Aujourd’hui c’est le 09 février. Une date historique. Un repère pour les citoyens nigériens notamment la jeunesse. Ce témoignage d’Abdourahaman Zakaria, un des leaders estudiantins de l’époque est poignant. Il préconise entre autres que la journée du 9 février soit dédiée à la jeunesse par la République.
« Le Niger est un laboratoire de démocratie». Cette phrase est devenue un leitmotiv fièrement prononcée par beaucoup de nos compatriotes à chaque fois qu’il est question de la gestion démocratique de la cité. Ce qui dénote une approche scientifique de la démocratie et une solide culture démocratique qui empêche aux Nigériens de cautionner et d’accepter toute altération de notre processus démocratique.
Il est aussi clair que dans notre expérimentation de la démocratie, certains en usent pendant que d’autres en abusent. Cela va sans dire, comme le dit l’adage « il faut de tout pour faire un monde », mais il faut surtout encourager les premiers et dissuader les seconds pour qu’ils ne la dévoient pas. Notre démocratie n’a pas été offerte sur un plateau d’argent, raison pour laquelle notre pays ne doit pas se soustraire au devoir de mémoire. S’il y a une chose qu’il ne faut pas oublier ou faire oublier, c’est le douloureux et tragique processus qui nous a conduits de la dictature à la démocratie. C’est pourquoi il est nécessaire de le rappeler de temps en temps, pour que nos concitoyens sachent respecter et valoriser les sacrifices consentis par certains pour que d’autres soient libres et que nous soyons dans une situation de relative quiétude démocratique.
Depuis 1990, chaque année et chaque matin du 09 février, les jeunes scolaires nigériens sortent pour commémorer les événements malheureux du 09 février 1990 et réclamer justice. Ce qui est tout à fait normal et légitime, car la lutte continue de génération en génération. Malheureusement, le seul commentaire que beaucoup de nos concitoyens font de cette journée se résument à ceci: « Les enfants sont encore sortis pour nous importuner « . « Certains ne savent même pas pourquoi ils sortent « . Une telle attitude reflète l’ingratitude et la démission de la part de ceux qui sont censés les comprendre et les éduquer.
Le 09 février 1990 est indéniablement une journée très significative dans l’histoire socio-politique du Niger et elle mérite d’être respectée, racontée fidèlement et dignement comme un repère historique majeur à la jeune génération. Si ce jour-là des jeunes nigériens organisés au sein de l’Union des Scolaires Nigériens ( USN) n’étaient pas sortis pour manifester sur le Pont Kennedy et se faire réprimer sauvagement en payant un lourd tribut, il n’y aurait pas eu le déclenchement des luttes démocratiques des années 90 qui ont permis l’avènement du multipartisme intégral, l’émancipation des syndicats et des associations et le début de la jouissance des libertés publiques par nos compatriotes qui ont culminé avec la tenue de la Conférence Nationale Souveraine du Niger (CNS) .
Le 29 juillet 1991 date de l’ouverture de la CNS est consacré Journée Nationale de la Démocratie. En la faveur des événements tragiques du 09 février et de la préparation de la CNS, suite à la manifestation d’un groupe de femmes soutenu par les mêmes scolaires, le 13 mai est devenu la Journée de la Femme Nigérienne. Nous ne voyons pas pourquoi le 09 février qui a servi de déclic à tout ce processus qui nous a courageusement conduit à la démocratisation de notre société ne peut pas être consacrée Journée Nationale de la Jeunesse Nigérienne. Une journée où elle sera au centre des activités et des réflexions.
Si tant est que nous sommes conscients que la jeunesse est le fer de lance du développement économique et social de notre pays, c’est l’occasion de lui donner un temps et de l’espace pour l’écouter. Quant aux jeunes, à travers leurs structures réellement représentatives, ils doivent en toute responsabilité discuter de leur rôle dans la société, déployer leur énergie pour organiser des activités sensibilisatrices allant dans le sens d’intégrer la tolérance, la probité, le civisme et le patriotisme dans leurs comportements au quotidien.
En fin de compte, la jeunesse doit aussi comprendre qu’elle ne doit pas être toujours remorquée. Autant elle a besoin d’être encadrée et soutenue, autant elle doit être ambitieuse, courageuse, ingénieuse et intègre. Une jeunesse obscurantiste et opportuniste est un véritable obstacle pour le progrès du Niger. Nous avons besoin d’une jeunesse consciente, cultivée et engagée capable de relever les grands défis du monde actuel.
Abdourahaman Zakaria