» Ce gouvernement profite des problèmes d’insécurité pour délibérément envoyer à la mort une certaine catégorie de soldats Nigériens- délibérément, je dis à haute et intelligible voix-, s’ils ne prennent pas des mesures pour les radier simplement des listes de l’armée, pour des motifs les plus absurdes, souvent. » Tels étaient les propos tenus par M Hama Amadou devant ses militants au cours d’une réunion tenue en Turquie la semaine dernière. Retour sur le profil politique d’un manipulateur hors pair.
Les Nigériens ont suivi avec amusement les opérations de déminage tentées par son parti politique à travers des ratiocinations lamentables à propos de la notion de » catégorie ». Maintenant que nous avons la liste des hommes décédés à l’issue de l’opération de Tongo Tongo, il nous revient de lui demander de nous expliquer de quoi il a parlé « à haute et intelligible voix », en affectant un ton aussi grave pour la circonstance? De quelle catégorie de soldats nigériens, qui seraient radiés des listes de l’armée, » pour des raisons les plus absurdes » quand ils ne sont pas délibérément envoyés à la mort, parle-t-il? Pour son malheur aucune opération de contre-feu ne peut le mettre à l’abri des ravages provoqués par des propos aussi irresponsables. Pourtant, à sa sortie de la prison de Koutoukalé en 2009 l’homme avait solennellement annoncé qu’il avait changé et assorti cela de la promesse d’un autre comportement. A l’expérience, il s’avère qu’il est resté le même, toujours ennemi de lui-même, comme savent l’être les personnes habitées par L’hubris. Dans la mythologie grecque on appelle hubris la démesure dans le comportement inspirée par l’orgueil, provoquant le courroux des Dieux et appelant leur vengeance. Le destin de M Hama Amadou ressemble étrangement à celui de certains personnages de la mythologie grecque qu’il aurait dû s’aviser de lire, s’imprégner de la sagesse qu’elle véhicule et s’éviter des déboires qui décidément s’enchaînent.
L’homme qui ne croit qu’au rapport de force
Si sa démesure est son premier ennemi, l’autre grand défaut de l’homme réside dans sa propension à vouloir se considérer comme le représentant attitrée d’une certaine « catégorie «des nigériens. Ainsi a-t-il toujours affectionné les postures victimaires en expliquant ses déboires non pas comme résultant des actes qu’il pose personnellement mais comme procédant de stratégies de ses adversaires à l’encontre d’une communauté dont il serait on ne sait trop l’incarnation ou le représentant. Il est tout de même grand temps qu’il comprenne qu’une telle stratégie ne lui aura au total pas servi à grand-chose.
Il est décidément seul à ne pas comprendre que si le Président Tandja n’en avait pas fait son dauphin, comme le Président Issoufou vient de le faire pour Bazoum, c’était parce qu’il n’avait jamais bâti sa relation avec lui autrement que sur le rapport de forces et un bras de fer plus ou moins feutré permanent. Comment peut-il oublier qu’il s’était imposé à lui comme son Premier Ministre en janvier 2000 en lieu et place d’Almoustapha Soumaila qui avait sa préférence? Qui ne se souvient des stratagèmes dont il avait usé pour écarter Almoustapha Soumaila et contraindre le Président Tandja à s’accommoder de lui en faisant bon cœur contre mauvaise fortune? Il n’y avait que lui pour penser que Tandja était dupe de son jeu à l’époque. En cédant au rapport de forces en 2000, Tandja en homme d’expérience savait que le propre des circonstances est d’évoluer et que les désagréments momentanés sont appelés à passer. Il avait fallu le 31 mai 2007 et sa chute à la faveur d’une Motion de censure pour que Hama comprenne qu’il avait eu tort d’avoir si souvent moqué l’ignorance de son patron et sous-estimé ses capacités stratégiques.
Si le Président Tandja ne l’avait pas choisi comme son dauphin c’était principalement parce qu’il n’avait jamais compté sur la bienveillance de celui-ci mais uniquement sur sa force personnelle. La force, voilà le seul argument sur lequel a toujours reposé sa stratégie. C’était la force brute qu’il avait utilisée au congrès du MNSD consacrant en 2001 son passage du poste de Secrétaire général à celui de Président du parti. On se souvient de la table rase à laquelle il avait procédé dans la composition de la direction du parti dont les principales victimes furent les plus grands cadres de sa » catégorie » qu’étaient Pr Sekou, oumarou Sidikou, Almoustapha Soumaila, Wassalké Boukary, Moinkaila Harouna, etc.
