Au moment où se tient à Paris la Conférence de la Renaissance « Un Niger renaissant pour un peuple prospère », dans un contexte mondial particulièrement instable, un environnement immédiat sous haute tension, avec notamment la crise sécuritaire multiforme qui sévit dans la région du Sahel, nul doute que beaucoup d’observateurs sont surpris de voir notre pays réussir malgré tout à « sortir la tête de l’eau » et à se doter d’un instrument de qualité pour faire face à ses défis de développement durable au cours des prochaines années.
J’observe certes de loin, mais avec attention, la situation de notre pays. Et, c’est l’occasion ici de féliciter l’ensemble de notre peuple pour le succès que constitue d’ores et déjà l’élaboration consensuelle du Plan de Développement Économique et Social (PDES) / 2017-2021, ce document phare d’orientation et de mobilisation des ressources techniques et financières récemment approuvé par notre Gouvernement et qui est au cœur des échanges durant ces deux jours de conférence à Paris. Félicitations aussi plus particulièrement au Président Issoufou Mahamadou pour sa vision et l’impulsion qu’il donne dans l’action au service du progrès du Niger et dont le PDES est aujourd’hui la pierre angulaire, sans oublier l’ensemble du gouvernement et spécialement la « capitaine de l’équipe chargée du PDES », la Ministre du Plan Madame Kane Aichatou Boulama.
Maintenant que nous avons « notre feuille de route » qui devra nous guider vers le progrès global de notre Nation, que nous sommes en passe de boucler son financement, l’un des prochains défis majeurs sera de s’assurer de l’adhésion continue et consolidée de la majorité des nigériens au pays et dans la diaspora durant la phase cruciale de mise en œuvre du PDES. En l’occurrence, cette initiative majeure qui va permettre d’établir les bases de lendemains plus radieux pour notre Nation est l’affaire de tous les nigériens et nigériennes, surtout dans chacune des étapes de sa mise en œuvre au cours des prochaines années. Il s’agit donc pour tous les patriotes de se mobiliser, chacun à son niveau pour la réussite de l’exécution du PDES !
Quelques réalités actuelles de notre situation nationale illustre bien les défis énormes auxquels nous sommes confrontés et que le PDES devra nous permettre de relever.
Il s’agit singulièrement de parvenir enfin à combler le fossé entre les sexes en s’assurant notamment que les ambitions du PDES bénéficieront aux nigériennes et aux nigériens de manière égale. Rappelons qu’en 2016, le Niger a été classé 149ème sur 152 pays en matière d’inégalité entre les sexes. La marginalisation des femmes est principalement liée à l’accès à l’éducation, à la participation à la vie économique, et à la prise de décision. Le PDES ne saurait réussir en ignorant l’épanouissement de plus de la moitié du peuple nigérien…Pensons-y bien et agissons pour ce faire !
Une autre problématique essentielle de mon point de vue est sans conteste le faible taux d’accès à l’énergie électrique, moteur du développement et à l’internet, poumon de l’économie du futur proche et lointain… Avec un taux d’accès à Internet de seulement 2,1 % pour un taux moyen en Afrique de 23,4 % et un taux d’accès à l’électricité de 11,7 % (et de moins de 1% dans les zones rurales) pour une moyenne de 43% en Afrique subsaharienne (autour de 18 % dans les zones rurales), les défis à relever sont énormes à ces niveaux !
D’autre part, au cœur de nos espoirs pour le futur se trouve notre jeunesse – 50.5% de notre population a moins de 15 ans ! Comment pouvons-nous dès aujourd’hui créer des opportunités pour ceux qui seront le moteur du processus d’autonomisation et d’inclusion du Niger de demain? Face au drame insoutenable de l’immigration clandestine et son versant le plus abject que constitue le phénomène de l’esclavage des migrants récemment mis en lumière, il nous faut agir vite et bien pour redonner confiance à notre jeunesse afin de la maintenir au pays et de lui donner des réelles raisons de se sentir utile chez nous ! C’est aussi ici que nous devrons faire preuve d’innovation en maximisant notamment l’apport des nouvelles technologies, adaptées à nos réalités, pour faire des bonds qualitatifs et quantitatifs plus rapides vers le développement de notre pays. Assurer une formation de qualité à notre jeunesse (développement du capital humain) et positionner à terme notre pays comme un vivier de ressources humaines de qualité, un hub futur des services et de l’économie du futur au cœur du Sahel. Un rêve? Non, une ambition possible à réaliser avec volonté et stratégie bien pensée. Regardons par exemple Dubaï aujourd’hui…Qui l’eut cru il y’a quarante ans ? Le PDES doit constituer le socle de cette ambition inscrite sur le long terme. Il énonce d’ailleurs quelques pistes de solution qui me semble très pertinentes notamment en matière de soutien au développement du secteur privé par l’entrepreneuriat à tous les niveaux. Nous devrons parvenir à établir les conditions qui favorisent l’éclosion du génie nigérien dans tous les secteurs, ceci doit constituer l’un des challenges majeurs pour le PDES dans son volet « secteur privé et développement économique ».
