Discours d’ouverture du Ministre d’Etat, Ministre de l’intérieur, de la Sécurité publique, de la Décentralisation, des Affaires Coutumières et Religieuses du Niger
Niamey, 18 janvier 2017
Mesdames, Messieurs
Je voudrais à l’entame de mon intervention saluer et féliciter tous les Ministres et Chefs de délégation qui ont fait le déplacement de Niamey pour participer à cette 11ème Réunion des Ministres de l’intérieur des Etats membres de la CEN-SAD sur les Migrations irrégulières et les Enjeux sécuritaires dans la zone sahélo-saharienne .
Votre participation à cette rencontre témoigne éloquemment de l’intérêt que nos pays attachent à ces sujets cruciaux pour notre Communauté.
Je saisis aussi cet instant pour féliciter le Secrétariat Général de la CEN-SAD pour l’organisation de cette importante rencontre dans la capitale du Niger.
Je vous transmets à tous les salutations et les félicitations du Président de la République du Niger SEM ISSOUFOU MAHAMADOU pour la tenue effective de cette importante réunion dans notre pays.
Mesdames et Messieurs,
La 11e réunion des Ministres de l’intérieur des pays membres de la CEN-SAD se tient dans un contexte de crises et de conflits dans différentes parties de l’espace sahélo-saharien. Ces crises engendrent des bouleversements politiques remettant en cause parfois l’intégrité des territoires nationaux. Elles entretiennent surtout une situation d’instabilité qui favorise le crime organisé et qui freine les perspectives de développement et de bien être pour les populations.
Ces crises provoquent aussi une augmentation des flux migratoires dans plusieurs parties de notre espace parmi lesquels les mouvements vers l’Europe, mais aussi les flux à l’intérieur de l’Afrique elle-même.
Ainsi, ces dernières années, on estime à plus de 10.000 africains morts rien que parmi ceux qui tentent de traverser la Méditerranée dans le cadre des migrations irrégulières vers l’Europe.
Les migrations sont la conséquence de plusieurs facteurs structurels, communs à de nombreux Etats de la zone Sahélo-Saharienne. Au-delà de l’instabilité politique se traduisant par des crises et conflits, il faut surtout prendre en compte le chômage et la pauvreté généralisés, en particulier des jeunes et des femmes, la mauvaise qualité de la vie avec un accès réduit aux services sociaux de base, et la dégradation continue de l’environnement qui réduit drastiquement la base productive des principales activités de notre espace, notamment l’agriculture et l’élevage.
Mesdames et Messieurs,
La situation de chômage extrême et de précarité dans laquelle se trouve la jeunesse africaine est une source de migration irrégulière et d’insécurité durable.
Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), près de 60 % de jeunes africains sont au chômage et les solutions à leurs problèmes prendront encore du temps. Ce taux élevé de chômage des jeunes est un facteur de déstabilisation sociale de nos sociétés, et donc d’insécurité pour les Etats.
En effet, dans un continent peuplé de jeunes, une telle proportion de chômage est un véritable danger.
Le spectacle des bateaux qui échouent à Lampedusa avec femmes enceintes et enfants ou celui des cadavres qui échouent par milliers sur les côtes italiennes, doit nous interpeller avant d’interpeller les Gouvernements Occidentaux.
Il y a donc là des actions à entreprendre pour changer le cours de l’histoire de cette jeunesse car la sécurité de l’Afrique est indissociable de la résolution durable de la situation des jeunes.
Si nous devons être lucides quant aux causes de l’immigration ainsi qu’aux remèdes à y apporter, nous ne devons pas moins être engagés pour combattre l’immigration irrégulière.
Notre engagement contre le trafic des migrants en direction de l’Europe se justifie par trois ordres de raisons :
- Le trafic des migrants est intimement lié au trafic des armes qui alimente les guerres prévalant dans notre espace, ainsi qu’au trafic de drogue si dangereux pour notre sécurité ;
- Le trafic des migrants cause la mort à de nombreux jeunes africains, tant dans le désert du Sahara qu’en Méditerranée ;
- Les immigrés sont devenus un véritable enjeu de politique intérieure dans tous les états européens et un alibi commode pour la montée des forces politiques xénophobes et islamophobes en passe d’être un vrai danger pour la démocratie dans ces pays. Or toute menace contre la démocratie en Europe est une menace sur la planète entière.
Mesdames et Messieurs
Je voudrais à présent évoquer avec vous les enjeux de sécurité dans l’espace sahélo-saharien, sur lequel la session des experts a fait un travail remarquable.
En effet, la situation sécuritaire dans l’espace sahélo-saharien se caractérise, de Dakar à Djibouti, par de crises multiples mais aussi certains progrès politiques et économiques pour tous les pays.
Ainsi, nous devons reconnaitre un succès relatif de la démocratie dans l’ensemble des pays sahélo-sahariens, ce qui contribue à la diminution des conflits internes aux Etats.
De dizaines d’accords de paix et de réconciliation ont été signés dans l’espace sahélo-saharien.
Le dialogue et l’inclusivité sont devenus les maitres mots pour sortir des conflits et la notion des droits de l’homme et des citoyens est une valeur de plus en plus partagée.
