Bien que les Forces de défense et de sécurité (FDS) nigériennes soient engagées, aux côtés de l’Armée tchadienne, en première ligne dans la lutte antiterroriste, notamment contre les groupes Boko Haram, Aqmi, Ançar Dine et Mujao, le président Mahamadou Issoufou semble ne pas vouloir que son second quinquennat soit « étouffé » par la menace islamiste, d’ailleurs en recul. Et à en croire son ministre de la Défense, que nous avons rencontré, même s’il est difficile de prévoir la fin des hostilités avec ce type de guerre asymétrique, Boko Haram ne serait plus en mesure de mener des attaques d’envergure contre les positions nigériennes, et ce malgré l’incursion revendiquée par Mujao et qui s’est soldée par la mort de 16 soldats le 27 février à Tilwa.
Pour son second mandat, Mahamadou Issoufou veut amplifier l’impact de la « renaissance » en lui consacrant un portefeuille ministériel confié au porte-parole du gouvernement Assoumana Malam Issa. Avec son sens de l’humain et ses qualités de pédagogue, il doit insuffler une dynamique propre à conduire les citoyens à s’approprier des valeurs socioculturelles fondamentales, qu’elles soient nigériennes ou universelles. Cette détermination à gagner le triple défi de la modernisation sociale, politique et économique, le chef d’État nigérien la montre dans l’entretien qu’il nous a accordé. Pour lui, « Renaissance 2 », un projet chiffré à 8 800 milliards de FCFA qui concerne la période 2016-2021, est le prolongement du programme « Renaissance 1 » mis en oeuvre durant le mandat écoulé de 2011 à 2016 et réalisé à hauteur de 93 %. Ainsi, d’ici 2021, le président nigérien a l’ambition de positionner le Niger parmi les 50 pays les mieux gérés dans le monde, entre autres en menant une lutte sans merci contre la corruption. En matière de gouvernance, outre la création d’un poste officiel de chef de file de l’opposition incarné par l’opposant Hama Amadou, actuellement en exil en France, il espère également rentrer dans l’Histoire de son pays en étant le premier président, après plus de cinquante ans d’indépendance, à céder sa place de manière apaisée en 2021.
Par ailleurs, au regard des turbulences qui affectent la région et des menaces terroristes qui planent, le président nigérien peut s’enorgueillir d’être parvenu à maintenir un climat de paix dans son pays. Certes, au plan économique, il est conscient du rang du Niger en matière d’indice de développement humain (IDH), et il sait que seule une croissance continue de plus de 7 % l’an permettrait d’assurer une réduction sensible de la pauvreté et du chômage. Mais il faut aussi noter les avancées des indicateurs du climat des affaires, avec la montée du Niger de la 160e à la 150e place dans le classement Doing Business, ainsi que l’augmentation des entreprises créées au niveau de la Maison de l’Entreprise. D’ailleurs, dans cette édition, nous avons donné la parole aux membres de l’équipe gouvernementale mais aussi aux dirigeants du secteur privé et para étatique, et ces derniers adhèrent dans l’ensemble aux efforts de modernisation économique du président.
Adhésion également à sa politique commerciale, puisque Mahamadou Issoufou joue la carte de la diversification des partenaires. Et le premier pays investisseur est encore la Chine, premier acteur des travaux publics et deuxième partenaire commercial du Niger. Jusqu’à fin 2015, le stock d’investissement direct chinois au Niger était de 4,093 milliards de dollars américains et émanait d’une trentaine d’entreprises opérant dans les secteurs de l’exploitation du pétrole, des télécommunications, des travaux publics, de l’hôtellerie-restauration, etc. Et il n’est guère étonnant que la Banque Export-Import de Chine soit en train de financer des projets tels que la boucle ferroviaire, la construction de la cimenterie de Kao, le complexe sucrier à Dosso, la mine de charbon de Sakadalma, l’aménagement de la corniche de Niamey, des infrastructures routières, etc.
Mais le président Issoufou n’oublie pas l’axe Sud-Sud au sein de la zone CEDEAO. Devant l’hésitation de la China National Petroleum Corporation à s’engager dans la construction d’un oléoduc de 900 km vers le Tchad et le Cameroun afin d’augmenter la production du champ pétrolier d’Agadem de 60 000 barils/jour, le Niger étudie l’offre d’exportation au Nigeria de pétrole brut destiné à ravitailler par camions la raffinerie sous-employée de Kaduna. Cette offre nigériane semblant plus rentable que le projet de pipeline chinois, le président Issoufou ne devrait pas hésiter à faire ce choix pour le bien de son pays.
Par Christian Lapeyre
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