Dans cette perspective, l’apport de notre diaspora sera déterminant dans la réussite du PDES. Essayons ainsi de mieux maximiser ce potentiel important de notre Nation. Je suggère notamment que soit initié un volet « Crowdfunding » dans la mobilisation des ressources pour financer des projets spécifiques du PDES en utilisant Internet notamment et en rendant cette initiative attractive et concrète notamment pour notre diaspora… Des modèles existent qui pourraient nous inspirer à ce sujet. De plus, dans l’actionnariat des nigériens de la diaspora et des « amis du Niger » au sein des entreprises au pays, il serait judicieux de penser à une exonération totale d’impôts sur la durée de la phase du PDES actuel, par exemple si l’investissement est fait durant les 12 prochains mois, soit d’ici fin 2018. Et aussi, si la majorité de l’initiative privée en question demeure entre les mains de nigériens, même de la diaspora. Ceci pourra encourager la diaspora et des amis du Niger à investir davantage au pays et soutenir l’exécution du PDES. Bien sûr, ces investissements devront avoir un lien direct ou indirect évident avec les priorités du PDES. Aux experts de peaufiner cette idée.
Toujours dans l’optique de gagner le pari du financement du PDES, il nous semble utile d’innover aussi dans la maximisation de l’apport interne pour son financement. On parle souvent de la nécessité d’une augmentation de l’assiette fiscale, il y’a lieu d’envisager des innovations en partenariat notamment avec les compagnies de téléphonie cellulaire pour recueillir progressivement même un petit 500 FCFA par mois, auprès de tous ceux et celles qui œuvrent dans l’informel par exemple. Mais en parallèle, communiquer dans le cadre d’une véritable stratégie pour démontrer le bien-fondé de toutes ces mesures, leurs retombées directes et palpables pour notre population à Court, Moyen et Long terme. Dans le secteur formel, mieux récompenser aussi le civisme fiscal au niveau des entreprises de toutes dimensions par des gratifications diverses. Toujours dans le volet « innovation » et c’est possible avec nos jeunes talents en informatique, penser à créer une application sur mobile simple et ludique de suivi du PDES en Français, Haoussa, Djerma-Songhai, Tamachek, Fulfulde…car presque tout le monde a un cellulaire au Niger ! Nous sommes tous connectés même dans nos villages les plus reculés. Il faut se saisir de cet atout pour mieux informer la population et faciliter le suivi et l’appropriation par tous de l’exécution du PDES. Cela ne doit plus rester une affaire de spécialistes ou des « initiés »; il faut rendre son suivi simple et accessible à tous…
Le Niger n’est pas un ilot isolé du reste du monde. Notre environnement immédiat est particulièrement confronté à des défis sécuritaires qui risquent notamment d’annihiler tout effort de développement si nous ne parvenons pas à juguler ces dangers multidimensionnels. Aussi, il nous semble pertinent de favoriser au maximum la concertation sous régionale et continentale dans la réponse à apporter à ces défis sécuritaires et, d’éviter d’exposer le Niger comme un acteur singulier dans cette lutte mondiale contre le terrorisme. Cela est et doit rester une affaire de tous et, dans notre contexte, une affaire des pays du Sahel en particulier.
L’autre défi global qui exige une attention singulière et concertée entre nos pays est celui de la lutte contre le changement climatique et ses corollaires de plus en plus néfastes pour nos populations notamment en milieu rural. Le PDES aborde judicieusement cette problématique spécialement dans son volet « gestion durable des terres, des eaux et de la biodiversité ». Un travail en synergie avec les pays de la sous-région sera bien évidemment plus profitable à tous. Le Niger devra aussi saisir toutes les opportunités de la nouvelle économie en gestation dite « économie verte ». Nous pensons ici par exemple au Fonds Vert mondial qui va mobiliser dès 2020 près de 100 milliards de dollars dont notre pays pourrait bénéficier d’une partie dans le cadre du financement des initiatives de développement économique durable, respectueux de l’environnement.
L’avenir du Niger est prometteur avec la mise en œuvre du PDES que nous devons soutenir et surveiller. Il nous faudra aussi penser à mettre en place une stratégie de communication nationale et internationale de qualité et de long terme, avec un message fort autour de l’ambition de faire du Niger un pôle de stabilité en Afrique de l’Ouest, un catalyseur du développement du Sahel grâce notamment au PDES.
Que le paysan de Maradi, l’étudiant de l’Université Abdou-Moumouni, la femme d’affaires dynamique qui fait régulièrement le voyage entre Niamey et Dubaï ou Guangzhou , celle dans son foyer aux faubourgs de Zinder, le soldat au front luttant contre les terroristes, le nigérien de la diaspora ayant réussi et brûlant d’envie de revenir apporter son expertise au pays, le douanier, le médecin en milieu rural,…bref, que toutes et tous ayons à l’esprit que les hommes passent mais que le Niger et notre Nation resteront. Inscrivons par conséquent nos actions dans la durée et agissons dans ce sens pour que le Niger puisse devenir demain l’une des plus belles réussites africaines en matière de développement durable. C’est possible ! Comme beaucoup d’autres, j’y apporterai, d’une manière ou d’une autre, ma modeste contribution.
Maman S. SIDIKOU
Fonctionnaire International /
Ancien Directeur de Télé Sahel/
Ancien Ministre des Affaires étrangères