A leur place, il a fait la promotion de son ami de 30 ans, oumarou Seyni et des personnes plus jeunes sans grande légitimité que sont les Omar Tchiana et autres Sala Habi propulsé au poste de Secrétaire général.
Courroucé par tant de machiavélisme et d’orgueil Dieu le rattrapera en 2009 faisant jouer à son ami et obligé de toujours, Oumarou Seyni, le rôle du cheval de Troie utilisé contre Priam pour lui arracher son parti et faire de celui-ci Calife à la place du Calife.
Lui, le Grand stratège, personne n’avait dit de lui qu’il était un Président « kama mini » du MNSD. Tout le monde savait qu’il était totalement émancipé de toute forme de tutelle de Tandja, contrairement à Bazoum que ses journaux moquent à longueur de colonnes pour être resté soumis à son patron, dans une posture dépeinte comme celle d’un minable intérimaire sans personnalité ni légitimité. La tournure prise par ses relations avec Tandja dont l’épilogue fut pour lui la prison de Koutoukalé n’avait rien à voir avec quelque ethnie ou « catégorie » que ce soit, mais demeure un problème entre deux hommes dont la relation, à son initiative exclusive, a toujours été marquée par le rapport de force et la mésestime.
Le Printemps de Youri
Sa relation avec le Président Issoufou va à partir de l’année 2011 souffrir des mêmes problèmes. Hama Amadou, Président de l’assemblée nationale, numéro 2 tout puissant du régime était devenu en moins de 2 années l’opposant numéro 1 mettant au chômage technique le chef de file de l’opposition de l’époque, Oumarou Seyni. En vérité, à peine installé au perchoir, il s’est réconcilié avec celui-ci oubliant avec cette espèce de candeur propre à ceux que leur arrogance les pousse à ne jamais douter de rien dès lors qu’il s’agit d’eux et de leurs intérêts, tout le mal qu’il lui avait fait à l’occasion de sa volte-face mémorable lors de l’élection présidentielle de l’année 2011. Ainsi se mit-il à conspirer à ciel ouvert, sans prendre la moindre précaution, en vue de créer une nouvelle alliance, renverser le gouvernement et mettre le Président Issoufou en cohabitation pour la moitié de son mandat. Un jour, il avait carrément tenu une réunion chez lui à Youri avec Oumarou Seyni et Mahamane Ousmane, à ce sujet. Les réunions de Youri se multiplièrent impliquant des députés de plus en plus nombreux et de moins en moins discrets. En grand stratège, Hama distribuait les prochains rôles tous aussi intéressants les uns que les autres, surtout pour les députés des partis de la Majorité, autre que le PNDS. Le gros lot devait échoir au député Mohamed Ben Omar du RDP qui s’était vu promettre le poste de Premier Ministre. Il était en effet parrainé par le très entreprenant et grand confident de Hama à l’époque, le député Lumana Mohamed Ould Mbarek. Le printemps 2013 fut au plan politique au Niger le printemps de Youri. De grands projets furent mis en incubation. Leur seul défaut, c’est que l’arrogance de celui qui les avait conçus lui interdisait de s’imaginer qu’en face il pouvait avoir affaire à des hommes qui sont capables de l’intelligence nécessaire pour assurer leur survie. En août 2013 interviendra la rupture entre Issoufou Mahamadou et Hama Amadou. Celui qui l’avait emporté, n’était pas celui qui se croyait le plus intelligent. La suite on la connaît.
Si nous avons fait appel à l’histoire, c’est pour démontrer que les déboires de Hama résultent de sa façon bien singulière à lui de concevoir la politique, où il n’y a pas place pour l’amitié, la confiance, la loyauté mais où tout est affaire de calculs et de rapport de force. Si son destin semble prendre la forme d’une véritable tragédie, cela ne résulte nullement de ce qu’il peut représenter mais uniquement de ce qu’il est: un homme qui sous- estime les autres. Jamais homme n’aura été aussi ennemi de lui-même et jamais homme n’aura gâché son propre destin autant que lui. Ses militants feraient bien d’ouvrir leurs yeux et de faire une bonne évaluation du parcours de leur champion. Il est grand temps, en ce qui le concerne, qu’il comprenne qu’il vivra son sort tout seul parce qu’il ne représente aucune « catégorie », qu’il fait la politique pour son propre compte et qu’il n’a même pas l’avantage de celui qu’on crédite de certaines vertus parce qu’on ne l’a pas vu à l’œuvre.
Tiemago Bizo