Dr Badié HIMA est Senior Directeur Résident du NDI au Mali et ancien membre de la CENI Niger. Acteur et observateur du processus démocratique en Afrique, il livre dans une interview qui paraitra la semaine prochaine dans Le Républicain et Niger Inter, ce qu’il a appelé « les leçons kényanes pour la démocratie en Afrique ».
Si les démocrates du monde entier saluent le courage de la Cour suprême du Kenya, Dr Badié HIMA salue et apprécie. Il avance même que malgré les problèmes encore non résolus, l’Afrique est dans la bonne direction pour s’approprier sa propre histoire. Il s’empresse cependant de rappeler qu’il y a eu la Cour Constitutionnelle sous Mme Bazeye au Niger.
A la question, quelles sont les leçons kenyanes pour la démocratie en Afrique, il développe les éléments fondamentaux suivants :
1. La nécessité de construire des institutions fortes. Ce n’est pas assez de le répéter, cela a toujours été répété, mais ce qui n’a pas été suffisamment développé, est ceci : qu’est-ce qu’il faut pour avoir des institutions fortes dans un pays.
2. La forte capacité de mobilisation de l’opposition et sa maitrise effective et exacte de la loi électorale et des questions du contentieux électoral, des formes d’irrégularités et des procédures de plainte. Odinga et son parti viennent d’administrer la preuve.
3. La capacité de documentation des irrégularités, si vous ne pouvez pas documenter les irrégularités, il est inutile de contester, inutile d’en vouloir à la Cour constitutionnelle et à la cour suprême, ni de se plaindre de la Communauté internationale ou de l’observation internationale ou nationale. Ces derniers sont des acteurs importants du processus, de grands témoins, mais les partis politiques sont au centre d’une élection, ils sont les compétiteurs. C’est au plaignant d’administrer la preuve dans le contexte d’institutions précaires et non indépendantes. Il faut donc couvrir et investir le terrain. Les technologies de l’information le permettent aujourd’hui. Si dans beaucoup de pays, les cours sont qualifiées de non indépendantes, il faut éprouver leur dépendance en documentant massivement les irrégularités et en les brandissant aux yeux de l’opinion nationale et internationale. Les institutions chargées du contentieux sont obligées de sévir quand les preuves irréfutables et concrètes sont brandies. Elles sont obligées de s’aligner sur les standards, cela malgré elles. Il faut les obliger à s’aligner par la documentation et la publicité sur les irrégularités.
4. La capacité de l’opposition à maîtriser ses militants par des messages de paix afin d’éviter les violences qui entament la légitimité de ses revendications et donnent des arguments au parti au pouvoir en place pour arrêter et réprimer dans ses rangs et tuer l’expression légitime de la volonté populaire
5. La maitrise par les partis de l’opposition de l’enrôlement des électeurs, donc la question récurrente du fichier électoral. Les partis politiques de l’opposition doivent le maitriser parfaitement au risque de se voir imposer un résultat ou un score programmé dans et par le processus d’élaboration du fichier électoral, qui n’a rien à avoir avec leur réelle représentation nationale. Souvent des manœuvres peuvent être inventées pour exclure leur fief électoral de l’enrôlement. L’opposition gabonaise ne l’a-t-elle pas vécu? Il existe plusieurs autres cas en Afrique.
6. Une observation nationale indépendante par la société civile et le décompte parallèle si les conditions le permettent.
7. La permanence dans la lutte, la volonté du peuple doit être défendue avec courage et détermination, même au prix de la dureté de la vie dans l’opposition. N’a-t-on pas dit qu’il faut vivre et mourir pour ses idées. S’il faut « compétir » pour gagner aujourd’hui, on peut perdre aujourd’hui. il faut donc inscrire le combat politique dans la durée. Il est dur de s’opposer indéfiniment, d’être brimé dans ses droits indéfiniment, comme le cas de Odinga, ou de nombreux opposants sur le continent mais il est combien noble de lutter pour ses idées et de continuer à lutter pour les millions de citoyens qui croient aux mêmes idées. Un jour, vous gagnerez. un jour Odinga vaincra.
Dr Badié Hima