Alors que les chefs d’Etat continuent de défiler à la tribune des Nations unies, la question du terrorisme dans le Sahel et de la situation au Mali va faire l’objet d’une réunion ad hoc ce mercredi 26 septembre à New York. Il y a sept mois, une conférence des donateurs de Bruxelles promettait 414 millions d’euros pour financer une force anti-terroriste formée par le Mali, le Niger, le Tchad, la Mauritanie et le Burkina Faso. Depuis, non seulement l’argent arrive au compte-goutte, les opérations tardent à commencer mais le quartier général de cette force a même été attaqué en juin. Pour en parler, Sonia Rolley reçoit le général Abdallah Wafy, le représentant du Niger, pays qui préside le G5 Sahel cette année, auprès des Nations unies.
RFI : Quelles sont les difficultés pour mettre en place cette force du G5 Sahel ?
Abdallah Wafy : La principale difficulté est d’ordre financier. Parce que nous avons déjà mobilisé des hommes et les états-majors, général et opérationnel, sont déjà en place, mais du point de vue logistique et financier nous avons de grosses difficultés. Nous avons bouclé le financement lors de la conférence de Bruxelles, mais les fonds tardent à être décaissés.
Si les fonds n’arrivent pas, qu’est-ce qui peut se passer ?
Pour nous, ce n’est pas une option. Nous n’avons pas d’autre choix que de continuer à déployer nos forces. Parce qu’il s’agit quand même de la question de la protection de nos populations, de l’intégrité de nos frontières, et donc pour nous, c’est une question cruciale fondamentale.
Est-ce simplement le contexte international qui fait que personne ne veut mettre la main à la poche ? Est-ce un manque de confiance vis-à-vis de la force ?
Nous avons bouclé le financement. Nous avons eu des promesses fermes pour pouvoir soutenir cette force. Maintenant, c’est une question de modalités pratiques et l’urgence qu’il y a à commencer les opérations militaires. Mais nous ne voyons pas cela comme une défiance contre la Force et nous ne désespérons pas, surtout au niveau des Nations unies, d’avoir l’accord du Conseil de sécurité pour que cette force soit placée sous le chapitre sept, pour avoir accès au fonds de maintien de la paix et pouvoir avoir un soutien pérenne jusqu’à la fin des opérations militaires.
Mais les Etats-Unis s’opposent à cette possibilité puisqu’ils sont en train de demander même la réduction du budget.
C’est vrai ce que vous dites. Les Etats-Unis, à plusieurs reprises, ont fait savoir leur refus de mettre sous chapitre sept. Mais nous continuons le dialogue avec eux. Nous continuons à plaider. Nous continuons à expliquer et nous ne désespérons pas à terme d’avoir des mécanismes qui puissent permettre un financement pérenne de la force parce que c’est cela l’objectif ultime.
Si la Conférence de Bruxelles n’a pas apporté les fonds espérés, comment est-ce que vous allez boucler le budget l’année prochaine ? Cela va être de nouvelles promesses de dons d’ici là ?
Non, nous avons quand même reçu. Les décaissements commencent, ils sont lents, mais les fonds commencent à venir. Le plus urgent pour nous, c’est d’avoir l’intégralité des fonds qui ont été promis.
Pourquoi avez-vous changé l’état-major de la force du G5 Sahel au mois de juillet ? Qu’est-ce qui a prévalu ce choix ?
Je crois que les chefs d’Etat ont estimé que le moment était arrivé de changer l’état-major de la Force et nous pensons qu’avec maintenant le nouveau commandement qui a été mis en place les opérations vont pouvoir effectivement commencer avec le soutien de la communauté internationale.
N’est-ce pas une demande de l’extérieur, un constat d’échec pour la précédente équipe ?
Non, ce n’est ni un constat d’échec, ni une demande extérieure. Il s’agit d’Etats souverains.
Pourquoi est-ce qu’on arrive à créer une force comme le G5 Sahel ? Il y a déjà des mécanismes au sein des Nations unies. Comment on arrive au point où c’est à cinq Etats finalement de gérer ? Y a-t-il une forme de démission internationale ?
Non, pas du tout. Vous savez, au niveau international, au niveau des Nations unies, il y a la Minusma qui est une force du maintien de la paix des Nations unies qui a été mise en place, mais je vous rappelle que le concept d’opération de la force du G5 Sahel a été développé avec l’appui de l’Union africaine et envoyé au niveau des Nations unies pour être approuvé. Et donc ce n’est pas une force en tant que telle qui traduit une quelconque démission de la communauté internationale. Non, c’est une volonté des cinq chefs d’Etat de prendre en charge leur destin commun. Aucun Etat pris individuellement ne peut combattre cette insécurité parce que, encore une fois, nous avons affaire à des menaces globales transfrontalières.
On sait que la France rêve de se retirer du Mali. On sait que la Minusma est pratiquement bunkerisée, que les contingents sont bunkerisés à l’intérieur de ces compounds et qui, eux, n’ont qu’un mandat défensif.
Mais vous venez justement de donner des raisons supplémentaires pour que cette Force soit mise en place. Vous avez parfaitement raison. Parce que nous estimons que la force Barkhane est une force qui est là temporairement et qui ne saurait en aucune façon perdurer et assurer la sécurité de nos Etats. Maintenant, avec les Nations-Unies, nous voyons la force du G5 Sahel non pas comme une force concurrente, mais une force complémentaire pour régler la question du terrorisme. Parce que la Minusma n’est ni mandatée, ni configurée, ni équipée et n’a pas les moyens de combattre des forces terroristes.
Vos troupes sont au sein des Nations unies. Elles sont aujourd’hui « casques bleus » encore à Ménaka, dans la région de Gao. Pourquoi est-ce que ce serait impossible au sein des Nations unies de faire exactement ce que vous voulez faire avec le G5 Sahel ?
Ecoutez ce que dit le président nigérien Mahamadou Issoufou. Il a demandé à ce que même la Minusma, soit mise avec la force du G5 Sahel. Ensemble, mais avec un mandat beaucoup plus offensif. Donc la question du terrorisme est là, posée, il faut bien la dresser, il faut bien régler cette question. C’est un milliard de dollars américains. Près de 600 milliards de francs CFA qui sont dépensés chaque année pour la Minusma. Je vous, assure, si les forces du G5 Sahel ont le quart de ce montant, nous allons régler la question du terrorisme dans le Sahel.
Le Conseil de sécurité est responsable de la paix et de la sécurité internationale. Ce qui se passe au Sahel aujourd’hui, c’est une question de paix et de sécurité internationale. Pourquoi le Conseil de sécurité n’aiderait pas la force du G5 Sahel à devenir opérationnelle, surtout quand on sait qu’une des raisons de cette crise-là, c’est la situation qui prévaut en Libye et qui a fait qu’aujourd’hui ces pays sahéliens sont menacés par ces forces jihadistes, à cause de l’instabilité créée en Libye. Alors, je pense qu’il y a une responsabilité historique du Conseil de sécurité. Ils devraient assumer leurs responsabilités et aider les pays du G5 Sahel à régler la question du terrorisme dans le Sahel.