D’une manière générale, la vertu relève du comportement. Que ce soit en religion où elle se caractérise par la persévérance à être en accord avec la loi divine, ou en société où elle reflète l’honneur, la dignité, la modestie, la sincérité et le don de soi, la vertu morale est la bonne pratique bienfaisante à promouvoir sans modération. La vertu est la bienfaisance envers le prochain. Et tous ceux qui composent la société dans laquelle nous vivons sont nos prochains, la vertu est donc la bienfaisance envers la société, et il n’est donc de bien pour nous que ce qui fait le bien de la société. Or il n’existe pas de société sans politique ou sans acteurs politiques, parce que la politique c’est l’art de gérer les affaires de la Cité.
Le système de démocratie représentative est conçu de sorte que nous soyons obligés de confier la gestion de notre cité, de notre pays le Niger à des politiques, ces hommes et ces femmes qui font de la politique. Le système constitutionnel nous octroie cette liberté de choisir les dirigeants de notre pays. De toute cette pléthore d’hommes et de femmes qui s’engagent dans le combat politique, la vertu morale de nos gouvernants doit guider nos choix car il y va de l’avenir du pays et de son peuple.
Au delà de la vertu morale (essentielle mais non suffisante), nos gouvernants doivent avoir de la vertu civique, qualité indispensable pour gouverner dans une république, cette « chose publique » telle que définie par Platon et Aristote. La vertu civique ou publique, est la vertu de Montesquieu qui induit l’amour de la patrie et de l’égalité. L’idéal mis en exergue est de « se sacrifier pour que triomphe la patrie ». On voit clairement que la vertu et la politique ne sont nullement indissociables mais sont étroitement liées.
Quid de nos hommes politiques ?
Au Niger la vertu et la politique, sont à l’exercice de la pratique, deux mots qui peuvent paraitre antinomiques : on ne peut être un homme bon quand on fait de la politique, tout comme on ne peut être un homme politique quand on est bon entend-on souvent au détour des conversations. Ce n’est pas la faute des Nigériens de penser ainsi mais à nos politiques qui nous ont permis, à l’exercice du pouvoir, d’avoir à tort ou à raison cette pensée voire cette intime conviction. En les observant de près, la plupart de ceux qui aspirent à gouverner ou qui gouvernent présentent des comportements contraires à la vertu.
En France et dans les sociétés occidentales, le XXè S a souvent été caractérisé par de phases d’antiparlementarisme et de défiance vis-à-vis des classes politiques accusées de tous les maux : corruption, népotisme, incompétence, faiblesse, corporatisme…Mais les affaires de la Cité et le développement de ces Nations s’opèrent grâce à l’équilibre et la complémentarité des pouvoirs démocratiques mais aussi l’exemplarité des règles établies. Au Niger, et ailleurs en Afrique, nous accumulons ces tares depuis plus de 50 ans sans que l’essor de nos sociétés s’en ressente ou assez peu.
Pour une vertu morale
L’un des aspects de la vertu, c’est le bonheur de prendre soin de ses semblables. C’est ainsi qu’en politique et dans la sagesse populaire on dit que, « les plus vertueux sont généralement les plus indigents », ceux qui ne sont pas corrompus, qui ont des priorités d’altruisme, de modestie face au pouvoir et à la puissance de l’argent, qui comme l’affirmait François Mitterrand « [cet] argent qui corrompt, qui achète et qui pourrit jusqu’à la conscience des hommes !».
Certains chefs d’Etat ne sont pas tombés dans le piège de la toute-puissance de l’argent. Plus près de nous, le général Seyni Kountché en 13 ans de règne nous a donné l’exemple de la vertu et de modestie, à l’instar du capitaine Thomas Sankara au Burkina Faso qui n’ont pas thésaurisé de sommes faramineuses dans quelque banque occidentale et qui, pourrait-on dire sont morts presque « pauvres ». Chez nous la politique s’apparente à la course à la richesse et le raccourci idéal vers une ascension sociale rapide : c’est l’exhibition des biens matériels et financiers, la confusion entre son portefeuille et le portefeuille de l’État, le m’as-tu-vu et toute cette fatuité qui assimile un homme politique à « quelqu’un qui a réussi ».
Eloge de la vertu civique
Dans la vertu de Montesquieu, la république est le rapport établi entre la vertu et la patrie. La république repose sur la vertu. Et comme on est dans une république démocratique, la vertu civique doit être l’adéquation avec les lois de la république, la vertu civique implique l’amour de la patrie et le sacrifice pour la patrie. Le Niger doit être privilégié sur les hommes. Nos gouvernants ont le droit de penser à eux, mais ils ont le devoir de penser au Niger d’abord.
Pensez au Niger dans la sincérité de votre engagement politique, autrement dit, faites de la politique parce que vous êtes convaincus de votre capacité à faire bouger les lignes vers le développement. Pensez au Niger dans le tissage de vos alliances, ne posez pas des conditions de poste et de partage lorsque vous acceptez de participer à la gestion de notre pays, les alliances se scellant dans l’intérêt de la nation. Pensez à une alliance par idéologie et par conviction, ne vous rabaissez pas pour une question de poste, de l’argent ou des marchés publics, rabaissez vous devant le peuple et devant la patrie. Acceptez si nécessaire l’humiliation tant que l’honneur de la patrie sera préservé et l’intérêt général aura triomphé. Pensez au Niger dans votre opposition. Ne vous opposez pas juste pour vous opposer, on peut bien être de l’opposition et contribuer au développement de son pays. On peut bien être à l’opposition et exécuter ne serait-ce que le 1% de son programme politique pour lequel on n’a pas été élu. Pensez au Niger dans l’exercice du pouvoir, ne soyez pas aveuglés par les courtisans qui ne chantent que les louanges du prince, ne soyez pas de ceux qui ne cherchent qu’à faire plaisir au prince en ne lui disant que ce qu’il veut entendre. On peut bien être au pouvoir et s’opposer au pouvoir quand il met en danger l’intérêt de la république. Pensez au Niger dans l’exercice du pouvoir en étant fidèle à vos engagements, en respectant autant que possible les lois et les fondements de la république.
Pensez au Niger quand vous élaborez des lois, ne vous taillez pas des lois sur mesure, n’asphyxiez pas les comptes de l’État à travers vos dépenses de luxe et la création des postes inutiles. Pensez au Niger et à son peuple en toutes circonstances, ayez pitié de ce peuple passif qui ne cesse de vous donner des secondes chances, soyez solidaires de ce peuple dans les moments difficiles en réduisant vos conforts personnels. La politique et la vertu sont bien compatibles, soyez dignes et respectables, ayez le sens de l’exemplarité, c’est l’essence même de la renaissance culturelle. Commencez d’abord et nous suivrons. C’est le peuple qui vous a amené là où vous êtes, si vous êtes incapables d’être des Hommes vertueux, il vous ramènera là où vous étiez.
SAIDOU TANKARI Ismaila