatures des membres des bureaux de vote (délégués compris) font partie, entre autres,  des mentions qui doivent figurer sur les procès-verbaux de dépouillement.  Mais il n’attache aucune sanction à leur absence. Il serait d’ailleurs hasardeux de le faire au regard de la mauvaise foi de l’homme politique qui serait tenté de pousser ses délégués à refuser de signer dans les zones favorables à son adversaire pour simplement lui faire perdre des voix. C’est la raison pour laquelle, la liste limitative des causes d’annulation des résultats d’une élection dressée à l’article 121 du Code électoral ne mentionne pas l’absence de signature d’un délégué. Il ne retient que :

–          la constatation de l’inéligibilité d’un candidat ;

–          l’existence d’une candidature multiple ;

–          le défaut d’isoloir dans un bureau de vote, même hors de toute intention de fraude ;

–          la violence, la fraude, la corruption faussant le résultat du scrutin pour l’élection des candidats ;

–          la participation à la propagande électorale par des actes ou déclarations réprimés conformément aux dispositions pénales de la présente loi ;

–          l’arrestation arbitraire des candidats au cours du scrutin ;

–          la non distribution ou la rétention des cartes d’électeurs ;

–          le non-respect des dispositions visées à l’article 87 ;

–          le vote des mineurs de moins de dix-huit (18) ans et non émancipés faussant le résultat du scrutin dans le bureau constaté par procès-verbal de toute autorité assermentée ou par mention au procès-verbal de dépouillement ;

–          l’achat des cartes d’électeurs et de conscience le jour du scrutin.

En conséquence, le débat n’est pas tant dans l’absence de la signature mais dans la raison de cette absence. Il s’impose dès lors une appréciation in concreto.

Ainsi, si la présence du délégué ne souffre d’aucune contestation, l’absence de signature susceptible d’entraîner l’invalidation des résultats d’un bureau de vote doit être dûment justifiée par l’une des causes énumérées à l’article 121 ci-dessus invoqué. Quoi qu’il en soit la preuve doit être apportée et soumise à l’appréciation du juge électoral qui l’examine avant de statuer selon son intime conviction.

Adamou ISSOUFOU

FSJP/UCAD