Pourquoi à l’ère de la mondialisation, l’effondrement du prix du baril de pétrole oublie certains consommateurs? Le baril vient en effet de passer sous le seuil historique des 30$, valeur planchée des 12 dernières années. Mieux, pour les 10 prochaines années, le baril atteindrait au mieux la barre des 89 euros, marquant ainsi une nette rupture d’avec ses valeurs tendancières jusque-là habituelles.
Devenu producteur puis exportateur de pétrole depuis quelques années, le Nigérien lambda, à tort ou à raison, vit mal le prix auquel son gouvernement lui cède un bien qu’il considère comme un don de Dieu. La faute à une mauvaise négociation des termes de l’échange du pouvoir d’antan, dixit le pouvoir actuel. Mais l’État, n’est-il pas une continuité ? Dans un esprit de développement durable (laisser aux générations futures des ressources leur permettant d’éponger à tout le moins les multiples dettes prises sur leurs dos), est-on obligé de continuer à produire à n’importe quel prix ? Le cours actuel du baril ainsi que les perspectives sur le court et moyen termes pourraient en effet amener à croire qu’importer sera moins onéreux pour le peuple que produire dans des conditions jugées défavorables.
Pour comparaison avec des pays voisins, le prix de l’essence est de 652 FCFA au Burkina, 700 FCFA au Mali, 480 FCFA au Bénin et 520 FCFA au Togo. Au Tchad, de 500 à 600 FCFA, le prix du litre de l’essence a été rabaissé à 490 FCFA au lancement de leur raffinerie en juin 2011. Quelques mois plus tard, ce prix a subi une autre diminution pour se retrouver à 380 FCFA, s’éloignant davantage du seuil symbolique des 500 FCFA. Cependant, fin 2012, le litre de l’essence a été revalorisé à 480 FCFA, prix qui a cours aujourd’hui. Une question naturelle qu’on pourrait se poser est de savoir comment des pays importateurs exclusifs de pétrole, membres des mêmes organisations économiques et monétaires, ont des prix à la pompe plus bas que le nôtre pays ?
Aux portes de la société de raffinerie Soraz, le prix du litre de l’essence est de 336 FCFA soit 62,2% du prix à la pompe qui est de 540 FCFA. Plus du tiers de ce prix émane donc de diverses marges et taxes. On en compte précisément une marge nette privée et cinq variétés de taxes publiques.
Même si nos autorités s’estiment sans marge de manœuvre sur les prix de base à la sortie de Soraz puisqu’étant « mises devant les faits accomplis », elles demeurent néanmoins maitresses de ses politiques de taxation non communautaires, une voie à leur entière discrétion en vue d’une réduction significative des prix à la pompe et une augmentation du pouvoir d’achat des citoyens. Nos autorités doivent également contraindre les opérateurs économiques vers des marges raisonnables. Pour que tous les Nigériens, pauvres, moyens et nantis, profitent de leur manne pétrolière. Pour que des années après, tous les Nigériens sentent effectivement que leur pays est rentré dans le cercle très restreint des pays producteurs de l’or noir. Pour enfin décourager la contrebande dangereuse de carburant frauduleux ainsi qu’aux implantations anarchiques des stations-service.
Abdoullaye O. DANNI
Ingénieur Statisticien Économiste