« Ne pas aider le G5 Sahel et laisser la situation au Mali se dégrader davantage jusqu’à l’implosion seraient une faute que les Etats membres ne devraient pas commettre »
Le ministre des Affaires Etrangères, de la Coopération, de l’Intégration Africaine et des Nigériens à l’Extérieur, M. Ibrahim Yacoubou, était, le samedi 23 Septembre dernier, à la tribune de la 72ème session de l’Assemblée Générale des Nations Unies, à New York (USA) pour présenter devant l’auguste assemblée le message du Niger. Il a axé son intervention sur les grands défis auxquels fait face notre pays, avant de s’appesantir sur la situation au Sahel, en Afrique et dans le reste du monde.
Pour le chef de la diplomatie nigérienne, « Le Niger est conscient que chaque pays est responsable de son propre développement et chaque peuple, de son propre destin. Cependant, les pays les plus vulnérables, je veux parler des pays les moins avancés, ceux en développement sans littoral et les petits Etats insulaires en développement méritent le soutien et l’appui des nations plus nanties. La coopération et la solidarité sont des piliers essentiels de notre organisation commune. C’est un engagement originel de tous les Etats membres d’œuvrer pour que les peuples atteignent un niveau de vie décent.
C’est pourquoi, tout en reconnaissant certaines évolutions positives, il importe aux Etats membres de l’ONU de s’engager davantage en faveur du partenariat et de la coopération, afin d’atteindre les Objectifs de Développement Durable et de lutter contre les inégalités entre les Etats et à l’intérieur des Etats. À cet égard, le Niger souligne l’impérieuse nécessité d’une mobilisation effective des ressources nécessaires au financement du développement conformément au Programme d’Action d’Addis-Abeba ».
Parlant des différents plans de développement élaborés par notre pays, le ministre Yacoubou a indiqué que « le gouvernement du Niger a exécuté, avec succès, le Plan de Développement Economique et Social 2012–2015 et vient d’adopter un deuxième Plan couvrant la période2017–2021.
Celui-ci prend en compte les grandes orientations du «Programme de Renaissance Acte 2» de Son Excellence Monsieur Issoufou Mahamadou, Président de la République du Niger et de la Stratégie de Développement Durable et de Croissance Inclusive NIGER 2035.
Ce Plan a été conçu pour poursuivre et amplifier les efforts du gouvernement en vue d’affronter les défis immenses de notre développement. Il est l’expression de notre volonté d’améliorer substantiellement et durablement les indicateurs sociaux de base, garantir les droits universels, réaliser la souveraineté alimentaire, protéger l’environnement, construire des institutions démocratiques fortes, défendre l’intégrité de notre territoire et assurer la sécurité des biens et personnes sur l’ensemble du territoire national.
Il prend également en compte les grandes lignes de l’Agenda 2063 de l’Union Africaine ainsi que celles du Programme de Développement Durable à l’horizon 2030.
Fort opportunément, ce Plan sera présenté aux partenaires techniques et financiers du Niger lors d’une table ronde des bailleurs de fonds qui aura lieu à Paris du 11 au 13 décembre 2017, sous le Haut patronage du Président de la République. Le Niger se mobilisera pour produire le maximum de ressources internes destinées à le financer, mais il sait aussi pouvoir compter sur la solidarité agissante de ses partenaires au développement.
J’en appelle donc aux Etats et au secteur privé qui croient en notre potentiel à nous accompagner dans ce projet ». Sur le plan sécuritaire, le Ministre Ibrahim Yacoubou a été on ne peut plus clair : « il s’agit de menaces stratégiques, qui peuvent même mettre en péril l’existence de nos Etats. Il s’est longuement attardé sur la crise libyenne, Boko Haram et la situation au Nord Mali. Le Niger, dit-il « fait précisément face à trois foyers de menaces.
La première est liée à la situation en Libye.
Sans un gouvernement ayant autorité sur l’ensemble du territoire, avec des milices, des groupes terroristes et trafiquants, un processus à la peine, la situation est non seulement une préoccupation pour les libyens mais aussi pour les pays voisins comme le Niger. Du fait de la circulation incontrôlée des armes de tout calibre, des groupes armés deviennent des menaces directes aussi bien pour les populations libyennes que pour les pays voisins. Tant que ce pays ne sera pas stabilisé, nous n’aurions aucune garantie que l’espace sahélo-saharien ne continuera pas à faire face à des soubresauts violents.
Le Niger appelle l’ensemble de la communauté internationale à s’engager véritablement pour la restauration d’un ordre démocratique en Libye. Le Niger n’a qu’un agenda et un seul en Libye: la paix. C’est pour cela que nous considérons que nous devons d’ores et déjà apporter notre soutien au processus de révision de l’accord politique et tout mettre en œuvre pour que : les libyens eux-mêmes soient maitre de leur destin politique; la réconciliation soit inclusive, à l’exclusion des groupes terroristes ; l’armée soit unifiée et nationale ; les milices soient désarmées et les groupes terroristes neutralisées; le processus référendaire et électoral s’engage sur la base d’une nouvelle constitution et des lois électorales consensuelles.
