Le samedi dernier, le ministre d’Etat chargé de l’intérieur et président du principal parti au pouvoir, le PNDS-Tarayya et de la Mouvance pour la renaissance du Niger (MRN) était l’invité de l’émission ‘’Grands dossiers’’ de la Voix du Sahel animé par notre confrère Alio Ibrahim. Entre autres sujets, il y a le processus électoral dans notre pays qui constitue une sorte de pomme de discorde entre majorité et opposition. Niger Inter reprend intégralement ici cette mise au point.
Voix du Sahel : Monsieur le ministre d’Etat certains partis politiques critiquent le caractère non consensuel du code électoral. Ce code électoral est-il adapté selon vous ?
Bazoum Mohamed : Très certainement et ce code électoral, il faut vous en souvenir, avait été rédigé à l’issue de deux séminaires organisés sous l’égide de la commission nationale indépendante qui avait organisé les dernières élections de 2016. Après plusieurs contacts internationaux, un certain nombre de constats, des lacunes sur le code électoral avaient été opérés par les experts de l’OIF qui étaient venus faire l’audit de notre fichier électoral mais qui à l’occasion ont pu donner leur point de vue sur des dispositions du code électoral qui détermine d’ailleurs certains aspects du fichier électoral. C’étaient des séminaires parrainés par le NDI (National Démocrate Institute) des Etats-Unis et l’OIF (l’Organisation Internationale de la Francophonie). Ces deux séminaires se sont passés dans un cadre qui avait impliqué toutes les parties prenantes et les structures impliquées dans les questions électorales. Les documents des conclusions de ces séminaires ont servi de base à la mise en place d’un comité composé des personnes compétentes en la matière et qui avait fait une sorte de synthèse de toutes les recommandations de tous nos partenaires et de toutes nos résolutions (NDLR : partis politiques) qui consistaient à demander deux choses principalement : la première, que nous ayons un fichier électoral biométrique. C’est un engagement du Président de la République qui l’avait pris à la suite de toutes les demandes qui avaient été adressées par les partis politiques, tous bords confondus. La deuxième chose c’est que nous devrions nous mettre au niveau de tous les pays d’Afrique de l’Ouest avec lesquels nous partageons le même environnement politique, comme le fait de disposer d’une commission électorale indépendante pérenne qui ne soit pas une commission qu’on mettrait en place seulement au moment des élections. Ce sont les deux grandes recommandations qui sont consacrées par notre code électoral où se situent principalement les enjeux des débats qui ont cours actuellement. L’opposition était dans une posture très négative au lendemain des élections qu’elle venait de perdre dans des circonstances dont vous vous souvenez très certainement. Souvenez-vous que son mot d’ordre était de ne pas reconnaitre les élections et les institutions qui en sont issues et elle avait même, on s’en souvient, demandé à ses députés de ne pas intégrer l’Assemblée nationale. C’est un peu sur la pointe des pieds, après avoir séché plusieurs séances de travaux à l’Assemblée nationale pendant plusieurs semaines qu’ils étaient venus intégrer l’Assemblée nationale et prendre leurs places. Voilà son mot d’ordre qui avait fait en sorte que ses représentants à elle seulement, n’avaient pas pris part à ces discussions-là mais tous les partenaires internationaux, tous ceux qui sont intéressés aux questions électorales et qui ont l’habitude de nous assister, de nous accompagner, de nous soutenir et qui le feront même à l’avenir étaient présents à ces discussions. Les conclusions qui étaient issues de ces discussions étaient des conclusions qui sont l’expression du point de vue totalement majoritaire, que l’opposition elle-même partage et qui procède des recommandations qu’elle-même a eu à faire à l’occasion de ses différentes déclarations. Si vous voulez, vu sous cet angle-là, de la posture négative de l’opposition on serait en droit de considérer que le processus n’avait pas été assez intégrateur mais ce n’est pas parce que nous l’avions voulu mais c’est parce que eux, ils se sont mis dans cette posture-là et nous ne pouvons rien contre cela.
La Voix du Sahel : justement Monsieur le ministre d’Etat, comment interpréter l’absence de ces partis politiques au sein de la commission électorale nationale indépendante ?
Bazoum Mohamed : cela procède de leur volonté délibérée de ne pas y prendre part. Il y a derrière tout cela un calcul. Pour des gens qui ont perdu les élections et qui ont décidé de ne pas les reconnaitre, de ne pas en reconnaitre les résultats, qui pensent que si jamais ils devaient poser certains actes qui devaient consacrer leur reconnaissance de ces élections c’est toute la légitimité de leur stratégie et de leur discours qui serait mise en cause, pour des gens comme ça, je comprends qu’ils restent conséquents jusqu’aujourd’hui et qu’ils continuent cette politique de la chaise vide. Qu’est-ce qu’ils en attendent à la fin ? Ils en attendent qu’un jour qu’il n’y ait pas ces institutions avec d’autres stratégies dans ce sens-là qui sont des stratégies qu’ils ne peuvent pas assumer ouvertement. Voilà un peu ils sont dans une logique confuse…
La Voix du Sahel : êtes-vous disposés d’entamer des discussions politiques avec ces partis ?
Bazoum Mohamed : oui tout à fait sur les questions électorales, nous leur avions transmis ce message à travers le représentant spécial de la Secrétaire générale de l’OIF, M. Robert Dossou qui a eu jusqu’à trois séjours ici dans notre pays. Eux, lorsque le premier ministre les avait conviés pour la mise en place de la CENI pour qu’ils prennent part au processus électoral, pour qu’ils nous disent des choses qu’ils aimeraient que nous fassions, ils nous ont envoyé un mémorandum dans lequel ils nous ont dit qu’ils veulent une conférence nationale qui va déboucher sur la mise en place d’un gouvernement transitoire et une administration qui va organiser des élections libres et démocratiques. Et nous leur avions répondu que cela malheureusement n’est pas faisable. C’était à cette occasion que je leur ai dit qu’ils ne peuvent l’avoir que par une seule voie à savoir un rapport de force politique avec un soutien massif de la population dans le sens de ce que eux ils demandent. Ils s’en sont offusqués, ils m’en font le reproche. Mais pourquoi dois-je ne pas être franc avec eux ? C’est possible qu’ils aient ça mais pas parce qu’ils nous ont formulé ce vœu-là. Créer le rapport de force c’est ce qu’ils ont tenté à travers la société civile et leur nombre de leurs agissements qui n’ont pas porté. Ils doivent être réalistes, puisqu’ils ne sont en mesure de faire l’insurrection, de bloquer le pays, qu’ils ne sont pas aussi représentatifs qu’ils le prétendent alors la politique exige un minimum de lucidité. Ils doivent être réalistes et demander ce qu’ils peuvent obtenir, le maximum de choses qu’une opposition pourrait demander, mais pas de demander au pouvoir de se suicider et qu’il leur fasse la fleur d’aller au-devant de toutes leurs volontés fantaisistes.
Propos transcris par Elh. Mahamadou Souleymane