A propos de l’inefficacité de l’administration nigérienne et son redressement

L’administration publique a pour rôle d’assurer le fonctionnement normal et régulier de l’Etat. Cependant, pour bien jouer son rôle et servir valablement et convenablement les citoyens, une administration se doit d’être efficace. Ce qui pousse les usagers un peu partout dans le monde à être très critiques vis-à-vis de leurs administrations.

Pour le cas du Niger, la propension à la critique de notre administration est relativement récente. Tout a commencé à un moment bien précis de l’évolution socio-politique de notre pays.  Il a fallu le 09 février 90 qui a vu le point de part de luttes démocratiques et la naissance du multipartisme intégrale dans notre pays pour que les langues se délient et que les nigériens  commencent  à publiquement poser des débats politiques qui étaient tabous à une certaine époque. C’était le règne du bâillonnement, et de l’absence totale des libertés démocratiques.

C’est d’ailleurs, bizarre de nos jours  d’entendre certains de nos concitoyens qui  comparent la gestion démocratique de la cité à celle de sa gestion dictatoriale. Nous pouvons comprendre qu’ils soient nostalgiques de la dictature, mais confondre les deux systèmes de gestion de la cité relève de l’inculture ou de l’incivilité, nous leur demandons sagement d’utiliser leur bon sens et leur bonne foi pour s’abstenir de comparer deux époques incomparables.

S’agissant de notre administration, beaucoup pensent que c’est une lapalissade que de dire qu’elle est inefficace et corrompue. Sa politisation est considérée  par bon nombre de nos compatriotes  comme étant la principale cause de son incurie. Certes, il y a la politisation, mais il y a d’autres mauvaises pratiques qui peuvent être ses corolaires ou qui peuvent ne rien avoir avec elle. Ce qui pousse une bonne partie des usagers à réclamer ou à exiger sa dépolitisation et son redressement.  La polémique autour de la politisation-dépolitisation trouve son origine dans l’alternance démocratique qui est un des fondements essentiels de la démocratie.

Ces derniers temps, le débat sur la dépolitisation et l’inefficacité de l’administration est revenu en force, comme si cette problématique a commencé avec la septième république.  Pour notre part,  nous sommes favorables à toute initiative qui a pour but de faire avancer notre pays, nous nous sommes toujours battus et sacrifiés pour cette cause. Seulement, les Nigériens aiment trop martelé sur cette question sous forme de slogan. Le tout n’est pas de réclamer sa dépolitisation, et son efficacité, ce qui importe c’est de donner  des idées sur les pratiques qu’il faut bannir et la démarche à suivre pour la transformer.

Ne perdons pas de vue que l’Etat est une continuité, il nous concerne tous et que le Niger est  un pays complexe.  Il y’a des réalités que nous ne devons pas occulter ou fuir. Nous avons des contraintes et des pesanteurs dont il faut tenir compte et avoir le courage tous ensemble d’y faire face. Ce n’est pas un problème qui peut être régler par un coup de baguette magique et par une seule personne.

Ces  dernières  années avec les mesures prises pour motiver  financièrement  et moralement  les travailleurs dans notre administration, même si beaucoup reste à faire, ils doivent en principe amorcer un éveil de conscience professionnelle. Malheureusement, nous constatons que note administration reste et demeure un lieu de dissensions  et de commérages politiques permanents. La hiérarchie est bafouée et banalisée. D’un côté, il y’a certaines  personnes qui sont arrogantes  et se gargarisent  de leur appui politique, elles se croient au-dessus des lois et règlements en vigueur, et de l’autre il y’a d’autres personnes qui gardent le profil bas et se laissent piétiner parce qu’elles ont  peur d’être ostracisées.

Un autre sentiment négatif qui détériore la situation, c’est que dans notre pays, dans les partis politiques, » les plus malins » pensent d’abord à leurs familles, aux amis et aux courtisans ensuite vient l’esprit du parti  et en dernière position l’Etat. Après la victoire d’un parti ou d’une coalition de partis, l’esprit de parti cède la place à  celui de l’appartenance familiale et autres considérations bassement subjectives. Les énormes sacrifices consentis par les uns sont vite oubliés, les autres se taillent la meilleure et la plus  grande part du gâteau en plaçant le maximum des  membres de leurs familles à des postes « juteux » et « prestigieux ». Ce qui fait que dès qu’un gouvernement est formé et les nominations faites dans les autres services et institutions, il est fréquent de voir des Nigériens se livrer à un exercice qui consiste à classer les concernés par familles d’abord ensuite par partis politiques. Ce n’est pas du tout gênant, c’est devenu même un atout d’entendre les choses suivantes : « dans telle famille il y’a tel nombre de personnes nommées,  tel ministère appartient à tel parti, telle direction générale appartient à tel autre parti, ainsi de suite jusqu’aux entités décentralisées »

Un autre goulot d’étranglement est la configuration de l’échiquier politique nationale. L’histoire politique récente de notre pays a prouvé jusqu’à aujourd’hui, qu’il est difficile pour un seul parti politique d’avoir la majorité à l’assemblée nationale. Ce qui donne libre cours aux coalitions politiques hétéroclites auxquelles nous sommes habitués. Bien sûr que dans de telles situations, les chantages et autres caprices de certains partis dans une coalition sont monnaie courante. « Le parti pivot »  est  contraint  d’avaler des couleuvres pour maintenir une certaine stabilité politique et institutionnelle dans le pays.

