Zakaria Abdourahaman décrypte le rôle de la société civile en démocratie

A l’occasion d’une conférence publique qu’il a animée, hier vendredi 15 mars 2019, à l’université de Zinder sur le thème: « Rôles des partis politiques, des syndicats et des Organisations de la Société Civile dans la démocratie nigérienne ». L’ancien leader charismatique de l’USN a fait la mise au point sur le rôle des uns et autres pour éviter la confusion des genres. Niger Inter reprend ici le résumé de communication.

Malgré sa relative durée et les soubresauts qu’elle a connus, notre démocratie est aujourd’hui louable et enviable. Cependant, dans le processus de son parachèvement, ses différents acteurs comme les partis politiques, les syndicats et les organisations de la société civile, chacun en ce qui le concerne, a le devoir de bien jouer son rôle. Quand les acteurs ne comprennent pas ou outrepassent leurs rôles, l’anarchie va s’installer.

Les partis politiques ont pour objectif la conquête et l’exercice démocratiques du pouvoir et la mise en œuvre d’un projet de société ou un programme politique. L’objectif de gouverner distingue les partis politiques des autres acteurs. Les syndicats sont dans une logique de corporation et défendent les intérêts de leurs membres. Ils peuvent aussi avoir une vision globale de la société. Les OSC sont quant à elles dans une forme d’auto-organisation de la société en initiatives citoyennes dans des domaines variés. Elles contribuent aussi au contrôle citoyen de l’action publique. Les trois sont fondés sur l’intérêt général ou collectif. Cependant, les frontières sont bien délimitées et chacun de ces acteurs a son rôle bien clarifié. Quand l’un s’arroge le rôle de l’autre, il s’expose à la déviance et à sa propre fragilisation.

C’est une lapalissade que de dire qu’au Niger nous avons une panoplie de partis politiques dont nombreux sont ceux parmi eux qui n’existent que par leurs récépissés. Même ceux qui font semblant d’exister traînent beaucoup de tares et d’insuffisances. On peut reprocher à certains leur inconstance et leur manque de représentativité et à d’autres leur sectarisme, leur incivisme, leur manque de programme et le déficit de formation civique et politique de leurs militants. Il y’a au moins une nette démarcation dans la configuration politique. Il existe d’un côté une majorité plurielle et de l’autre une opposition hétérogène. En tant que contre-pouvoir, l’opposition incarne la possibilité d’une alternance politique. Ce qui est surtout à déplorer c’est le rôle négatif qu’elle joue. Elle est prise en otage par un groupuscule. Elle fuit le débat démocratique en adoptant la politique de la chaise vide pour privilégier les déclarations spécieuses et les comportements antidémocratiques. Ce qui est révélateur de son antipathie pour l’alternance démocratique.

Une telle posture créera les conditions de son autodestruction. De la manière dont les choses évoluent, tout laisse à croire que notre opposition a atteint ses limites, elle est essoufflée et déboussolée. Elle a besoin d’être vite remplacée. Pour le dynamisme de notre démocratie et l’amélioration de la gouvernance démocratique gage du développement économique et social de notre pays, la majorité a besoin d’une opposition forte, constructive et responsable. Comme on le dit « si tous les pays ont un gouvernement, seules les démocraties ont une opposition. »

Pour le cas des syndicats, celui des scolaires y compris, ils sont très nombreux à jouer le rôle qui est le leur pour la vivacité de notre démocratie. Dans un contexte de pluralisme politique, syndical et associatif, les scolaires ont aussi compris que « l’avant-gardisme révolutionnaire » n’est plus un facteur mobilisateur. Ils ont conscience que pour maintenir leur unité intra et intersyndicale, ils ont intérêt à éviter les incursions maladroites sur le terrain glissant de la politique. Il faut admettre que dans la défense de leurs intérêts, la grande majorité de ces syndicats ont une démarche consciente et conséquente. Ils doivent aussi mettre l’accent sur la formation syndicale de leurs membres. L’ironie du sort, c’est le cas du syndicat des enseignants chercheurs qui sort du lot. Dans leur syndicalisme, ils doivent éviter le « corporatisme égoïste et nombriliste » avec une méthode jusqu’au-boutiste contre-productive qui conduit à l’isolement et à la décrédibilisation de leur organisation.

Quant à la société civile, elle existe bel et bien au Niger, mais c’est surtout sa frange subversive qui est la plus bruyante. C’est chez elle où la confusion et l’amalgame se côtoient aussi bien dans les idées que dans les moyens de les faire passer. Certains de ses animateurs sont tantôt de connivence avec l’opposition, tantôt ils se substituent à elle. Ensemble, ils sont dans une logique insurrectionnelle et antidémocratique de la conquête ou la reconquête du pouvoir politique. Du coup, ils créent une sorte de méfiance entre eux et le peuple qui n’accepte pas ce genre de débordement.

Le comble de l’ambivalence c’est leur prétexte de la restauration de la démocratie dans la cité et le refus de la démocratie à l’interne. A l’intérieur de ces organisations, la démocratie interne et la réédition des comptes sont des sujets et des débats tabous. Nous assistons ni plus ni moins à une monarchisation de la société civile. C’est pourquoi, le Niger a plus que besoin d’une nouvelle génération de la société civile qui va contribuer au renforcement de la vie démocratique du pays et non à la conquête du pouvoir par des astuces et des raccourcis.

Dès lors que les règles du jeu démocratique sont clairement établies, il va sans dire que les hors-jeux sont facilement visibles. Malheureusement, nous assistons à une imposture de la part de certains acteurs. Ils usent et abusent des libertés publiques tout en criant à la dictature dans leur sempiternel salmigondis où s’entremêlent des propos passéistes, utopistes et nihilistes.

L’exercice démocratique n’a pas pour but de défier et affaiblir l’autorité de l’Etat. Dans tout ce que nous faisons, les valeurs éthiques, civiques et patriotiques doivent nous guider pour le développement économique et social d’un Niger qui nous appartient tous.

Zakaria Abdourahaman