C’est au premier tour des élections générales que Mahamane Ousmane a perdu la bataille électorale. Tout analyste averti sur les dynamiques politiques au Niger le comprend aisément. Se contentant du cadeau empoisonné de Hama Amadou, le candidat du RDR Tchandji doit s’assumer. Contre mauvaise fortune bon cœur, dit-on. Ce décryptage met justement en évidence comment Mahamane Ousmane a d’avance perdu la bataille.
Les résultats des élections régionales et des législatives, ainsi que ceux du premier tour des présidentielles, donnent des ailes au candidat Bazoum Mohamed. Les militants du PNDS, en particulier, et ceux de la Coalition Bazoum 2021, de manière plus large, sont enveloppés d’une dynamique de victoire. En face, militants et sympathisants de Mahamane Ousmane s’inscrivent dans un défi de rattrapage, qui relève des travaux d’Hercule. Psychologiquement, la majorité présidentielle se sent plus confortable : un dernier coup de rein, pour parachever la victoire de la présidentielle du 20 février prochain.
En rappel, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS) Tarayya, a remporté les élections communales et régionales, avec plus de 40 % de voix, à lui seul. Aux élections communales, ce parti a engrangé 1 799 sièges sur les 4 246 mis en jeu, suivi de loin par le MNSD-Nassara) avec 358 sièges, du Mouvement patriotique pour la République (MPR Jamhuriya) avec 356 sièges et du Mouvement démocratique nigérien pour une fédération africaine (MODEN-FA/LUMANA AFRICA) avec 268 sièges. Aux élections des conseillers d’arrondissements, le PNDS-Tarayya, a obtenu 62 sièges sur les 200 à pourvoir, suivi du MODEN-FA/Lumana Africa et du MNSD-Nassara avec 40 sièges, chacun. Le parti au pouvoir est encore arrivé en tête à l’élection des conseillers de villes, remportant 39 sièges sur les 117 à pourvoir, suivi du MODEN-FA/Lumana Africa avec 29 sièges et du Rassemblement démocratique et républicain (RDR-Tchandji) avec 20 sièges. Au premier tour des élections présidentielles, Bazoum Mohamed arrive en tête avec 1 879 543 voix, soit 39,33 %, contre 811 838 voix, soit 16,99%. 1 067 705 voix séparent les deux candidats !
Mahamane Ousmane, déjà englouti sous cette avalanche ou cette Himalaya de victoires du candidat favori, a du pain sur la planche. Il n’est pas certain qu’il atteigne encore ce chiffre, à l’issue du second tour : le découragement peut avoir atteint une partie des électeurs ayant voté pour lui, au premier tour. Ils se demanderont, vu cet écart abyssal des voix, si « ça vaut la peine » de se déranger, le 20 février, pour retourner aux urnes. Autre donnée : des électeurs, non membres de son petit parti, avaient glissé son bulletin dans l’urne, à l’appel de leurs leaders, et aussi parce que le vote ne leur coûtait pas grand-chose, puisqu’ils étaient là pour prendre part aux législatives. Maintenant qu’il s’agit de faire le déplacement pour Mahamane Ousmane seul, l’effort pourrait paraitre de trop. Ce découragement est humain. Difficile de contrer une cause en train de triompher, dans de telles proportions… Plus conscients des enjeux, les militants et sympathisants de la Coalition Bazoum Mohamed 2021, au contraire, iront, dans l’enthousiasme et dans l’allégresse, aux urnes, au second tour de la présidentielle. Avec eux, on pourrait compter un renfort venu de candidats encore membres de la majorité présidentielle, avant le lancement officiel de la prochaine campagne. Des ralliements de personnalités issues de l’actuelle opposition, lassées des errements politiques de leurs chefs et pour des raisons personnelles, sont, également, possibles. En effet, se lancer dans une seconde décennie hors des arcanes du pouvoir peut s’assimiler à un départ à la retraite politique, pour certains militants.
Campagne à la Cour constitutionnelle !
Les états-majors de campagne de beaucoup de candidats adverses, au lieu de se préparer à la campagne du second tour de la présidentielle, vont encore s’épuiser en recours divers. Ils contestent les résultats des législatives et des présidentielles, dans certaines communes. C’est l’occasion, pour les leaders de la Coalition CAP 20-21 et alliés, de présenter les « vrais résultats », ainsi qu’ils l’avaient proclamé, dès l’après-midi du 30 novembre 2020 : « Donnez vos chiffres, nous avons les nôtres que nous allons sortir au moment opportun. » Ils en avaient donné un avant-goût, à la même date : « Les résultats de 195 communes sur 266 placent Nafarko (Mahamane Ousmane) en tête » de la présidentielle !
Pendant qu’ils vont hanter les couloirs de la Cour constitutionnelle, la Coalition Bazoum Mohamed 20-21 mobilise ses énergies pour peaufiner sa stratégie d’occupation du terrain. En raison de son hétérogénéité, l’opposition va s’investir aussi dans d’innombrables « réunions de concertations », chronophages et contraignant ses principaux dirigeants à rester dans la capitale, Niamey, alors que d’autres bassins électoraux essaiment le pays. La rédaction d’une seule « déclaration » peut nécessiter entre deux et trois réunions ! L’opposition espère obtenir, de la part de la Cour constitutionnelle, ce qu’elle n’a pu conquérir dans les urnes : la défaite du parti au pouvoir, aussi bien aux législatives qu’au premier tour de la présidentielle. Et si cette juridiction n’obtempère pas, elle va la vilipender, la menacer, comme à l’issue de la proclamation des résultats des régionales, au sujet de la « nationalité d’origine » de Bazoum Mohamed. Elle va invectiver, encore une fois, le président de la République. Enfin, elle brandit la menace suprême : « Le peuple est là pour porter la contestation. »
Pendant que l’heure tourne, indiquant la victoire du candidat Bazoum Mohamed …
André Marie POUYA
Niger Inter Hebdo N°004