Le coup de gueule de Zakaria Abdourahaman

Zakaria Abdourahaman, vedette de la jeunesse scolarisée à la conférence nationale souveraine, militant politique, c’est en observateur averti de la scène socio-politique nigérienne qu’il dénonce certaines insuffisances du leadership de nos partis politiques et de la société civile. Il est convaincu que : « Le dynamisme de notre démocratie dépend du respect de la démocratie interne ». Commentaire.

Au Niger nous sommes tellement jaloux et fiers de notre démocratie que nous avons à tort ou à raison autoproclamé notre pays laboratoire de la démocratie. Seulement, cette démocratie souffre du manque de démocratie interne dans nos partis politiques, nos syndicats et nos organisations de la société civile.

Ce manque de démocratie interne, est un véritable obstacle au dynamisme de notre démocratie et à l’éclosion des idées salvatrices et novatrices. Seules des idées constructives démocratiquement partagées et acceptées par le plus grand nombre de militants dans leurs différentes structures doivent prospérer. Ce déficit de démocratie interne favorise les abus et les dévoiements et poussent certains citoyens dans une situation où ils confondent fréquemment démocratie et anarchie. Nous sommes au regret de constater que dans ce pays, seules quelques structures politiques, syndicales et associatives sont soucieuses et respectueuses des droits et devoirs de leurs membres et leur implication aux différentes instances décisionnelles.

Dans certaines structures les mécanismes pour des consultations et prises de décisions de manière inclusive et participative n’existent que sur papier, ils sont tout le temps contournés et violés. Nombreuses sont les autres structures à un seul membre où c’est carrément la même personne qui fait tout au nom de la structure. Nous devons refuser la supercherie de certains nigériens qui parlent et décident au nom des autres sans les consulter pour connaître leurs positions et leurs aspirations. Retenons ce que Mandela a dit: « tout ce qui est fait pour moi, sans moi, est fait contre moi ».

Dans tous les cas, l’indifférence ou le refus de créer les conditions pour un exercice démocratique à l’interne pose un véritable problème. C’est celui de la représentativité des individus, du sérieux et du crédit des propos qu’ils tiennent et des décisions qu’ils prennent. Une autre conséquence est celle qui pousse certaines personnes à se livrer à des comportements avilissants comme la courtisanerie et le mouchardage pour se faire accepter par les patrons, les chefs ou les propriétaires des structures auxquelles ils appartiennent et d’autres à se taire et à observer non sans amertume et frustration certaines dérives.

Pour s’en convaincre, il suffit tout simplement de suivre de près l’aspect communicationnel de différentes activités de certains partis politiques et autres associations. Quand nous suivons les déclarations, les points de presse, les interviews etc de certains individus dans les médias, on se rend à l’évidence, qu’ils parlent à leurs noms et non au nom de leurs structures. Ils font rarement preuve de sagesse et de finesse d’esprit. Leurs propos sont politiquement incorrects, ils exacerbent, cristallisent et radicalisent les échanges entre citoyens fanatiques et incultes de la politique. Ces gens doivent être amenés à comprendre que « si ce qu’ils ont à dire n’est pas plus beau que le silence, qu’ils s’abstiennent de parler ».

Sur les réseaux sociaux, il faut le reconnaître, il y’a quelques citoyens qui donnent leurs points de vue personnels. Ils sont honnêtes, courageux et cultivés et ils enrichissent les débats avec des analyses et des contributions pertinentes et consistantes. Ils défendent brillamment et courageusement leurs convictions politiques et idéologiques. Les autres qui agissent en tant que porte-paroles de leurs structures ne sont que des usurpateurs et des mercenaires, ils sont malheureusement majoritaires. Ils sont incultes et confusionnistes. Avec eux les échanges sont devenus exécrables, ils se livrent à des attaques non conventionnelles et pas glorieuses. Ils tiennent des propos incendiaires et subversifs. Ils passent tout leur temps à médire et à diffamer leurs concitoyens. Ils rivalisent de recours aux insanités et aux monstruosités. C’est qui est surtout triste et lâche de leur part, ce qu’ils se cachent derrière des faux profils que seuls eux et leurs parrains peuvent décoder pour se livrer à leurs basses et maudites besognes. Ils oublient que « la vérité est comme de l’huile dans l’eau, elle finit toujours par remonter à la surface ».

Nos débats politiques surtout dans les télévisions, sont presque toujours faits par les mêmes personnes. Ces gens ne sont ni charismatiques ni télégéniques et tout ce qu’ils disent est léger et impertinent. Ils représentent ou pensent représenter leurs structures mais ils personnalisent le débat et ramènent tout à leurs petites personnes. Ils s’insultent et s’humilient pendant tout le temps que dure le débat. Dans tout ce qu’ils disent, il n’y a aucune substance, rien qui puisse éduquer et édifier politiquement nos concitoyens. Que de la logorrhée, de la fanfaronnade et de l’insolence. Ils ont réduit les téléspectateurs à apprécier les débats en fonction de qui a plus insulter et mépriser l’autre. Quel gâchis! Qu’ils arrêtent d’infantiliser les Nigériens.

Quid des journalistes et des thèmes choisis? Très rares sont les débats autour du choix des politiques publiques dans notre pays. Assez souvent les thèmes sont imprécis et sensationnels. Ils donnent libre cours à toutes les incohérences et les affabulations sur les plateaux des télévisions. Quant aux journalistes qui animent les débats, ils ne prennent pas le temps de s’informer et de se documenter. Le contrôle des débats leurs échappent et ils assistent médusés et effarés à la cacophonie et au tintamarre. Comble de ridicule, à la fin de chaque débat, au lieu de s’excuser auprès des téléspectateurs pour leur avoir perdu leur précieux temps, ils ont le culot de les remercier pour leur attention. Ils osent même leur donner rendez-vous la prochaine fois pour un autre cirque.

Notre pays a tout à gagner en privilégiant une approche pédagogique et crédible de la contribution des citoyens dans les débats et autres forums politiques. Nous pouvons avoir nos divergences sur beaucoup de sujets, le plus important c’est de les défendre avec humilité, honnêteté et intelligence, tout en respectant la dignité humaine.
N’oublions pas que le Niger n’est pas fait que de ses imposteurs qui importunent les gens. Il est grand temps d’encadrer les différentes sorties médiatiques. Nous avons des citoyens engagés, cultivés et crédibles, c’est à eux de s’imposer et de s’assumer. C’est très dangereux pour notre démocratie de laisser le terrain à ses pseudo-communicateurs. La démocratie, c’est tout un processus, ce n’est pas de la stagnation ou de la reculade.

Nous sommes à l’ère de la mondialisation et des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Tout ce que nous disons et écrivons est su en temps réel dans les autres contrées du monde. Faisons honneur à notre pays en assainissant et en élevant le niveau du débat pour enrichir notre démocratie.

Zakaria Abdourahaman