Dr Hadiza Jackou-Djermakoye est coordinatrice Nationale du programme palu. Dans cet entretien, elle fait le point sur la situation du paludisme au Niger.
Niger Inter : Vous êtes coordinatrice nationale du programme palu au Niger. Quelle est la situation du paludisme au Niger ?
Dr Hadiza Jackou-Djermakoye : A l’instar des autres pays de la région, la lutte contre le paludisme au Niger repose sur la mise en œuvre des stratégies efficaces recommandées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Il s’agit des stratégies de prévention telle que l’utilisation des moustiquaires imprégnés d’insecticides de longue durée d’action (MILDA) que nous distribuons pendant les campagnes de masse et lors des consultations prénatales à toute femme enceinte qui se présente à la 1ere consultation et aux nourrissons de moins d’un an régulièrement suivi en consultation de routine dans les formations sanitaires publiques.
Près de 15 000 000 MILDA ont été distribuées en campagne de masse et routine de 2016-2018. Il y a également ce que nous appelons le traitement préventif intermittent chez la femme enceinte qui est aussi distribué gratuitement et qui permet de prévenir tout cas de palu lorsqu’il est pris comme il se doit ; la chimio prévention du paludisme saisonnier (CPS) chez les enfants de 3-59 mois, la lutte anti larvaire et la pulvérisation intra domiciliaire ciblée.
Par rapport à la stratégie de Chimio prévention du paludisme saisonnier recommandé en 2012 et adopté par le Niger en 2013. Elle vise à prévenir les cas de paludisme et réduire les décès chez les enfants de 3 à 59 mois pendant la saison des pluies. Depuis 2016 au Niger, nous couplons cette stratégie au dépistage de la malnutrition et plus de 33000 malnutris ont été dépistés et pris en charge dans les centres de récupération nutritionnels.
Concernant le nombre d’enfants qui ont reçu les médicaments de la CPS de 2013 à 2019, on note une évolution importante. Nous sommes passés de 205 959 enfants couverts en 2013 à plus de 4 188 304 enfants couverts par la CPS en 2019, avec une proportion d’enfants qui ont reçu la dose du quatrième passage de 95,24%. Ceci a permis de réduire l’incidence du paludisme chez les enfants de moins de 5 ans.
Puis nous avons la stratégie de prise en charge des cas simples et des cas graves dans les formations sanitaires et au niveau communautaires. La prise en charge de tout cas de paludisme doit d’abord être confirmé soit par une goutte épaisse, soit à partir d’un test de dépistage rapide (TDR).
Ces mesures de lutte sont soutenues par de la communication pour le changement de comportement et la surveillance, le suivi et évaluation. Ces stratégies sont mises en œuvre par l’état nigérien avec l’appui des partenaires.
Les statistiques sanitaires de la première semaine à la 41ème semaine montrent une tendance à la baisse du taux d’incidence du paludisme dans la population générale, nous sommes passés de 9994 cas confirmés pour 100000 habitants en 2018 à 8454 cas pour 100000 habitants en 2019 .
Chez les enfants de moins de 5 ans à la même période, nous sommes passés de 47 269 enfants pour 100 000 enfants en 2015 à 31 467 cas chez les enfants de moins de 5 ans en 2018 et 22 813 cas pour 100 000 enfants en 2019 . Chez les femmes enceintes de 8 537 cas pour 100 000 Femmes en 2015 à 7922 pour 100 000 en 2018. et 3288 cas pour 100 000 femmes enceintes en 2019 .
Cette baisse du taux d’incidence du paludisme est le résultat des multiples efforts déployés dans la lutte contre le paludisme. Cependant, beaucoup reste à faire car le paludisme demeure toujours la première cause de morbidité au Niger.
En ce qui concerne les décès, nous avons enregistrés 2129 décès en 2019 contre 2957 en 2018. Bien que nous ayons enregistré une diminution, ce nombre reste élevé. Toutefois, cette performance est liée au renforcement des compétences des agents de santé sur prise en charge des cas de paludisme, la disponibilité des moyens de diagnostic et des médicaments de prise en charge des cas de paludisme.
En 2019, en termes d’intrants , nous avons mis en place dans les formations sanitaires du pays les intrants de lutte contre le paludisme répartis comme suit :
Pour le traitement pour la prise en charge des cas simples ACT: 2 598 518 traitements, Test de dépistage rapide 5 237 361 tests, Artésunate Injectable 1 088 620 ampoules pour la prise en charge des cas grave , Sufadoxine Pyriméthamine pour la prévention chez la femme enceinte : 3 010 489 traitements
Les résultats montrent des progrès importants vers la couverture universelle en MIILDA. Cela traduit les efforts déployés en matière de prévention du paludisme dans la population générale et particulièrement chez les enfants de moins de 5ans des femmes enceintes. L’utilisation des moustiquaires ont contribué à réduire l’incidence du paludisme.
Niger Inter: Malgré vos efforts avec la ville de Niamey cette année encore le palu continue de faire des ravages dans les foyers. Comment expliquez-vous cette situation ?
Dr Hadiza Jackou-Djermakoye : La situation épidémiologique de la région de Niamey de la 1ère à la 34ème semaine est passée de 7592 cas pour 100000 hbts en 2018 à 6806 cas pour 100000 hbts en 2019. En ce qui concerne les enfants de moins de 5 ans, l’incidence est passée de 24 164 cas pour 100 000 enfants en 2018 à 20 979 cas pour 100 000 enfants en 2019. Même si le nombre de cas est relativement élevé, il faut reconnaitre que des efforts sont en train d’être faits et que l’incidence diminue progressivement au fil des ans.
En termes de prévention, la campagne de distribution de MILDA a concerné uniquement la région de Niamey avec 670 223 MILDA distribuées pour une population de 1 283 888 hts soit une moustiquaire pour 2 personnes. Pour la chimio prévention du paludisme saisonnier 207 713 enfants de 3 à 59 mois ont été couverts au cours des 4 passages .
A Niamey nous mis en place 142 954 traitements d’ACT, 291 198 tests de TDR, 60 510amp d’artesunate injectable et 175 966 traitements de SP.
D’importants efforts restent a faire notamment en ce qui concerne l’hygiène et l’assainissement du cadre de vie , l’utilisation des moustiquaires distribuées, le recours précoce aux soins dans les centres de santé et surtout faire le test avant de traiter car , actuellement il ya beaucoup d’automédication et malheureusement ce que les gens pensent être un cas de paludisme en fait n’en est pas un .
Niger Inter : Avec le début du froid quels sont vos conseils pour la protection des enfants notamment avec la persistance du paludisme ?
Dr Hadiza Jackou-Djermakoye : Avec le début de la saison froide, les enfants doivent continuer à dormir sous moustiquaires et être protégés de la poussière et du froid en les habillant chaudement, ne pas les laver très tôt ou tard le soir avec de l’eau fraiche , utiliser le beurre de karité au niveau des narines .
Propos recueillis par Koami Agbétiafa