Cependant, l’instabilité dans l’espace sahélo-saharien a pris de l’ampleur par la rencontre de trois phénomènes criminels à savoir : le terrorisme, le trafic de drogue et la migration irrégulière.
L’association entre les terroristes, les trafiquants de drogue et les passeurs des migrants irréguliers a rendu la menace contre la sécurité de nos Etats plus tenace.
Ces trois phénomènes se nourrissent l’un l’autre : les passeurs et guides conduisent les cargaisons de drogues sur des couloirs de passages sûrs, les trafiquants de drogue amènent l’argent qui permet aux terroristes d’acheter les armes, et ces derniers protègent les couloirs de passages des trafiquants. A la faveur de ces transactions criminelles, les terroristes attaquent les Etats avec leurs armes, procèdent à des prises d’otages ou détruisent les infrastructures publiques.
C’est là la principale mutation des dernières décennies qui a donné au terrorisme un caractère globale et planétaire.
Le trafic des migrants, le trafic des êtres humains sont devenus des ressources pour les narcoterroristes.
Mesdames Messieurs
Aujourd’hui, ces groupes terroristes attaquent l’Etat, principalement ses forces de défense et de sécurité, mais aussi ses infrastructures économiques et culturelles.
Quatre acteurs majeurs déstabilisent aujourd’hui l’espace sahélo-sahariens à savoir AQMI et Etat Islamique /DAECH pour ce qui est du Maghreb et du Sahel, Boko Haram au Nigeria et dans le Bassin du Lac Tchad et le Groupe Al-Shabab en Somalie.
A ces acteurs, nous pouvons ajouter les réseaux de crimes organisés qui sont investis notamment dans le trafic de la cocaïne en direction de l’Europe et des Etats-Unis.
Ces réseaux sont globalisés et agissent selon le schéma suivant : liés aux cartels de la drogue d’Amérique Latine, les réseaux nationaux de narcotrafic qui menacent nos pays sont aussi liés aux pirates des mers ouest-africaines, aux fraudeurs transfrontaliers divers, et aux groupes terroristes du Sahel et du Sahara, ultimes convoyeurs de chargements de la drogue.
On estime que 10 % de la cocaïne mondiale passe par l’Afrique et ses frontières poreuses.
Ces réseaux « globaux » sont les moteurs d’une industrie florissante de blanchiment d’argent et d’une narco-économie en progression dont la face visible est la naissance d’entrepreneurs spontanés dont les capitaux n’ont ni traçabilité ni généalogie crédible. Le Groupe Intergouvernemental contre le blanchiment d’argent (GIABA) estime à 500 milliards de dollars les montants blanchis par les narco-entrepreneurs en Afrique de l’Ouest en 2014.
Mesdames Messieurs
Les Etats Sahélo-sahariens doivent ainsi repenser leurs politiques migratoires et sécuritaires en redéfinissant de nouvelles politiques pour faire face aux nouveaux défis.
Il faudra intensifier la coopération Sud-Sud en matière de gestion des flux migratoires et de sécurité mais aussi en matière de développement.
Le développement sera le socle de toute politique migratoire et sécuritaire qui voudrait relever les défis actuels avec des moyens qui répondent aux attentes des populations qui n’aspirent qu’à vivre dans la paix.
Pour cela il faudra :
- Donner des opportunités économiques aux femmes et aux jeunes de l’espace sahélo-saharien pour changer leurs vies.
- Résoudre les problèmes de la sécurité alimentaire par la valorisation de l’agriculture familiale et d’une agro-industrie durable.
- Régler définitivement la question de l’accès à l’eau potable dans nos pays.
- Régler définitivement la question de l’énergie et de l’électricité dans nos pays.
- Rattraper le retard de nos pays dans l’éducation des jeunes par une prise en charge qualitative de ce secteur.
- Créer une couverture maladie continentale en faveur des jeunes et couches vulnérables.
Par ailleurs, sur le plan international, une mobilisation vigoureuse doit être entreprise afin de créer les conditions d’un commerce équitable de nature à revaloriser les richesses de nos pays.
Au plan économique, les Etats membres de la CEN-SAD doivent poursuivre une croissance soutenue en vue de résoudre dans la prochaine décennie, les problèmes de la faim, des maladies primaires, d’analphabétisme et d’éducation.
Cela renforcera la qualité du capital social et changera de manière significative les conditions de vies des populations. Les populations penseront plus à changer leur vie chez elles plutôt que d’aller vers des aventures incertaines.
Mesdames et Messieurs
Pour finir, je voudrais une fois de plus vous renouveler mes remerciements et mes félicitations, au Nom du Gouvernement du Niger et du peuple nigérien, pour avoir choisi Niamey pour abriter cette réunion.
Tout en souhaitant plein succès à nos travaux, je déclare ouverte la 11ème Réunion des Ministres de l’intérieur des Etats membres de la CEN-SAD consacrée aux Migrations irrégulières et Enjeux sécuritaires dans la zone sahélo-saharienne.
Je vous remercie de votre attention