Sous le feu des critiques à l’intérieur comme à l’extérieur de son pays, Mahamadou Issoufou assure ne pas vouloir se présenter aux élections présidentielles des 2021. Ce qui n’empêche pas les détracteurs de sa « dérive autocratique » de crier au loup. A force on en oublierait presque que l’actuel président nigérien a longtemps été un opposant.
Drapé dans son boubou blanc, son presque culte chechia rouge vissé sur la tête, le président Mahamadou Issoufou pourrait tout avoir du sexagénaire nigérien aux journées paisibles. Mais derrière cette apparente tranquillité, une image soignée et une communication méticuleusement préparée, se trouve un homme seul, pris entre plusieurs feux. Il y a d’abord celui des terroristes. Ensuite viennent les associations des droits de l’homme qui voient dans chacune de ses décisions une dictature devenue insupportable. Enfin, il y a la communauté internationale, qui veut à la fois que le président fasse régner l’ordre dans son pays, et dans le sahel, tout en ménageant les sensibilités des droits de l’homme. Finalement, la fin du deuxième mandat de Mahamadou Issoufou pourrait bien coïncider avec un ouf de soulagement de celui qui a appris, à ses dépens, l’insoutenable lourdeur de la fonction présidentielle.
Funambule sur une corde tendue entre anarchie et dictature
confiait à nos confrères du quotidien britannique The Guardian. Au final, le chef d’État semble très au fait de la complexité de l’équation qu’est devenue son mandat présidentiel. Les médias, nationaux comme internationaux, n’arrêtent pas de critiquer le président pour l’interdiction de marches de contestations et l’arrestation de 26 membres de la société civile. Mais là où ses détracteurs évoquent des dérives autocratiques, le président nigérien semble, en fait, tenter de faire des efforts désespérés pour maintenir l’ordre dans son pays. Tout en lui réclamant de la souplesse, lui réclame de la fermeté, contre les terroristes. Pourtant sa guerre contre le djihad a également entrainé une montée de l’islam politique et cristallisé une partie de la population contre le président. Finalement, ce n’est pas vraiment un luxe de renoncer à un troisième mandat, que de toute façon la constitution interdit. Les choses sont devenues si compliquées, que certains se demandent si Mahamadou Issoufou n’aurait pas été plus heureux en restant le simple opposant qu’il était, il y a quelques années.
L’opposant qui voulait être président
Bien malin qui aurait pu assurer, il y a quelques années, que Mahamadou Issifou occuperait le fauteuil présidentiel. Il faut dire que l’homme a été, de nombreuses années, le visage de l’opposition.
Né en 1952 à Dandadji, le jeune Haoussa grandit et étudie au Niger. Il y obtient notamment une licence de mathématiques de l’université de Niamey, en 1975, avant de partir pour la France. Il y poursuit ses études à l’Université des Sciences et Techniques du Languedoc de Montpellier, de 1975 à 1976, à l’université Paris VI de 1976 à 1977, puis à l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne (France) de 1977 à 1979. Il cumule donc une maîtrise en mathématiques et applications fondamentales, un diplôme d’études approfondies de probabilités et statistique et un diplôme d’ingénieur civil des mines. De retour dans son pays, Mahamadou Issoufou est nommé, en 1980, directeur national des mines au ministère des mines et de l’industrie. Il occupe ce poste jusqu’en 1985, année à partir de laquelle il occupera successivement les postes de secrétaire général, directeur des exploitations puis directeur technique de la Société des mines de l’Aïr.
Mais en 1991, attiré par les sirènes de la politique, le nigérien démissionne. Il crée, avec plusieurs de ses anciens compagnons des mouvements estudiantins, le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS-Tarayya). Candidat de son parti, il arrive 3e, aux élections de 1992, derrière Mamadou Tandja et Mahamane Ousmane. Finalement, grâce à une alliance de son parti ayant permis à Mahamane Ousmanede briguer la présidence, Mahamadou Issoufou est nommé 1er ministre.
Mais assez vite, l’alliance de son parti avec la majorité présidentielle prend du plomb dans l’aile. L’ancien directeur national des mines démissionne de la primature le 28 septembre 1994. Les élections législatives anticipées de 1995 le portent à la présidence de l’Assemblée nationale, jusqu’au coup d’État militaire d’Ibrahim Baré Maïnassara en janvier 1996. Ce dernier périra par cette l’épée qu’il a brandie, dans un push survenu 3 ans après celui qu’il a dirigé. Suivront les élections de 1999. Mais, alors que Mahamadou Issoufou croit l’heure de son accession à la magistrature suprême arrivée, l’ancien président de l’assemblée nationale fera grise mine. Il est battu au deuxième tour de l’élection par Mamadou Tandja. Devenu chef de file de l’opposition il est élu député, jusqu’en 2009, lorsque le président dissout l’Assemblée nationale. Ce dernier veut rester au pouvoir, alors que ses deux mandats constitutionnels sont achevés. Mahamadou Issoufou dirige alors le front pour la restauration de la démocratie regroupant les forces démocratiques et les centrales syndicales nigériennes opposées à Mamadou Tandja.
Finalement, le président est renversé le 18 février 2010 par l’armée, qui rend le pouvoir aux civils en 2011. Cette année-là, Mahamadou Issoufou tient son graal. Il est élu président. Il sera réélu en 2016, dans un climat de tension qui persiste depuis. L’opposition, qui a boycotté les élections, l’accuse de dictature. Alors même qu’il a annoncé qu’il ne se présenterait pas en 2021, on lui prête des intentions de modifications de la constitution. Pourtant, l’homme doit rester debout. Président depuis quelques mois du G5 Sahel, il doit continuer de lutter contre le terrorisme, malgré l’appui tardif de la communauté internationale.
Qu’elle est dure la vie de président.
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