Elections : Au Niger, il n’est pas nécessaire de perdre ses droits civils et politiques pour être inéligible à la Présidence de la République

Au Niger, il n’est pas nécessaire de perdre ses droits civils et politiques pour être inéligible à la Présidence de la République. Pour s’en convaincre, il suffit de s’intéresser à ces deux cas de figure prévus par le droit en vigueur.

Le premier cas de figure est tiré des dispositions du Code pénal

Au regard de ce texte, les choses sont relativement simples.

L’inéligibilité est définitivement encourue et de plein droit lorsque le citoyen est condamné pour crime. Elle l’est aussi lorsqu’il commet certains délits et qu’il écope d’une condamnation à une peine d’emprisonnement avec ou sans sursis, d’une durée supérieure à deux mois, assortie ou non d’une amende. Elle l’est enfin, lorsqu’il est prononcé à son encontre une condamnation à plus de six mois d’emprisonnement sans sursis, ou à plus d’un an avec sursis. (article 38 du code pénal).

L’inéligibilité est temporairement encourue (pour une période de 5 ans) mais de plein droit lorsque la condamnation est prononcée dans l’un des cas prévus à l’article 39 du code pénal.

En sus de ces cas d’inéligibilité de plein droit, le code pénal prévoit deux cas dans lesquels il appartient cette fois ci au juge de retenir et de prononcer explicitement une telle interdiction. Ces cas sont prévus aux articles 6 et 25 de ce Code. A l’article 6, il est prévu une inéligibilité optionnelle temporaire en cas de délit alors qu’elle est une peine supplémentaire au regard des dispositions de son article 25. Quoi qu’il en soit, cette inéligibilité ne se présume pas. Elle doit expressément être prononcée par le juge et apparaitre dans le dispositif de sa décision.

Le second cas de figure

Le second cas de figure est tiré de la lecture combinée des articles 47 alinéa 5 de la Constitution et 8 de la loi organique n° 2017-64 du 14 août 2017 modifiée et complétée par la loi n°2019-38 du 18 juillet 2019 portant Code électoral.

L’article 47 de la Constitution fixe les modalités d’élection du Président de la République ainsi que certaines conditions d’éligibilité à ladite fonction. Etant donné que la Constitution ne peut tout prévoir, le Constituant de 2010 a usé de la technique de renvoi. C’est ainsi qu’il a précisé à l’alinéa 5 de cet article que « La loi précise les conditions d’éligibilité, ». Ainsi, en sus des conditions prévues aux autres alinéas de l’article 47 de la loi fondamentale, l’éligibilité est subordonnée au respect des conditions qui seront fixées par la loi de renvoi.  Il est ainsi établi une connexion entre la Constitution et la loi qui doit être adoptée sur invitation expresse du Constituant. En conséquence, une telle loi n’est que le prolongement matériel de la Constitution qu’elle complète d’ailleurs.  C’est pourquoi, elle est appelée loi organique dont l’objet, la procédure d’adoption et la place dans l’ordonnancement juridique diffèrent de ceux de la loi ordinaire. En application de cette disposition de la Constitution, la loi organique n° 2017-64 du 14 août 2017 modifiée et complétée par la loi n°2019-38 du 18 juillet 2019 portant Code électoral a été adoptée. En s’attelant à préciser les conditions d’éligibilité à la demande du Constituant, l’article 8 de cette loi organique rend inéligible le nigérien condamné pour crime et non réhabilité ou condamné pour délit à une peine d’emprisonnement ferme égale ou supérieure à un (1) et non réhabilité ou encore celui qui est en état de contumace. A cette liste s’ajoute le nigérien déclaré en faillite et ayant fait l’objet d’une condamnation pour banqueroute frauduleuse et non réhabilité et les internés et les interdits.

En somme, il faut dire que dans le premier cas, c’est-à-dire, au regard du Code pénal, il suffit que la condamnation soit prononcée conformément aux dispositions des articles 6, 25, 38 et 39. Dans le second cas, c’est-à-dire, au regard de la loi organique portant code électoral, il suffit également que le nigérien soit condamné pour crime ou à une peine d’emprisonnement ferme égale ou supérieure à un (1) an ; peu importe qu’il garde ou qu’il perde ses droits civils et politiques. L’essentiel est que la condamnation pour crime ou à une peine d’emprisonnement ferme égale ou supérieure à un (1) an soit inscrite dans son casier judiciaire.

Adamou ISSOUFOU

FSJP/UCAD