Situation politique : le MNSD se rallie au pouvoir !

Ça y est ! C’est désormais officiel. Le directoire du Mouvement national pour la société de dévelop‐
pement (MNSD Nassara) a décidé de basculer dans la majorité présidentielle. Cette décision n’a pas manqué de provoquer l’ire de certains membres du bureau politique qui s’y sont opposés jusqu’à la dernière minute. Pour eux, la motivation de cette décision est d’ordre alimentaire. Etaient‐ce des «intestins fragiles », pour reprendre l’expression choc de l’ancien président du MNSD et ancien président de la République, Mamadou Tandja ?
Officiellement, la justification de cette décision pour le moins historique est d’intérêt national. L’alliance qui sera tissée avec le pouvoir sera conforme aux « intérêts supérieurs de notre pays », pourrait-on entendre dans les rangs de l’ex parti Etat. Elle ne serait donc pas liée à la pauvreté qui serait devenue la chose la mieux partagée au sein des cadres du parti et qui impacte fortement l’action qu’il devrait mener en tant que parti de l’opposition. L’approche des élections municipales et régionales est aussi perçue comme une donne majeure car le parti et ses
responsables ne seraient pas en mesure de financer la campagne électorale comme c’était presque le cas lors des élections générales de février et mars derniers. Ce qui aura pour conséquence de réduire l’influence et le positionnement du MNSD sur la scène politique nationale et locale. C’est donc de la survie même du parti qu’il serait alors question. Pour l’heure, on sait deux choses : la première, c’est que la décision est irréversible. Le MNSD négociera les termes du ralliement en termes notamment de postes ministériels, dans l’administration
centrale, les collectivités etc. La deuxième, c’est que le processus sera bouclé vers la fin de ce mois, au terme des vacances du président de la République, actuellement dans son village natal de Dan Dadji. Il n’y a pas de doute que cette décision du MNSD a surpris par sa spontanéité. Qu’est-ce qui s’est passé pour que le parti prenne une si lourde décision, lui qui constitue jusqu’alors le cœur de l’opposition ? On ne finira pas d’épiloguer sur ce qui apparait comme un chambardement qui risque de déboucher sur une reconfiguration du paysage politique de notre pays avec tout ce que cela suppose comme alliances et mésalliances entre les partis de la majorité présidentielle et de l’opposition. Une question préalable : Comment le MNSD qui n’a pas encore reconnu la légitimité du président Issoufou Mahamadou, réélu suite au scrutin du 20 mars dernier, peut il vouloir entrer dans son équipe ? Cette question doit être résolue pour marquer la sincérité de l’engagement du MNSD à prendre la main tendue du chef de l’Etat. On se rappelle que les députés du MNSD et les autres de l’opposition ont, suivant cette logique, décidé de boycotter l’Assemblée nationale avant de se raviser et de mettre fin à cette « grève ». Comment le MNSD qui a combattu le président Issoufou peut-il aussi défendre son projet de société dénommé Programme de Renaissance II et s’approprier les résultats de la mandature passée ? Le MNSD fait ses adieux à l’opposition de façon aussi brutale qu’inattendue. Qu’en est-il de la réaction de ses désormais ex alliés de l’ex ARN et de l’ex COPA 2016 ?
Silence et compréhension

Beaucoup de grosses pointures de l’opposition restent motus et

bouche cousue. Elles n’ont pas d’opinion. De même, on ne sait pas si le MNSD amènera ces pointures dans ses bagages. Ni Mahamane Ousmane, ex porte-flambeau du parti Hankuri, sur lequel il n’a certainement pas eu l’occasion de réaliser une OPA, et leader pressenti d’un parti en gestation, le RDR Tchendji, ni Amadou Boubacar Cissé, qui s’est éclipsé depuis sa débâcle électorale, n’ont dit mot. Ces deux leaders ont la particularité d’être des opposants farouches au président Issoufou. Certains les imaginent mal, en si peu de temps, donner caution au programme du chef de l’Etat. Il est vrai qu’on doit tenir compte d’une logique forte de notre microcosme politique : les retournements de veste qui sont monnaie courante. La question reste posée : viendront-ils ou ne viendront-ils pas ? La surprise est venue du parti Lumana qui a fait preuve de « compréhension » en appelant ses

militants à respecter la décision du MNSD. On s’est attendu à une attitude d’hostilité voire même de mépris de la part de Lumana. Du reste, le secrétaire général du parti a laissé entendre qu’il n’y a pas de crise avec le MNSD (même s’il n’a pas prononcé le nom de ce parti) et il y en aura pas. Certains analystes pensent que le MNSD et Lumanasont les deux faces d’une même pièce. Lumana ne vient-il pas du MNSD ? Il se sussurre que les deux leaders se sont rencontrés, il n’y a pas si longtemps. A cette date, le MNSD n’a pas dénoncé son alliance avec Lumana même si l’on peut considérer qu’en rejoignant le pouvoir, il met fin tacitement à ses relations avec les

partis de l’opposition dont Lumana. Certains y voient de l’entrisme de la part du MNSD, qui, dans une logique de répartition de rôles avec Lumana, accepte d’aller dans le système Issoufou pour mieux le combattre de l’intérieur. Ce, parce que l’opposition n’a pas réussi à démanteler ce système de l’extérieur des années durant. Que dit le « Vieux », l’ancien président du MNSD Mamadou Tandja ? A en croire le journal Le Temps, le président Tandja aurait approuvé la décision du bureau politique national du MNSD de sceller une alliance avec le pouvoir dans

l’intérêt du Niger.
Partenariat gagnant-gagnant
Le MNSD gagne en allant avec Issoufou. Il bénéficiera des strapontins et trouvera les moyens de consolider ses bases. Il tournera le dos avec la diète. Il disposera aussi de l’information qui pourra lui servir, le moment venu, notamment dans la perspective des élections générales de 2021. Le président Issoufou va aussi gagner. L’opération, si elle est bien conduite, pourrait favoriser la stabilité politique. Il pourra aussi avoir l’occasion de mettre fin au chantage de certains de ses alliés actuels qui pensent que le président leur doit tout. Au nom du respect de la parole donnée et du souci de stabilité de l’alliance, il a dû souvent céder. Autre avantage, ce sera sans doute la recomposition du gouvernement en diminuant sa taille et en identifiant des personnalités compétentes pour y siéger. Et the last but not the least, le Président Issoufou a réussi à réduire l’opposition à sa plus simple expression du moment où le chef de file de l’opposition n’arrive pas à assumer son rôle tant sa ‘’convalescence politique’’ continue…à l’Hexagone.
O. Sanda (Le Républicain no2090)