La situation actuelle de Mahamane Ousmane suscite un débat au sein de l’opinion publique à savoir s’il est ipso facto chef de file de l’opposition. Dans cet éclairage, Dr Adamou Issoufou de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar écrit : « A la question de savoir, qui peut accéder à ce statut, l’article 21 de l’ordonnance précitée dispose que « Le Chef de file de l’opposition politique est le premier responsable du parti de l’opposition ayant le plus grand nombre d’élus à l’Assemblée nationale ».
L’observation du fonctionnement des régimes politiques contemporains met en lumière un certain dépassement du principe de la séparation des pouvoirs (les pouvoirs politiques) en raison de la concentration du pouvoir d’Etat entre les mains d’une majorité parlementaire. Le phénomène majoritaire est une caractéristique générale des démocraties parlementaires contemporaines.
Il trouve son fondement dans la conjonction de facteurs institutionnels et politiques. Il est généralement provoqué par le mode de scrutin qui, par l’effet d’écrasement qu’il entraîne, permet l’avènement à la chambre élue du Parlement d’une majorité parlementaire (homogène ou de coalition) suffisamment cohérente et disciplinée pour soutenir l’action de l’exécutif. L’Assemblée est alors politiquement contrôlée par l’exécutif qui est, en réalité, l’état-major de la majorité parlementaire.
Dans les faits, l’exercice du pouvoir législatif se déplace de l’Assemblée nationale au Gouvernement qui conserve ses prérogatives exécutives explicites tout en orientant ou contrôlant, selon les cas, les conditions d’élaboration et d’adoption de la loi. L’Assemblée nationale devient alors une chambre d’enregistrement ou de ratification des projets de loi déposés par l’exécutif. Les propositions de loi émanant des députés ne deviennent des lois que si elles recueillent l’assentiment de l’exécutif.
A chaque fois que la majorité du parlement est la même que celle du gouvernement, le parlement pourrait être un simple instrument de la politique du gouvernement. Dans ces conditions, parler de la séparation des pouvoirs entre parlement et gouvernement devient absurde. La véritable séparation ou articulation, se fait entre la majorité parlementaire qui fait corps avec le gouvernement et la minorité parlementaire (Voir les travaux de Maurice Duverger sur la question).
Pour autant, la démocratie ne correspond pas au pouvoir de la majorité contre une minorité constituée en opposition. Le principe majoritaire a pour pendant la reconnaissance et le respect de la minorité politique, en général, et de l’opposition parlementaire, en particulier.
Les minorités politiques doivent être protégées, y compris dans un régime démocratique structuré par le fait majoritaire. L’équilibre démocratique tient notamment à la conciliation entre, d’un côté, la domination de la majorité, et, de l’autre, le respect du pluralisme des opinions, le droit de s’opposer au pouvoir majoritaire et la protection de la minorité (Pour détails, voir, Béligh Nabli, « L’opposition parlementaire : un contre-pouvoir politique saisi par le droit », Pouvoirs 2010/2 (n° 133), pp.125 à 141.
Au Niger, l’ordonnance n°2010-85 du 16 décembre 2010 portant statut de l’opposition s’inscrit dans la logique de protection de ce contre-pouvoir contemporain qu’est la minorité parlementaire.
Ainsi, après avoir défini l’opposition politique (article 2), ses droits (articles 5 à 18), ses devoirs (articles 19 et 20), cette ordonnance a mis un accent particulier sur le statut de son chef (articles 21, 22, 23).
Elevé au rang d’institution de la République (article 23), le chef de file de l’opposition est membre du Conseil de la République (A propos de la composition et des attributions de ce Conseil, voir 69 de la Constitution). Il bénéficie des avantages déterminés par la loi (article 22).
A la question de savoir, qui peut accéder à ce statut, l’article 21 de l’ordonnance précitée dispose que « Le Chef de fil de l’opposition politique est le premier responsable du parti de l’opposition ayant le plus grand nombre d’élus à l’Assemblée nationale ».
A travers cette disposition, il apparait clairement la distinction entre le rang occupé par un candidat à l’élection présidentielle et le nombre de députés obtenus à l’issue des élections législatives.
En conséquence, le candidat arrivé en deuxième position (lorsque l’un des candidats a été élu dès le premier tour) ou le challenger du candidat élu (cas de victoire au second tour) ne deviennent pas ipso facto, chef de file de l’opposition.
Ce statut est réservé non pas au responsable d’une coalition de partis mais à celui du parti de l’opposition qui a le plus grand nombre de députés à l’Assemblée nationale. En d’autres termes, dans l’octroi de ce statut, il est exclusivement tenu compte du score enregistré par chaque parti de l’opposition à l’issue des élections législatives.
L’idée est d’avoir, en face d’une majorité soutenant l’action du gouvernement, une opposition organisée pour servir de contre-pouvoir. Pour l’engager, l’idée de légitimité mise à contribution a poussé le législateur à porter son choix sur le responsable du parti qui a le plus grand nombre de députés.
Au Niger, les résultats définitifs des élections législatives font apparaitre, sans ambages, le parti de l’opposition qui a eu le plus grand nombre de députés. Il s’agit du parti Lumana FA. Il reste à déterminer son premier responsable, c’est-à-dire, la personne physique légalement habilitée à l’engager dans la vie juridique et civile. Il revient à celui-ci d’accéder à ce statut légal de chef de file de l’opposition nigérienne.
Adamou ISSOUFOU
FSJP/UCAD