De nos jours, Il est de plus en plus fréquent de voir des Nigériens éviter ou refuser d’aller à  l’intérieur du pays pour travailler, ils se concentrent dans la capitale et dans certains domaines ils ont un pied dans le public et un autre dans le privé. Nombreux sont parmi les travailleurs qui ont un comportement irresponsable et indigne vis-à-vis de la chose publique, ils n’ont  ni respect, ni remords dès lors que ça ne sort pas de leurs poches. Ils  peuvent voler, détourner, piller, spolier, casser, abuser et inventer tous les prétextes et les stratagèmes pour gruger le pays.  L’excuse est toute simple : « c’est aux frais de la princesse ». Ils ne craignent aucune réprimande. Une fois condamnée, la personne peut échapper à la rigueur de la loi par un simple coup de fil ou par le don d’un sac-plastique noir rempli de gros billets craquants de banque à ceux qui sont censés appliquer la loi.

Un autre aspect important qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est la nature et le comportement de l’opposition et même de certains partis membres de la majorité qui s’inscrivent dans une logique de sabotage. Convenons en objectivement, ces dernières années, immédiatement  après les élections et la proclamation des résultats, certains partis politiques passent immédiatement à l’offensive. Ils se livrent à la subversion et aux complots de tous genres. Ils dressent leurs militants dans l’administration qui refusent de se sacrifier pour leur patrie, mais ils passent tout leur temps à vouloir  savonner la planche au parti « majoritaire ». Ce qui pousse ce dernier par souci de résultats et de réussite à ne s’appuyer que sur ses propres militants dans l’administration pour des œuvres censées mobiliser toutes les filles et les fils du pays.

Tous ses comportements et ses phénomènes mentionnés plus haut dénotent le sempiternel problème de l’incivisme et de l’absence totale du patriotisme qui animent une partie de compatriotes. De notre point de vue, pour agir sur la décadence et la perte de valeurs dans l’administration de notre pays, deux actions doivent être entreprises : une d’en bas et une autre d’en haut.

Action d’en bas : Elle doit être faite par nos concitoyens conscients et conséquents sans considération d’appartenance à tel parti politique, tel syndicat ou telle association de la société civile. Nous avons assez longtemps déploré le manque et le refus de l’éducation civique et politique des citoyens par ceux qui ont vocation à le faire. C’est le moment de s’assumer et de s’investir dans cette tâche, c’est un acte citoyen et c’est aussi un devoir de le faire pour éviter à notre pays une descente aux enfers.  Créons les conditions de sortir notre peuple du carcan rigide de la démocratie des espèces sonnantes et trébuchantes ou de l’appartenance à la famille ou à la région pour revenir un tant soit peu à l’essentiel, c’est à dire aux programmes politiques qui doivent motiver le choix des électeurs selon leur libre arbitre et non par déterminisme. Nous devons utiliser nos idées dans le sens d’émanciper notre peuple de l’emprise des gens qui le spolient et utilisent ce qu’ils lui ont spolié contre lui en le transformant en un bétail électoral. Comme l’a si bien dit Mandela :   » Il est difficile d’expliquer à quelqu’un qui a les idées étroites qu’être « éduqué » ne signifie pas seulement savoir lire et écrire et avoir une licence, mais qu’un illettré peut être un électeur bien plus « éduqué » que quelqu’un qui possède des diplômes ».

 Action d’en haut : Quand les autorités se rendront compte que le peuple est dans un processus d’éveil de conscience politique et de sursaut civique et patriotique, elles commenceront par ne pas perdre de vue qu’elles ont été élues ou nommées pour faire face aux préoccupations populaires et non à leurs intérêts  personnels et familiaux, elles hésiteront de poser des actes qui tranchent d’avec l’éthique et la civilité .  Certaines autorités à différents niveaux auront le courage et la volonté politiques d’amorcer le processus de l’assainissement et de la moralisation de la vie politique et administrative de notre pays. Comme l’a si bien dit Abraham Lincoln :  » On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ».

Voici notre modeste contribution, pour le reste nous laissons le soin aux spécialistes, experts et expérimentés de la chose pour approfondir les réflexions et aux citoyens sincères et soucieux d’entreprendre les actions concrètes. Il y va du progrès de notre pays. Aimons-le.

Zakaria Abdourahaman