Premier débat télévisé pour la présidentielle américaine entre la candidate démocrate Hillary Clinton et le candidat républicain Donald Trump, le 26 septembre 2016 à New York. Les deux candidats à la présidentielle américaine se sont durement affrontés dans leur premier débat en face-à-face. Retour sur 1h30 d’attaques personnelles et d’imprécisions.
Le premier débat présidentiel opposant Hillary Clinton et Donald Trump a tenu ses promesses de spectacle politique. A l’université Hofstra, dans l’Etat de Washington, les deux candidats démocrate et républicain se sont affrontés face à Lester Holt, le présentateur star du NBC Nightly News, chargé de modérer le débat, et à une audience qui s’est avérée réactive, malgré les tentatives d’Holt de maintenir le silence.
Le débat s’est ouvert sur une période de calme, pendant laquelle les candidats ont répondu aux questions en restant cordiaux l’un envers l’autre. Le premier accrochage a eu lieu autour de la vingtième minute.
1) Clinton accuse Trump d’avoir voulu l’effondrement du marché immobilier
Pour Hillary Clinton, ce premier face-à-face était l’occasion de rappeler aux millions de téléspectateurs qui ont regardé le débat les multiples sorties exubérantes de son adversaire. Reprenant le sujet d’un des spots publicitaires anti-Trump sponsorisé par les Démocrates, Hillary Clinton a accusé Trump d’avoir déclaré, avant la crise économique débutée en 2008, vouloir qu’un effondrement du marché immobilier se produise pour qu’il puisse en profiter. Trump lui a répondu: «C’est ce qu’on appelle les affaires.»
2) Trump affirme ne jamais avoir dit que le changement climatique était un canular
Entre les explications sur les détails de son programme économique, Hillary Clinton rappelle la déclaration faite par Trump sur son compte Twitter, le 6 novembre 2012: «le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois pour rendre l’industrie manufacturière américaine non compétitive». Sur Twitter, cette publication ressortie par plusieurs médias, a été la plus partagée au cours du débat présidentiel. Trump a pourtant continué à nier avoir écrit ces mots.
3) Trump attaque Clinton sur le traité transpacifique: «Vous n’avez pas de plan»
La tension commence à monter quand Donald Trump, qu’Hillary Clinton appelle «Donald», alors que lui l’appelle «Secrétaire Clinton» (en référence au poste de Secrétaire d’Etat qu’elle a tenu pendant premier mandat Obama), interpelle la Démocrate sur la question du traité de libre-échange transpacifique, entre les Etats-Unis et 11 pays du Pacifique, affirmant qu’elle n’a de programme sur la question. Une attaque justifiée : Hillary Clinton a en effet changé plusieurs fois d’avis sur la question.
4) Le deal de Trump : les emails contre la déclaration d’impôts
Trump a provoqué les applaudissements du public présent dans la salle quand, attaqué sur la non-publication de sa déclaration d’impôts, censée être un passage obligé pour tous les candidats à la présidence, il a demandé à Hillary Clinton de rendre publiques «les 33 000 emails qui ont été supprimés», à l’époque où la candidate était secrétaire d’Etat. La Démocrate était sous le coup d’une enquête du FBI pour l’utilisation d’une boite de messagerie personnelle, et non sécurisée, dans des échanges professionnels tenant à la gestion de la politique étrangère du pays, et notamment à des informations secret défense. Début juillet, la police fédérale a recommandé de ne pas poursuivre Clinton, en concluant toutefois que l’ex-secrétaire d’Etat avait fait preuve d’une «négligence extrême».
5) Trump, au secours des communautés afro-américaines, piégé à son propre jeu
Interrogé sur les violences policières ces dernières années dans le pays et qui ont fait l’objet de violentes manifestations récemment à Charlotte, en Caroline du Nord, Trump insiste sur le besoin de venir en aide aux «communautés afro-américaines décimées par le crime» (crimes par ailleurs commis par «des migrants sans papier», selon lui). Il insiste sur l’augmentation de la criminalité dans le centre de Chicago, ville où a vécu et travaillé pendant longtemps Barack Obama, avant de d’affirmer être allé à l’encontre des communautés afro-américaines et hispaniques dans plusieurs Etats. «Vous avez préféré rester chez vous, et ce n’est pas grave», tacle le milliardaire, très sûrement en référence aux plusieurs jours de convalescence qu’a pris Hillary Clinton pour se rétablir d’une pneumonie à la mi-septembre.