La deuxième menace est celle que nous affrontons dans le Bassin du Lac Tchad. Depuis plus de deux, en synergie avec le Cameroun, le Tchad et le Nigeria nous menons un combat acharné contre le groupe terroriste Boko-Haram. Ce groupe barbare qui a fait plusieurs milliers de victimes est aujourd’hui considéré l’une des plus cruels de ceux qui sévissent en Afrique.
Grace à la Force Multinationale Mixte, nous avons obtenu de victoires conséquentes et la peur a changé de camp.
Aujourd’hui nous avons considérablement réduit les capacités offensives et de nuisance de Boko Haram: il n’est plus possible à cette organisation criminelle de contrôler et d’administrer, comme elle le faisait si aisément auparavant, une quelconque localité d’un de nos pays. Cependant et même s’ils sont affaiblis et en débandade en errance, les éléments Boko Haram demeurent encore dangereux, en organisant des attentats suicides par des jeunes filles contraintes à devenir des bombes humaines, ou des esclaves sexuelles.
Je voudrais à cet égard, avoir une pensée pour les 39 femmes et enfants enlevés en juillet dernier au Niger par le groupe terroriste Boko Haram.
Le gouvernement du Niger demeure fortement engagé et mobilisé jusqu’à leur libération. La troisième menace, et de loin la plus préoccupante, est celle que constitue la situation au nord Mali. Nous avons à résoudre deux questions: la première concerne la mise en œuvre des accords de paix et de sécurité et la seconde, la lutte contre les groupes terroristes et les trafiquants. De notre point de vue, de ces deux questions, la plus décisive est celle de la lutte contre les groupes terroristes et les trafiquants. Tant que ces derniers n’auront pas été défaits, il sera difficile de mettre en application les accords de paix ou d’espérer la restauration de l’autorité de l’Etat malien sur l’ensemble de son territoire national.
Notre objectif premier, notre cible, est donc l’éradication de ces groupes et la destruction de ces trafics devenus la source de leur financement.
C’est pour cela que les pays membres du G5 Sahel ont décidé de mettre en place une force conjointe. Malgré l’engagement et la détermination des Etats membres, nous restons fortement préoccupés par la faible mobilisation de la communauté internationale pour rendre cette force opérationnelle.
Le Niger est convaincu que cette force permettra d’imposer les conditions d’un rapport de forces irréversible en faveur de la paix et de la stabilité au mali et dans l’ensemble du Sahel. J’en appelle donc à un véritable sursaut pour que nous prenions les décisions qui s’imposent. Le Niger appelle le Conseil de sécurité au vote d’une nouvelle résolution qui prévoit un engagement de nos forces sous le chapitre 7 et prévoir un mécanisme de financement prévisible et durable. Au demeurant, il s’agit simplement de réorienter les ressources existantes pour permettre à cette force d’atteindre ses objectifs.
Ce qui est en jeu au Sahel est non seulement un combat pour la paix et la sécurité de la région mais également pour la paix et la sécurité internationale. Ne pas aider le G5 Sahel et laisser la situation au Mali se dégrader davantage jusqu’à l’implosion seraient une faute que les Etats membres ne devraient pas commettre. Je voudrais donc remercier tous les partenaires qui ont déjà annoncé leur contribution pour l’opérationnalisation de la Force du G5 du Sahel. A cet égard, le Niger se félicite des récentes consultations entreprises par le Secrétaire général des Nations Unies et l’encourage à poursuivre ses efforts en vue de permettre le déploiement de cette force ».
Evoquant la question du terrorisme et le combat déterminé que mènent nos forces de défense et de sécurité, le Ministre Yacoubou a rappelé devant l’instance onusienne « que le Niger restera éternellement reconnaissant pour le sacrifice de ses filles et fils qui, avec courage et honneur, se battent pour préserver et sauvegarder l’intégrité du pays. Nous payons certes un lourd tribut pour ce combat, mais le Niger continuera à assumer son rôle et son devoir pour que jamais aucune organisation terroriste ou criminelle ne puisse occuper ou s’installer sur une portion de notre territoire.
C’est pour cela que le gouvernement ne cesse de déployer des efforts considérables pour organiser la montée en puissance et le renforcement de capacités de nos forces. En tout état de cause, notre détermination ne faiblira jamais et nous gagneront ces guerres car notre cause est noble ». Concernant l’épineux problème d’immigration, le chef de la diplomatie nigérienne a fait cas « des milliers de migrants à travers le monde risquent, chaque année, leur vie à la recherche d’un mieux-être, faisant des déserts et des mers des «cimetières à ciel ouvert».
Les migrants irréguliers, victimes des passeurs criminels sans foi ni loi doivent être protégé.
