Ce 15 Avril 2019, les habitants de Diffa sont restés chez eux en respect du mot d’ordre de ville morte lancé par les acteurs de la société civile locale. Ce mot d’ordre a été déclenché en réaction à l’arrêté du Gouverneur modifiant et durcissant les horaires du couvre-feu depuis longtemps en vigueur sur toute l’étendue de cette région de l’extrême Sud-Est nigérien en proie aux attaques des éléments du groupe djihadiste Boko Haram.
Le couvre-feu en question a été pris peu de temps après l’attaque conduite par des kamikazes de la secte islamiste et qui a visé le Groupement de Gendarmerie Nationale se trouvant en plein centre-ville de Diffa dans la nuit du 9 AU 10 AVRIL 2019, occasionnant la mort de deux gendarmes.
A première vue, cette mesure du Gouverneur Mohamed Mouddour a eu pour conséquence une levée de boucliers chez les acteurs de la société civile locale.
Ces derniers ont ameuté la population de Diffa au siège de Alternative Espace Citoyen et ont lancé un mot d’ordre de ville morte pour le 15 avril 2019. C’est ainsi qu’au matin de la journée ville morte jusqu’à tard dans la soirée, mis à part quelques piétons visibles çà et là, les rues de Diffa étaient restées désertes.
Cependant, dans les confins ouest de la région, précisément à Mainé-Soroa, c’est une autre manifestation qui a été initiée mais qui a été maîtrisée très tôt par les forces de l’ordre. Des barricades et des pneus brûlés ont même commencé à être placés dans les artères de la ville bravant l’appel lancé par la société civile aux populations d’éviter tout acte de violence.
Selon les organisateurs de la journée ville morte, le mesures prises par les autorités régionales, « notamment le couvre-feu nocturne, les déplacements des personnes dans certaines zones, l’interdiction de l’accès aux intrants agricoles, n’ont pas permis de juguler la crise sécuritaire et humanitaire car, pendant que aux heures de couvre-feu les paisibles citoyens s’enferment dans leurs maisons, les bandits et les BH ont quartier libre pour circuler et opérer où ils veulent, comme ils veulent et quand ils veulent. Pire ces mesures de restriction ont contribué à l’effritement du tissu socioéconomique et, mieux, à accentuer la vulnérabilité des ménages de la région de Diffa », comme l’a dit le Comité de Veille Citoyenne de la Région de Diffa dans une déclaration rendue publique lundi matin.
D’après ce comité, « le couvre-feu contribue à confiner les paisibles citoyens et détruire la petite économie telle que les bouchers, les restaurants, les tabliers, les taximen, etc. » Les mêmes mesures de restriction liées au couvre-feu limitent aussi « les alertes et les dénonciation des suspects » que peuvent faire les populations.
Pourtant, les mesures draconiennes prises par les autorités gouvernementales, dans le cadre de l’état d’urgence décrété dans la région de Diffa, ont fortement mis en difficulté la secte extrémiste Boko Haram.
En effet, grâce aux restrictions touchant le commerce de poivron et la pêche sur le lit du Lac Tchad, les sources d’approvisionnement de la secte s’étaient raréfiées. Ce n’est pas un secret que Boko Haram s’est beaucoup enrichie grâce à ces activités sur lesquelles elle prélevait des taxes pour acheter armes et munitions tout en mettant au vert ses combattants.
C’est certainement grâce aussi à l’état d’urgence décrété depuis février 2015 dans la région que Boko Haram ait été réduite à mener des attaques sporadiques de très faibles envergures contrairement à celles qu’elle perpétrait les années antérieures et au cours desquelles elle mobilisait des milliers et des milliers d’hommes pour occuper des villes entières et soumettre les populations à de pires atrocités.
Entre décembre 2018 et janvier 2019, Boko Haram a été copieusement matée par l’armée nigérienne qui lui fit subir de lourdes pertes en matériel et vies humaines. 300 de ses éléments sont, en effet, morts et le restant de ses troupes, en débâcle, ne survit plus que grâce à de petites rapines.
Cependant, les récentes attaques commises dans la région de Diffa, des attaques conduites en petits groupes de kamikazes, ont conduit le déplacement de 18000 personnes et la mort de 88 autres.
Face à cette situation, n’est-ce pas qu’un esprit de collaboration avec les autorités et les FDS doit plus orienter n’importe quelle action de la société civile plutôt que pousser les populations à leur faire la fronde ?
Bassirou Baki Edir