Le contentieux entre Alpha Condé et Issoufou Mahamadou : Le troisième mandat !

 

 

Le Président Issoufou Mahamadou va quitter le pouvoir, en avril prochain, après deux mandats successifs à la tête du Niger. Il aurait souhaité que certains de ses pairs, dans la sous-région, aient le même comportement. Le président guinéen, Alpha Condé, a choisi l’inverse, modifiant la constitution de son pays et se proclamant vainqueur d’élections calamiteuses.

Cette marche forcée vers la présidence à vie aura causé plus d’une centaine de morts à la Guinée, des civils essentiellement. Au nom des principes de gouvernance de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), Issoufou Mahamadou aura déployé des trésors d’arguments pour l’en dissuader, en vain.

En cette année 2019, en partie, du fait de l’insécurité, Niamey bruisse d’une rumeur : « Issoufou va négocier une rallonge. Prétextant les attaques, il va reporter les prochaines élections. » Ces bruissements ont-ils percé les portes et les fenêtres du palais de la présidence ? La ville de Niamey, réputée frondeuse et supposée, à tort ou à raison, acquise à l’opposition, n’avait pas entendu l’autre clameur, qui avait éclaté à Zinder, quelques mois plus tôt. Pour avoir appelé le président Mahamadou Issoufou à briguer un troisième mandat à la tête du Niger, deux figures de la société civile locale avaient été mises aux arrêts. Jugées, elles avaient été condamnées pour avoir ourdi « un complot pour détruire ou changer le régime constitutionnel », en mai 2018.

Issoufou : le respect de la Constitution

« Ma décision de respecter la constitution et de ne pas me représenter est irrévocable », va commencer à marteler le Président Issoufou. Fin juin 2019, Mahamadou Issoufou est élu, par ses pairs, à la tête de la CEDEAO, succédant ainsi au Nigérian Muhammadu Buhari, avec qui il partage la même vision concernant l’alternance dans les pays africains. Les 7 et 8 juillet, le Niger accueille le 12ème Sommet extraordinaire des chefs d’État de l’Union africaine (UA). Par ailleurs, le Niger a été élu pour siéger, comme membre non permanent, au Conseil de sécurité des Nations-Unies, à partir de début 2020. Auréolé de tout ce prestige, le président Issoufou va essayer de convaincre ses pairs de la sous-région, se trouvant dans la même situation que lui, de suivre son exemple.

Sous le haut patronage du Président Issoufou, se tient, se tient, du 2 au 4 octobre 2019, à Niamey, un forum consacré au constitutionnalisme pour la consolidation de la démocratie et le transfert pacifique du pouvoir en Afrique.  Le forum, qui dit non au troisième mandat, réunit les anciens présidents Nicéphore Dieudonné Soglo du Benin, Goodluck Jonathan du Nigeria, Amos Sawyer du Liberia, et Mme Catherine Samba-Panza de Centrafrique. Le Président Issoufou en profite pour réaffirmer son intention de ne pas briguer un troisième mandat. Il précise aussi que le troisième mandat constitue le véritable obstacle de l’alternance au pouvoir en Afrique. Le Président Condé ressent ces professions de foi démocratique comme autant d’attaques contre son auguste personne et contre ses ambitions de pérennisation au pouvoir.

Alpha : l’obsession du troisième mandat

Après s’être fait adouber par la Russie, via son ambassadeur en Guinée, Alpha a commencé sa grande manœuvre : imposition d’une modification de la Constitution contre laquelle l’opposition et une partie de la société civile se mobilisent, par des marches, qui drainent des foules. De graves incidents entre manifestants et forces de l’ordre font des morts. À la date du 15 janvier, le compteur macabre affiche, déjà, 23 civils et un gendarme tués ! Le président guinéen ignore cette mare de sang, accuse les opposants de tous les péchés d’Israël, et poursuit sa trajectoire de violation des règles de gouvernance de la CEDEAO. Inquiète, l’organisation projette d’envoyer une mission de haut niveau en Guinée, pour prôner l’apaisement, en ramenant Alpha à la raison. Celui-ci s’y oppose. Le10 mars, lors de son discours à l’ouverture de la 5ème législature du Parlement de la CEDEAO, à Niamey, saluant le retrait de Alassane Ouattara d’une troisième candidature à la présidence de la République, le président Issoufou proclame : « Le temps des hommes qui s’autoproclament providentiels et donc irremplaçables, des hommes qui cherchent à s’incruster à vie au pouvoir, tire à sa fin ». La décision du Président Ouattara est aussi saluée, par le Président Issoufou, en ces termes : « Cet évènement confirme ce que j’ai déjà dit à d’autres occasions : le temps des hommes qui s’autoproclament providentiels et donc irremplaçables, des hommes qui cherchent à s’incruster à vie au pouvoir, tire à sa fin. (…) Cela nous permettra de faire l’économie des crises comme celles que nous connaissons actuellement en Guinée Conakry et en Guinée Bissau ». Alpha reçoit ceci comme un tacle. Il fulmine contre son homologue nigérien, et fixe la date de son référendum au 16 février.

Le troisième mandat aux forceps

En accord avec le Président Issoufou, président en exercice de la CEDEAO, le président de la Commission de ladite organisation, Jean-Claude Brou, se rend à Conakry. Il fait part au Président Alpha des préoccupations de la CEDEAO concernant la fiabilité du fichier électoral où figurent plus de 2,4 millions d’électeurs sans pièces justificatives. La CEDEAO demande alors le report du scrutin référendaire et législatif. Sous diverses pressions, le vote aura lieu, finalement, après deux reports, le 22 mars. Vu les diverses irrégularités et le climat de violence ayant entouré son imposition, la CEDEAO et l’Union africaine s’en sont distancées, se refusant même à envoyer leurs observateurs, en Guinée, le jour du scrutin. Alpha, surpris et déçu, y a vu, encore une fois, « la main » du Président Issoufou. Le Président Alpha Condé remportera, naturellement, les trois scrutins : référendaire, législatif puis les présidentielles, qui auront lieu le 18 octobre. Il prêtera serment le 15 décembre, en présence des chefs d’État du Ghana, Nana Akufo-Addo, également nouveau président en exercice de la CEDEAO, du Tchad, Idriss Déby, du Congo, Denis Sassou-Nguesso et du Libéria Georges Weah. En revanche, parmi les absents figuraient les voisins directs, comme Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, Macky Sall du Sénégal, et Umaro Sissoco Embaló de la Guinée-Bissau. Les opposants à son troisième mandat, Mahamadou Issoufou et Muhammadu Buhari, brillaient aussi par leur absence. Encore un coup de Mahamadou Issoufou, pestera Alpha Condé …

André Marie POUYA