La commission d’enquête parlementaire sur le foncier urbain mis en place en juin dernier a livré ses résultats après 90 jours d’investigation dans 15 communes du pays. Le rapport global de 300 pages a été validé ce jeudi 13 octobre 2016 à l’unanimité des députés en séances plénière. A l’issue de la plénière, la commission a fait le point détaillé sur les conclusions de leur travaux à la presse. Plus de 105 000 parcelles devront être retirées car octroyées irrégulière et le manque à gagner pour le Trésor public est estimé à plus de 100 milliards.
Boureima Barry, le président de la commission d’enquête avant la conférence de presse à fait le point de leurs recherches en séance plénière aux députés, qui auparavant l’avait validé et autorisé sa publication.
Le moins que l’on puisse dire est que ce document est « détonant et explosif ». Pour parvenir aux résultats, plus de 300 acteurs de la chaine foncière de 15 communes dont été auditionnés. Ces différentes auditions et les recherches documentaires ont permis de déceler des irrégularités et des difficultés au regard de la procédure prescrite par les textes en vigueur. La commission a relevé plus de 105 000 parcelles irrégulièrement attribuées ou illégalement occupées.
Le rapport est constitué de deux grandes parties : la promotion immobilière et les opérations de lotissement.
Au niveau de la promotion immobilière, il est ressorti que plus de 10 300 parcelles ont été spoliés à l’Etat et revendues à des prix spéculatifs. A ce niveau des promoteurs privés ont été épinglés : Socogib, Azimmo et Satmo. Il est leur aussi reproché un changement de destination de parcelles sans autorisation. C’est-à-dire que la responsable de Socogib et Azimmo, Alizeta Ouédraogo dit Gando, a acheté des parcelles à la Sonatur au prix « dérisoire » de 2 000 F le M2 pour la construction de villa Type à Ouaga 2000.
Non mise en valeur, à en croire le député Barry, elle a décidé de revendre les mêmes parcelles au prix de 70 000 F le M2 à la Banque de l’Habitat, soit pour un montant de plus de trois milliards de francs. Au total, ces ventes illégales de parcelles par ces deux sociétés s’élèveraient à plus de 25 milliards de francs.
Outre cela, la commission a décelé que ces sociétés immobilière étaient en état de non payement de leurs droits et taxes.
« Pratiquement tous les promoteurs immobiliers ne sont pas à jour. La dette fiscale est estimée à plus de 16 milliards », a révélé Boureima Barry.
Quant au lotissement, il y a, entre autres, les cas de morcèlements irréguliers d’espaces verts, de terrains de sport et de marchés. A Bobo, le recensement fait état de 592 parcelles et 642 à Ouagadougou.
Les élus nationaux membres de la commission ont découvert aussi un système de distribution irrégulière de parcelles dans le cadre des lotissements. Et les cas sont flagrants selon le député : « A Bobo, M. Ousséni Zoromé, l’ex directeur régional de l’urbanisme des Hauts bassins et son chef de service, Bonsa Arouna ont à deux pris 535 parcelles ». A Ouagadougou, c’est essentiellement des anciens maires qui se sont vu attribuer plus de 500 parcelles.
Des personnalités politiques sont aussi impliquées, selon le président de la commission. Il s’agit de l’ancien président Blaise Compaoré qui s’est vu attribuer 113 parcelles, son frère François Compaoré, 22 parcelles. Et toutes ces attributions ont été faites en violation flagrante de la loi.
« Pour un lotissement donné dans une localité, tu ne peux être bénéficiaire que d’une seule parcelle. Si tu veux avoir 10 parcelles, le reste tu payes. La loi est clair à ce niveau donc il y a eu illégalité », a précisé le président de la commission.
Tout le document contient plusieurs cas d’irrégularités dans les différentes opérations foncières de 1995 à 2015. Et selon la commission, elle dispose de preuves suffisantes pour la suite de l’enquête.
Aux termes de cette enquête, les députés ont recommandé entre autres la reconstitution de tous les espaces verts par la démolition des occupations anarchiques et illégales, et l’engagement des poursuites judiciaires à l’encontre de toutes les personnes fautives. Et à ce sujet, Boureima Barry a indiqué que, dès ce vendredi, son équipe transmettra les preuves au procureur général. En ce qui concerne le retrait des 105 408 parcelles, une proposition de loi est en gestation afin de définir les contours de retrait des parcelles acquises illégalement.
L’Assemblée nationale a également pris la résolution de mettre en place un comité de suivi de l’application des recommandations pour que les résultats des investigations ne dorment pas dans les tiroirs.
« Il nous revient de faire la veille pour que les différentes recommandations soient appliquées. C’est au gouvernement de jouer sa partition dans la mise en œuvre effective des résolutions prises à l’hémicycle » a laissé entendre le président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo.
Notons que le 25 octobre prochain, ce sera au tour de la commission d’enquête parlementaire sur les titres miniers de livrer les résultats de ses investigations.
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