Cette dernière ne veut pas en rester là et retorque: «je crois que Donald me critique pour avoir préparé ce débat. Oui je l’ai fait. Et vous savez ce que j’ai préparé d’autre ? Je me suis préparée à devenir présidente. Et je pense que c’est une bonne chose». Applaudissements et acclamations dans le public. Pour le site américain d’informations en ligne Quartz, cette répartie a marqué la victoire de Clinton sur Trump dans le débat.
6) Clinton accuse son adversaire de «mensonge raciste»
Le modérateur Lester Holt ne veut pas non plus laisser filer Trump et son soutien à la communauté afro-américaine sans évoquer le dossier que le milliardaire voulait éviter : la question du certificat de naissance du président Obama. Donal Trump a été une des têtes de file du mouvement qui prétendait qu’Obama n’était pas un citoyen américain (les «birthers»). Pourtant ce dernier a publié son certificat de naissance le prouvant en 2011. Holt l’attaque là-dessus : pourquoi le candidat républicain n’a-t-il reconnu qu’il y a une dizaine de jours la nationalité du président des Etats-Unis? Trump esquive la question en maintenant qu’Obama aurait publié son certificat de naissance avant, allant même jusqu’à se féliciter «c’est grâce à moi qu’il a été publié».
Hillary Clinton le reprend : «Ecoutez ce que l’on vient d’entendre», suscitant des rires dans le public. Elle n’hésite alors pas à charger Trump de «mensonge raciste» sur le président Obama. La Démocrate sent alors qu’elle prend le dessus sur son adversaire dans le débat.
7) Trump dérape sur la politique étrangère
Terrain de jeu favori d’Hillary Clinton, grâce à son expérience comme secrétaire d’Etat d’Obama, la politique étrangère est aussi celui sur lequel Donald Trump commet le plus d’imprécisions. Lester Holt a lancé le sujet en dernière période du débat, alors que Trump parle de plus en plus vite et fort. Ce dernier attaque son adversaire sur la question de la lutte contre l’Etat islamique. Il l’accuse d’avoir permis l’essor du groupe terroriste en lui laissant le contrôle du pétrole, alors qu’il n’était qu’à l’état embryonnaire. Hillary Clinton n’était pourtant déjà plus secrétaire d’Etat lors de l’autoproclamation du «califat» de Daesh à l’été 2014.
«J’espère que les fact-checkeurs sont en train de monter le volume et de travailler dur, assène Hillary Clinton. Donald a soutenu l’invasion en Irak.» Une affirmation que nie le candidat républicain. Selon le site de fact-checking américain Politifact, Trump a bien soutenu la guerre avant son début.
Le milliardaire perd alors son sang froid, au grand contentement d’Hillary Clinton : «J’ai un meilleur jugement qu’elle. J’ai aussi un bien meilleur tempérament. C’est mon meilleur atout dans la campagne.» Il ajoute suite à une relance d’Holt : «elle n’a pas le physique d’une présidente, elle n’en a pas l’endurance. J’ai dit qu’elle n’a pas l’endurance et je ne crois pas qu’elle ait l’endurance. Pour être président de ce pays, vous avez besoin d’énormément d’endurance.»
Hillary Clinton avait prévu l’attaque. Elle y répond avec véhémence, soutenue par le public: «Quand il aura voyagé dans 112 pays, négocié un traité de paix, un cessez-le-feu, la libération de dissidents (…) et passé 11 heures à témoigner devant une commission du Congrès, il pourra parler d’endurance.»
Le deuxième débat présidentiel se tiendra le 9 octobre à l’université de Saint-Louis, dans le Missouri. La moitié des questions sera posée par le public.
Aude Massiot
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