Le Niger, pays essentiellement de transit, réaffirme sa volonté de lutter contre les réseaux de la migration irrégulière et continuera de tout mettre en œuvre pour s’attaquer à ces causes profondes. C’est le sens du plan de notre pays présenté au Sommet Union Européenne-Union Africaine sur la migration, de la Valette ». J’avais évoqué tantôt la situation sécuritaire à l’Ouest et à l’Est du Niger, je voudrais rappeler ici que du fait de ces conflits, notre pays, quoique parmi les plus démunis au monde, accueille dans les régions de Diffa et Tillabéry plus de deux cents mille réfugiés, personnes déplacées internes et retournées.
Au-delà, pour le Niger, le plus important est de sortir des urgences pour amorcer le redressement socio-économique de zones affectées par ces conflits. Au sujet des opérations de maintien de la paix, Ibrahim Yacoubou s’est demandé « s’il n’est pas temps pour l’organisation des Nations Unies de s’interroger sur leur efficacité et de tirer les leçons des insuffisances et des échecs constatés çà et là. La nature et les acteurs de ces conflits ont changé. Nous avons à faire à des acteurs non-étatiques ayant recourt à des actions asymétriques pour lesquelles les missions des maintiens de la paix ne sont ni adaptés ni préparés.
C’est pourquoi la MINUSMA est devenu aujourd’hui la mission la plus meurtrière.
Aussi, il importe, que ces missions soient revues dans leur composition, armement et surtout mandat ». S’agissant de certaines questions internationales majeures, Ibrahim Yacoubou a réaffirmé « que le Niger est solidaire de la lutte du peuple palestinien pour la liberté et l’indépendance. Notre position reste invariablement la résolution juste et définitive de cette question en garantissant la création d’un Etat souverain de Palestine avec Jérusalem-Est comme capitale. Les exactions contre les musulmans Rohyngas du Myanmar sont inacceptables. Des violations graves et massives des droits humains commises doivent être sanctionnées.
Le Niger condamne sans équivoque ces atrocités. Le Niger, Etat partie, de l’Accord de Paris respectera ces engagements. Il est convaincu qu’il n’y a aucune autre alternative pour sauver notre planète et surtout la préserver pour les générations futures.L’Accord de Paris et la consécration de notre prise de conscience mais aussi la preuve de notre responsabilité commune. Un retour en arrière n’est donc pas souhaitable, sauf à considérer que le sort de la terre et de de l’humanité n’est pas une préoccupation pour nous.
Le Niger exhorte les Etats Unis d’Amérique et Cuba à persévérer dans le dialogue constructif entrepris entre les deux pays et jusqu’à la normalisation des relations et la levée totale de l’embargo. La question du désarmement est une question capitale. Elle mérite une attention toute particulière en vue de renforcer la confiance entre Etats. Le Niger appuie fortement les actions entreprises par l’ONU en vue de parvenir à un désarmement général et complet tant au niveau des armes de destruction massive que des armes classiques ».
Il a également rappelé le contexte particulier de la tenue de la présente session marqué par la dégradation de la situation sécuritaire pour certains, et tout récemment, par les destructions occasionnées par les cyclones dans d’autres Etats membres. « A ces pays affectés, je voudrais réitérer ici notre solidarité et notre compassion. Pour ceux qui auraient eu la faiblesse de l’oublier ou de le négliger, la nature nous a rappelé qu’elle pouvait souvent être indomptable et démontré que le changement climatique pourrait être, par moments, porteur de catastrophe et de pertes irrémédiables.
Nous devons donc prendre conscience et nous convaincre définitivement que de nouvelles normes de production et de consommation s’imposent à nous ». Avant de conclure son importante allocution, le Ministre Ibrahim Yacoubou a demandé avec insistance à l’Assemblée de se pencher sur la question cruciale de la réforme des organes des Nations Unies. Pour lui, en effet, « les défis nouveaux et multiples générés tant par la mondialisation que par les profonds bouleversements et transformations qui ont affecté les relations internationales depuis des décennies, la nécessité de tenir compte des nouvelles dimensions géopolitiques, notamment s’agissant de l’Afrique exigent que nous abordions la question cruciale de la réforme des organes des Nations Unies.
Conformément à la position commune d’Ezulwini, le Niger demande que la composition du Conseil de Sécurité soit reformée, que l’Assemblée Générale soit revitalisée, les Nations Unies doivent rester une organisation démocratique qui consacre l’égalité souveraine des Etats et non une organisation à étages où les droits sont différenciés entre les puissants et les faibles ».
Pour conclure mon propos devant cette auguste assemblée, je voudrais réaffirmer qu’en toute occasion et devant chaque défi, mon pays le Niger assumera toujours le rôle qui est le sien pour partout promouvoir et défendre la paix, éliminer la pauvreté et les inégalités et préserver notre environnent. Nous avons pleinement conscience des responsabilités qui sont les nôtres pour changer notre propre sort et contribuer à ce que le monde soit sûr et meilleur.
Ces responsabilités, nous les assumerons pleinement et de manière déterminée ».
À propos de l’Auteur
Namalka Bozari (Tamtam info News)